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«S’exprimer» : des stars russes en concert pour aider les réfugiés


L'icône pop russe Monetotchka s'est produite devant plus d'un millier de fans, principalement des Ukrainiens et des Biélorusses, lors d'un concert antiguerre à Varsovie, le 21 avril. (photo AFP)

Star du rap russe, Noize MC surgit des coulisses et déboule sur scène, acclamé par des centaines de fans originaires d’Ukraine, de Russie et du Belarus, venus à Varsovie pour assister à son concert contre la guerre.

Quelques mots émouvants pour dénoncer l’opération militaire russe en Ukraine puis il forme le signe de la paix : « Je ferai ce signe jusqu’à ce que mes mains soient attachées dans le dos », lance-t-il. Une référence aux exactions, attribuées par l’Ukraine et les pays occidentaux à l’armée russe, commises dans des villes comme Boutcha, où des dizaines de corps d’Ukrainiens ont été retrouvés, certains les mains liées derrière le dos.

Noize MC – de son vrai nom Ivan Alexeïev, 37 ans – est l’une des deux pop-stars russes qui se produisent en Europe pour récolter des fonds destinés aux Ukrainiens forcés de fuir l’offensive militaire du Kremlin. Avec l’icône de la pop russe Monetotchka, ils ont déjà levé plus de 200 000 euros pour une ONG polonaise d’aide aux réfugiés, grâce à leur tournée « Voices of Peace ».

« Je voulais trouver un moyen de m’exprimer le plus efficacement possible », a expliqué Monetotchka, avant sa prestation. Elle est ensuite montée sur scène, devant une projection d’images de ballerines dansant le Lac des cygnes, ballet associé au déclin de l’ère soviétique et à l’effondrement du régime.

« Parler de guerre » 

En robe blanche et coiffée de deux chignons, Monetotchka a enchanté les fans avec un poème incisif raillant l’invasion russe, avant d’enchaîner avec des tubes electro-pop. « Nous avons trouvé un moyen de faire vraiment la différence et d’oublier, une seconde, le sentiment de culpabilité », a déclaré l’artiste de 23 ans, de son vrai nom Liza Guyrdymova, née juste avant l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, en 2000.

Dans les paroles de ses chansons, ses inquiétudes sur l’évolution de la Russie se cachaient jusqu’alors sous « des métaphores ». Mais les deux derniers mois ont changé la donne. « Je parle de guerre sans synonymes », a-t-elle déclaré, défiant une loi du Kremlin imposant aux Russes de qualifier l’offensive en Ukraine d' »opération militaire spéciale ».

Mais dans le même temps, elle dit craindre de perdre ses fans favorables au narratif du Kremlin. « J’essaie de toutes mes forces de ne pas effrayer les gens qui ne se prononcent pas, mais plutôt de les amener vers nous ».

Cette série de concerts en Europe est bien éloignée des tournées précédentes, même de celles qui se sont déroulées après 2014, année du soulèvement du Maïdan et de l’annexion de la Crimée par la Russie. Les artistes russes, raconte-t-elle, avaient alors continué à se produire en Ukraine, sans grande différence entre un concert à Saint Petersbourg et à Kharkiv, deuxième ville d’Ukraine aujourd’hui quotidiennement bombardée par les forces russes.

« Nous pouvions y aller et chanter dans notre langue russe, nos chansons russes, et personne ne nous faisait rien », dit-elle. « Les gens là-bas connaissaient nos chansons par cœur ». Tout comme les centaines de fans ukrainiens présents à Varsovie, qui reprenaient ses chansons en chœur.

 « Pas indifférents » 

« Je suis heureuse qu’il y ait des Russes qui ne soient pas indifférents et qui nous aident », s’est réjouie Evguenia Korjelaïa, 25 ans, dont les parents vivent à Mykolaïv, ville du sud de l’Ukraine qui subit d’intenses bombardements.

Liza Daviskiba, 36 ans, manager russe vivant en Finlande, a elle été surprise de voir autant de monde pour des artistes russes. « Je suis si heureuse de voir ce genre d’initiative. Cela montre que les choses ne sont pas bonnes en Russie et que nous les Russes sommes avec les Ukrainiens ».

Comme des dizaines de milliers de ses compatriotes choqués par la décision de Vladimir Poutine d’envoyer l’armée en Ukraine le 24 février, Monetotchka a quitté la Russie dans les jours qui ont suivi. Et comme eux, elle ignore quand elle rentrera au pays.

Toutefois, elle garde espoir car les dons recueillis lors des concerts proviennent pour la plupart de Russie. Et les concerts – en Pologne, Lettonie, Lituanie, République tchèque, et prochainement dans des capitales scandinaves et en Allemagne – lui permettent, ainsi qu’à Ivan Alexeïev, d’«oublier brièvement de penser» à la Russie et de « garder la tête hors de l’eau ».

Même si tout ne va pas sans mal car elle reconnaît aussi s’être parfois heurtée à la « colère » des Ukrainiens et de certains Européens. « C’est leur droit ».

 

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