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[Théâtre] Alexandre Pesle : «J’ai trouvé particulier d’apprendre un texte en plein confinement»


Emmanuelle Boidron et Alexandre Pesle se livrent à des échanges aussi vifs que drôles (Photo DR)

Actuellement au Théâtre Edgar à Paris puis en tournée, Le Switch de Luq Hamett propose sur un texte de Marc Fayet un détonnant triangle amoureux. Face aux redoutables Emmanuelle Boidron et Capucine Anav, Alexandre Pesle joue sur de nombreux tableaux et les trois comédiens se livrent à des échanges aussi vifs que drôles. Rencontre avec deux comédiens que le grand public a découvert sur le petit écran, évoquant ainsi des étiquettes qu’ils ont parfois dû faire dépasser.

Comment s’est passée la rencontre entre les comédiens ?

Emmanuelle Boidron : Nous nous sommes rencontrés à la lecture de la pièce que Luq Hamett a organisée avec son casting. Nous n’avions jamais travaillé ensemble avant.

Alexandre Pesle : On ne se connaissait absolument pas et les gens me demandaient ce qu’allait faire la fille de Navarro avec Sylvain de Caméra Café. Il y avait dans ces avis un côté crossboarding auquel nous n’avions pas pensé. Le metteur en scène nous a en quelque sorte marié tous les trois. Il savait ce qu’il voulait et ne voulait pas puis nous avons fait notre possible pour lui donner ce qu’il attendait.

Aviez-vous déjà un avis l’un sur l’autre avant de vous retrouver sur la pièce ?

AP : J’avais entendu parler d’Emmanuelle en très bien donc j’étais heureux de travailler avec elle. Quand j’ai arrêté la publicité, j’ai été travailler avec Les Nuls et on me disait qu’ils ne feraient jamais rien. Quand j’ai ensuite été sur Caméra Café avec Bruno Solo et Yvan Le Bolloc’h, on me déconseillait d’y aller. Même quand j’ai bossé avec Patrick Timsit il y a trente ans, c’était pareil. Pour Capucine Anav, on me demandait ce que j’allais faire avec cette fille de téléréalité, alors qu’en lecture, elle était géniale. Est-ce que j’allais écouter des avis grincheux ? En plus, Capucine a deux grosses qualités : la joie de vivre incarnée et le travail. Il faut juste écouter son propre feeling.

EB : Je n’avais aucun apriori ni sur Alexandre, ni sur Capucine. Je voyais qui était Alex et je connaissais son travail. Concernant Capucine, je l’ai proposée au metteur en scène car je l’avais rencontrée sur une association défendant le droit des femmes. J’avais entendu qu’elle faisait du théâtre et qu’elle voulait arrêter Hanouna.

Est-ce que le texte de la pièce vous a plu aussitôt ou l’avez-vous retravaillé ?

EB : Nous l’avons tous les trois beaucoup aimé dans son état initial puis à la table de lecture, nous l’avons affiné en fonction de nos personnages, et je pense notamment à la différence d’âge entre celle que j’interprète et le rôle de Capucine. En fonction du casting, nous avons apporté quelques petites choses mais le texte de Marc Fayet était déjà très prometteur.

AP : Luq Hamett a l’oreille donc il nous a guidé mais le texte de Marc Fayet était comme le dit Emmanuelle déjà parfait. C’est comme emménager dans une maison où tout est nickel du sol au plafond.

Emmanuelle, en évoquant la différence d’âge des deux personnages féminins, le vôtre a été accentué dans la pièce ?

EB : Nous avons dix ans de différence avec Capucine mais on joue en effet beaucoup sur cela. J’interprète une femme rangée, un peu la bourgeoise, mais qui surprend et ne se laisse pas noyer par son mari. C’est aussi l’un des ressorts de la pièce.

Est-ce que les confinements vous ont donné encore plus d’envie et d’appétence pour la scène ?

EB : C’est sûr. On attendait tellement ce moment. L’avantage est que nous avons appris trois fois notre texte et que nous avons eu trois programmes de répétition. (rires) À la dernière, c’était dur car on se demandait ce qui allait encore arriver. Cela nous a fait un bien fou de retrouver les salles, le spectacle vivant, le cinéma…

AP : J’ai trouvé particulier d’apprendre un texte en plein confinement car on ne savait pas vraiment quand nous allions pouvoir le jouer. Luq Hamett a su nous rassurer. Sur mon one-man-show, les quatre premiers soirs, j’avais des standing ovations donc il y avait aussi une grosse envie du public de retrouver ces émotions. En tant que comédien, cela a décuplé notre énergie.

