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[Théâtre] « Cassé » par le travail, rattrapé par l’humour


(Photo : Bohumil Kostohryz)

C’est avec une petite musique guillerette, qui semble tout droit sortie d’un spectacle pour enfants, que débute Cassé, la pièce de Rémi De Vos mise en scène par Myriam Muller au théâtre du Centaure. Une ambiance bon enfant, légère, immédiatement détruite par l’entrée en scène de Christine. Sa première phrase? «Quand j’ai reçu ma lettre de licenciement…» Bim. Le décor est posé.

La pièce va parler de plans sociaux, de délocalisations, de chômage, de harcèlement professionnel, de casse des droits sociaux, de suicide… mais sur le ton de la comédie, de la satire, du vaudeville. Avec tout ce qu’il faut d’amoureux transi, de relations inavouables, de mensonges, de portes qui claquent – ou presque – et d’hommes cachés dans le placard. Détail croustillant, chez De Vos, ce n’est pas l’amant qui se réfugie entre les vêtements, mais bien le mari. Si, si!

Présenté comme une succession de petites saynètes, le récit tourne autour de Christine – une excellente Caty Baccega. C’est elle qui vient de se faire virer à la suite de la délocalisation de son usine. Ses états de service irréprochables et son amour pour son entreprise – elle porte d’ailleurs toujours un survêtement au nom de l’usine – n’y changeant rien. Autour d’elle, et dans son salon, gravitent sa copine Caty, secrétaire très portée sur la chose, son mari Frédéric, informaticien qui s’occupe désormais de descendre les poubelles, Jean-Bernard, ami de Frédéric et délégué syndical répétant à qui veut l’entendre des phrases prêtes à l’emploi sur la lutte sociale, Franck, son voisin geek n’ayant jamais travaillé, vivant aux crochets de sa vieille mère et amateur de blagues, Fabrice, son médecin amoureux d’elle qui lui signe toutes les ordonnances qu’elle veut, et ses parents, lui ancien métallurgiste à la retraite, et elle, femme au foyer issue de la bourgeoisie, mais ayant épousé «la cause prolétaire».

Des personnages haut en couleur, tous magnifiquement bien interprétés par un casting sans faille, qui n’arrêtent pas d’apparaître et disparaître grâce à un système scénique pertinent avec des murs en lamelles qui réservent quelques belles surprises. Résultat, le spectateur est constamment en alerte, bousculé par la présentation d’une triste réalité socioéconomique, et même amusé par cet incessant va-et-vient, par des textes tranchants et quelques bonnes blagues bien placées. On rit jaune, mais on rit! Beaucoup même! De manière intelligente. Et ça fait du bien. Et puis on réfléchit aux méfaits du libéralisme, au malheur des gens et on repense à Henri Salvador qui sans détour chantait : «Le travail, c’est la santé / Rien faire c’est la conserver / Les prisonniers du boulot/ N’font pas de vieux os»!

Pablo Chimienti

Cassé

Théâtre du Centaure – Luxembourg.

Ce soir et demain à 20 h.

Dimanche à 18 h 30.

Puis les 16, 18, 19, 21, 23 et 24 mai.

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