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Six mois après l’attaque, Salman Rushdie se confie


Le célèbre romancier d'origine indienne Salman Rushdie, naturalisé américain et qui vit à New York, s'est exprimé début février dans un long article publié par le journal des élites culturelles The New Yorker. (Photo : afp)

Pour la première fois depuis qu’il a failli mourir dans une attaque au couteau aux États-Unis l’été dernier, l’écrivain britannique Salman Rushdie confie avoir beaucoup de mal à écrire et souffrir de stress post-traumatique.

Le célèbre romancier d’origine indienne Salman Rushdie, naturalisé américain et qui vit à New York, s’est exprimé début février dans un long article publié par le journal des élites culturelles The New Yorker, à la veille de la sortie aux États-Unis de son dernier roman, Victory City, le «récit épique d’une femme» au XIVe siècle. Ses confidences exclusives au rédacteur en chef du New Yorker, l’écrivain David Remnick, sont titrées «Le défi de Salman Rushdie» et accompagnées d’une interview audio d’une heure et d’une sombre photo en noir et blanc de l’intellectuel de 75 ans, le visage marqué et portant des lunettes avec un verre noir à l’œil droit.

Devant ce cliché qu’il a jugé sur Twitter «spectaculaire et puissant», Rushdie en a publié un autre, en couleur, le montrant avec le même verre noir de lunettes, mais l’air plus apaisé. Son agent littéraire, Andrew Wylie, avait révélé en octobre qu’il avait perdu la vue d’un œil et l’usage d’une main.

Alors que Victory City a été achevé avant son agression du 12 août 2022 dans le nord des États-Unis, Salman Rushdie dit avoir «trouvé très, très difficile d’écrire». «Je m’assois pour écrire et il ne se passe rien; j’écris, mais c’est un mélange de vide et d’âneries, des choses que je rédige et que j’efface le lendemain», confie l’écrivain qui vit depuis 1989 sous la menace de mort d’une fatwa émise par l’Iran, après la publication de son livre Les Versets sataniques.

Le pouvoirdes histoires

«Je ne suis pas encore tiré d’affaire», souffle-t-il en prévenant son intervieweur : «Le PTSD existe, vous savez», employant en anglais l’acronyme définissant le trouble de stress post-traumatique (TSPT). Même si «sa guérison progresse», avait dit son agent au journal britannique The Guardian, quelques jours avant la publication de l’article du New Yorker, Rushdie ne fera aucune promotion publique pour ce 15e roman, déjà sorti aux États-Unis et au Royaume-Uni et attendu à la rentrée de septembre dans sa traduction française, chez Actes Sud.

Adulé par les élites en Occident, détesté par des extrémistes musulmans en Iran ou au Pakistan – certains s’étaient réjouis en août de son agression –, Salman Rushdie est une icône de la liberté d’expression et défend encore avec érudition et son style flamboyant la puissance des mots dans Victory City.

«Les mots sont les seuls vainqueurs»

Le livre raconte l’épopée de Pampa Kampana, une jeune orpheline dotée de pouvoirs magiques par une déesse, qui va créer la ville de Bisnaga – littéralement «la ville de la victoire». Avec pour mission de «donner aux femmes une place égale dans un monde patriarcal», selon l’éditeur Penguin Random House, son héroïne et poète, qui vivra près de 250 ans, sera aussi le témoin de «l’orgueil de ceux qui sont au pouvoir», assistera à l’essor puis à la destruction de Bisnaga et subira l’exil.

Son héritage au monde restera toutefois son récit épique, qu’elle enterre en guise de message pour les générations futures. «Les mots sont les seuls vainqueurs» est la phrase qui clôt le roman. Dans le New York Times, l’écrivain américain Colum McCann, ami de Salman Rushdie, affirme qu’il «dit quelque chose de très profond dans Victory City». «Il dit : « Vous ne pourrez jamais enlever aux gens la faculté fondamentale de raconter des histoires ». Confronté au danger, même face à la mort, il réussit à dire que tout ce que nous avons, c’est le pouvoir de raconter des histoires.»

«Je ne vaispas si mal»

Né à Bombay en juin 1947, juste avant la partition de l’Inde, dans une famille bourgeoise musulmane laïque, Rushdie publie son premier roman, Grimus, en 1975 et devient une célébrité mondiale dans les années 1980 avec Les Enfants de minuit, qui lui vaut le Booker Prize au Royaume-Uni. Malgré la fatwa iranienne jamais levée et son refus de vivre sous protection policière, Rushdie se sentait plus libre et avait repris une vie en société ces dernières années à New York.

Le 12 août dernier, il avait été invité à une conférence littéraire à Chautauqua, petite ville culturelle et bucolique prisée des retraités dans le nord-ouest de l’État de New York, près du Grand Lac Érié. Au moment de prendre la parole, un jeune Américain d’origine libanaise soupçonné d’être sympathisant de l’Iran chiite s’était jeté sur lui, armé d’un couteau, et l’avait poignardé une dizaine de fois. «J’ai connu mieux, mais vu ce qui s’est passé, je ne vais pas si mal», assure aujourd’hui Salman Rushdie, ajoutant toutefois «tenir (son agresseur) pour responsable» de son état de santé.

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