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Sur les traces de la mystérieuse «Joconde africaine»


Le portrait de la princesse Ife Adetutu Ademiluyi à Londres, le 7 février 2018. (Photo : AFP)

Elle est décrite comme « la Joconde africaine ». Elle, c’est la princesse yorouba qui a inspiré une série de trois peintures à l’artiste considéré comme le père du modernisme nigérian, et dont un portrait depuis longtemps disparu vient de refaire surface.

Mais comme dans le cas du célèbre tableau de Léonard de Vinci, la femme du portrait peint par Ben Enwonwu reste à bien des égards un mystère – même pour le fils de l’artiste et la famille de la fameuse « Tutu ».

L’une des oeuvres, découverte par hasard dans un appartement du nord de Londres et estimée à 250.000  livres (282.000 euros), sera vendue mercredi par la maison d’enchères Bonhams dans la capitale britannique.

Ben Enwonwu était professeur de beaux-arts à l’université d’Ile-Ife, berceau de l’ethnie yorouba, dans le sud-ouest du Nigeria, lorsqu’il rencontra Adetutu Ademiluyi en 1973 et réalisa son portrait.

Cette représentation d’une princesse yorouba par un artiste igbo, reproduite sur une affiche populaire accrochée dans de nombreuses maisons nigérianes, est devenue un symbole de la réconciliation nationale.

Quatre ans plus tôt, une terrible guerre civile avait pris fin entre les indépendantistes igbo revendiquant le création d’une République du Biafra, dans le sud-est du pays, et les forces fédérales. Tutu réconciliait le Sud du Nigeria.

Inventaire royal

Ce que l’on sait de « Tutu », c’est qu’elle est la petite-fille d’un chef traditionnel, l’Ooni (roi) d’Ife, Ademiluyi Ajagun, qui est décédé en 1930.

Il se serait marié 47 fois, et aurait eu beaucoup de maîtresses et d’enfants.

Les quelques parents de l’Ooni qui sont encore en vie et qu’un journaliste de l’AFP a pu retrouver, se rappellent bien d’une Adetutu.

« Adetutu était l’une des filles du Kabiyesi (roi) Ademiluyi », raconte Olori (reine) Anifowoshe, qui affirme être la seule épouse de l’ancien monarque encore vivante.

Mais la vieille dame, qui aurait « plus de 100 ans », ne se souvient plus si Adetutu a été mariée ou même si elle a eu des enfants: « Elle est morte il y a longtemps ».

Cecilia Ayoka, une autre membre du « clan royal », fait une pause alors qu’elle marche avec lenteur, appuyée sur une canne.

« Je connaissais Adetutu à l’époque, mais depuis quelques années je n’ai plus entendu parler d’elle », raconte Mme Ayoka, qui a épousé le prince Okero Ademiluyi, l’un des fils de l’ancien roi.

« Peu de gens connaissaient Adetutu parce qu’Ademiluyi est une famille si nombreuse ».

« Mon mari, qui était l’un des descendants directs, est mort à plus de 120 ans et il avait plus de 40 épouses », ajoute-t-elle. « Seules trois d’entre nous sont encore en vie. »

Héritage mondial

Giles Peppiatt, directeur de l’art moderne africain chez Bonhams, à l’origine de la découverte de cette « image mythique », selon ses propres mots, a lui aussi mené son enquête au Nigeria.

La semaine dernière, il a parcouru les 200 kilomètres qui séparent Lagos d’Ife, sur les traces de la belle « Tutu ». D’après lui, les femmes âgées de la famille royale rencontrées par l’AFP faisaient peut-être référence à une Adetutu d’une autre génération.

D’après les témoignages qu’il a recueillis, une Adetutu plus jeune, qui aurait la soixantaine, habitant à Lagos, serait encore en vie, et correspondrait mieux à la femme de 19 ou 20 ans qui posa pour le célèbre peintre nigérian dans les années 70.

« Tutu est l’une des quelque 300 enfants (du roi), c’est pourquoi il est assez difficile de la retrouver », explique-t-il avec enthousiasme.

Enwonwu – qui réalisa une sculpture en bronze de la reine Elizabeth II lors de sa visite au Nigeria en 1956 – est décédée en 1994 et ne semble avoir laissé aucun indice sur sa muse.

Dans son atelier de Lagos, le fils de l’artiste, Oliver, ne se souvient pas que son père l’ait déjà évoquée devant lui et affirme ne pas savoir où se trouve les deux tableaux restants.

Mais le quadragénaire, qui est président de la Société des artistes nigérians, se dit fier de la reconnaissance croissante de son père: « C’est une source de joie que plusieurs décennies après sa mort, les œuvres de mon père soient appréciées dans le monde entier ».

Le Quotidien / AFP

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