Alexandre, on vous connaît pour votre rôle de Sylvain dans Caméra Café mais vous avez aussi beaucoup écrit pour les Nuls, Groland, Les Guignols, H… Quel regard portez-vous sur votre parcours ?

AP : J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir m’exprimer sur autant de projets. J’ai aussi eu la chance que l’on me propose de très bons rôles au théâtre. Le métier nous cantonne parfois dans des rôles et Emmanuelle n’est pas la fille de Navarro et je ne suis pas Sylvain le comptable. Ce qui me dérange est que les professionnels manquent d’audace de nous voir dans d’autres personnages. Je m’amuse beaucoup au théâtre, et de fait plus qu’au cinéma ou à la télévision.

Est-ce que le fait d’être parfois enfermé dans un rôle marquant a pu vous frustrer ?

EB : C’est pour moi plutôt un cadeau car j’ai grandi avec Navarro, j’ai travaillé dessus pendant 20 ans et je n’ai que de bons souvenirs. Cela m’a aussi permis d’avoir une notoriété et de pouvoir avoir d’autres rôles. Comme Alexandre, il est vrai que c’est également le théâtre qui m’a proposé des rôles plus atypiques. En faisant Les Monologues du vagin, cela m’a fait beaucoup de bien et cela m’a mis le pied vers un autre univers. Roger Hanin me disait d’ailleurs d’aller vers le théâtre. Quand on y est, on fait moins de télé et inversement. Ce n’est pas simple à gérer.

AP : La substantifique moelle de ce métier est le théâtre. C’est là que l’on apprend, que l’on travaille le plus, et cela dans le sens de labeur. C’est important pour moi qui est clairement un besogneux. Et au théâtre, nous avons le retour aussitôt, et nous le voyons sur cette pièce, les gens rient tout le long et il n’y a pas meilleure récompense pour des comédiens sur une comédie.

Emmanuelle, vous évoquez Roger Hanin dont vous avez été la fille de télévision. Que vous a-t-il apporté humainement et professionnellement ?

EB : Pour le coup, il était également devenu comme un père dans la vie. Il m’a pris sous son aile alors que je n’avais que 10 ans. Il était devenu mon mentor. Il m’a appris l’écoute, il s’acharnait sur cela et je ne l’oublierai jamais. Il m’a également construite quelque part et a participé à faire de moi la femme et la comédienne que je suis. Il était un homme très entier et le plus généreux avec les gens qu’il aimait. Il faisait aussi en sorte que ceux qui l’entourent gardent bien les pieds sur terre.

Quel est selon vous l’impact de la pandémie sur le théâtre ?

AP : Ici à Paris, c’est déjà assez compliqué car il y a beaucoup de monde et c’est parfois même difficile pour circuler, même pour retrouver des amis et cela ne facilite pas les choses. Mais il y a une vraiment une belle offre au théâtre, beaucoup de choses sont en préparation aussi et je crois que cela correspond à un besoin de vivre des auteurs, des comédiens et il faut aussi que le public soit au rendez-vous.

EB : La grande partie des gens n’a pas encore retrouvé leurs attitudes théâtrales et c’est un grand défi pour la profession. Il faut encore du temps pour que la vie redevienne un peu plus normale, que l’embouteillage aussi au théâtre se passe. J’adore Netflix mais c’est aussi passé par là. Il y aura certainement une lassitude de tout cela et l’envie de revenir à des émotions plus directes.

Est-ce que les bons retours sur la pièce et votre trio vous donnent encore plus d’énergie pour la suite ?

EB : Surtout sur une comédie où les rires sont importants, c’est indispensable justement pour nous nourrir. Le public nous porte. On doute toujours avec le théâtre mais c’est rassurant d’avoir de bonnes critiques.

AP : Le fait de se retrouver déjà ensemble, de bosser, d’échanger est déjà un plaisir et avec le retour du public, qui est en effet vraiment bon, c’est du surf. Parfois, nous avons des salles pleines et on doit davantage aller chercher les gens et sur des représentations moins remplies, le public réagit au quart de tour et c’est jouissif. C’est là que l’on s’aperçoit que le texte est vraiment bon et que l’on donne le meilleur.

Quels sont vos projets en parallèle de cette pièce ?

EB : Je me concentre sur le théâtre. J’y trouve sincèrement beaucoup de satisfaction.

AP : Je vais continuer au théâtre, notamment avec mon one-man-show « Le Pesletâcle » où je me lâche sur tout ce qui peut déranger et je vais écrire pour la télé. Je ne peux pas passer une journée sans écrire, sans avoir des idées de pièces, de programmes TV… Sinon, je suis physiquement mal. C’est vraiment un besoin comme certains ont celui de courir. (rires)

Nikolas Lenoir

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