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Sang neuf : le combat d’une vie


En avril 2020, Jean-Christophe Chauzy découvre qu’il est atteint d’une maladie du sang rare et très grave. S’engage alors une longue lutte pour sa survie, qu’il raconte dans un ouvrage bouleversant et sans concession.

D’abord une confidence : «On peut imaginer tout ce que l’on veut de plus intense, on sera toujours rattrapé par la réalité.» Les mots sont de Jean-Christophe Chauzy, auteur prolifique bientôt sexagénaire qui, justement, n’a jamais hésité à pousser la fiction dans ses derniers retranchements.

Preuve irréfutable : sa saga survivaliste et postapocalyptique Le Reste du monde, sortie en quatre tomes chez Casterman (2015-2019), sans zombies, mais avec des humains barbares prêts à tout pour s’en sortir dans une société dévastée.

Une série où il était déjà question de combat, de survie et d’espoir de lendemains qui chantent. Mais, comme il le précise une nouvelle fois, la vie est «toujours plus forte, plus violente, plus dure». Il va en avoir la rude confirmation en avril 2020, avec des examens sanguins inquiétants.

Alors que le monde entier est placé soudainement sous cloche, confronté à une inédite crise sanitaire, il apprend en effet que son corps est à «demi-mort», atteint d’une maladie rare et grave : la myélofibrose.

Comprendre que sa moelle osseuse ne produit plus rien (ni globules blancs, ni globules rouges, ni plaquettes). Il est privé de toute défense immunitaire. Il lui faut d’urgence une greffe. Dans sa peine, toutefois, une chance inespérée : sa petite sœur, Corinne, est compatible. Elle sera sa donneuse. En plein confinement, il en entame alors un autre, plus périlleux encore.

Deux longues années, cloîtré à l’hôpital (en chambre stérile) ou chez lui, faites d’angoisses, d’incertitudes et de soins extrêmement lourds. Gavé de médicaments, entouré de machines, de soignants et de ses proches, Jean-Christophe Chauzy attaque son combat le plus personnel et intime qui soit. Au bout, deux issues : la mort ou la renaissance.

L’auteur le reconnaît lui-même : Sang Neuf se veut le témoignage «cathartique» de son expérience, motivé par l’envie de transmettre «l’intensité des sensations, des émotions et des réflexions» qui le traversent, et qui ont marqué «au fer rouge» cette période trouble de son existence.

Il est passé par tous les états : la sidération face à la maladie d’abord, puis la colère, le découragement, la déprime, la solitude et la peur de la mort, avec ce rapport permanent à sa propre finitude, qui donne le vertige. «N’être plus rien, c’est impensable!», clame-t-il.

Il évoque aussi un lent processus médical où la patience reste la meilleure alliée au cœur d’une routine molle, ponctuée de rares accidents. Il parle encore de ce parcours du combattant qui n’en est pas un («se battre ou renoncer, on ne choisit rien, on encaisse!») et de l’aspect «magique» du traitement. Sans oublier cette obsession, qui tient lieu de mantra : tenir, jour après jour, coûte que coûte.

Jean-Christophe Chauzy n’est pas seul à livrer bataille, et il y pense régulièrement. Il s’interroge même : comment réussir à être un mari, un père, un fils, un ami alors qu’il ne se sent plus que l’ombre de lui-même?

Dans ce sens, son livre se veut également un vibrant hommage à toutes celles et tous ceux qui ont œuvré, avec générosité, à sa guérison. L’hôpital public, évidemment, avec son personnel dévoué et aux petits soins, dont Gaëlle, médecin en chef à laquelle il confie sa vie. Mais aussi sa sœur qui, grâce à ses cellules souches, a reconstruit un corps en «ruine».

Par son don, elle fait désormais partie intégrante de lui, dans une «perpétuelle communion», ajoute-t-il. Sur près de 250 pages, Sang neuf est ainsi un récit organique, irrigué par le vécu : «De la vraie douleur, de vraies larmes et de la vraie terreur.»

Pour cet ouvrage bouleversant et sans concession, l’auteur a dû faire preuve d’inventivité. Comment, en effet, traduire en texte et en images une telle aventure intérieure? Comment, en somme, rendre palpable ce qui tient de l’invisible?

Graphiquement, il va user de multiples techniques, tantôt réalistes, tantôt fantaisistes. Habitué à se mettre en scène (dans ses séries Un monde merveilleux et Petite Nature), il va ici tordre sa physionomie, jouer avec les dimensions et les expressions.

En outre, pour «rester sur l’os», il va travailler à l’encre de Chine (pour la première fois en 35 ans), avec un noir et blanc se mêlant parfois au rouge sang. La couleur, elle, attendra les jours heureux…

Dans le fond comme dans la forme, à la fois didactique et intime, Jean-Christophe Chauzy réussit ici un superbe tour de force. Et prouve au passage que rien n’est perdu d’avance, lui qui mène aujourd’hui une «seconde vie», tant espérée.

Sang neuf, de Jean-Christophe Chauzy. Casterman.

L’histoire

En 2020, alors que le monde se confine, Jean-Christophe Chauzy, lui, est placé en chambre stérile. On vient de lui diagnostiquer une myélofibrose : sa moelle osseuse ne produit plus de plaquettes.

Le pronostic vital est alors engagé, une greffe va être tentée, et c’est sa sœur Corinne qui sera la donneuse. S’engage alors un violent combat contre la maladie…

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