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Sameh Zoabi, réalisateur de Tel Aviv on Fire : « On a besoin de l’humour pour survivre »


Une comédie pleine de finesse qui parvient à faire rire on s'inspirant de la situation israélo-palestinienne, pourtant on ne peut plus compliquée. (photo DR)

Sameh Zoabi, le réalisateur de Tel Aviv on Fire, était récemment à Luxembourg. Son film « Tel Aviv on Fire vient de sortir en salles. Interview.

Comment est né ce film, cette idée de faire une comédie sur ce sujet finalement difficile qu’est le conflit israélo-palestinien ?

Sameh Zoabi: Mes idées ne viennent pas de concepts clairs. Tout est dans le feeling, dans le moment. Je suis toujours à l’écoute des changements, des changements politiques, des changements dans ma vie, et Tel Aviv on Fire est arrivé comme ça. Je ne voulais pas nécessairement faire une comédie, mais la comédie pour moi est une manière naturelle de m’exprimer. Et ça, je pense que c’est dû à l’endroit d’où je viens. Je suis palestinien, j’ai grandi dans le sud d’Israël, en tant que citoyen de seconde zone, donc. Depuis 1967, quand il y a eu cet espoir d’une Palestine indépendante et dont parle le film, on doit vivre avec cette frustration, ces contraintes… On a besoin de l’humour pour survivre !

J’ai de la famille à Gaza, donc je dois à chaque fois passer des checkpoints pour aller les voir. C’est ça ma vie, celle de ma famille. Gaza est un ghetto ! Et les Israéliens essayent de ne pas le voir. Mais se lever tous les jours en disant que la vie est terrible, ça ne sert à rien ! Au contraire, si l’on prend ces malheurs et qu’on les transforme en quelque chose de drôle, là, les gens écoutent et vont se rappeler vos propos. En tant que cinéaste palestinien, mon but est de raconter des histoires de là d’où je viens. Mais représenter la réalité telle qu’elle est n’est plus très intéressant, il faut être créatif.

Alors, comment sont venues ces idées du soap-opéra palestinien, de ce checkpoint, de ce gars paresseux qui finit, un peu par hasard, par devenir scénariste ? Et, de l’autre côté, ce gradé de Tsahal, responsable du checkpoint, qui l’arrête et qui s’intéresse à lui car sa femme aime la série ?

Cela peut sembler un peu fou comme idée, mais je pense que ceux qui ont vu comment ça se passe vraiment là-bas comprennent d’où vient cette folie. En fait, le film est l’histoire d’un créatif qui doit faire face à tout un tas de problèmes politiques. Et c’est un peu mon histoire, dans le sens où j’ai des amis, des producteurs de différents pays, et que chacun veut quelque chose de précis de ma part, quelque chose qui convienne à la vision que lui a de la situation, que chacun a une idée de l’image que doivent renvoyer les personnages palestiniens, les personnages israéliens, etc. Tout le monde fait du lobbying. C’est Huit et demi de Fellini !

Après, tout le monde est au courant de l’occupation, de comment est la vie là-bas pour les Palestiniens; je voulais donc un point de vue plus intellectuel, car pour moi le checkpoint est une occupation avant tout de l’esprit. Et pour cela, rien de tel que le soap-opéra pour faire passer ce message, car tout est exagéré, irréel. Ça crée une distance par rapport au sujet traité et on peut donc tout dire à travers cela.

Comment le film est-il perçu en Israël ?

Très bien. Ceux qui l’ont vu ont beaucoup aimé. Et les infos, après avoir vu le film, ont dit que ce film pouvait être « l’étincelle pour faire en sorte que toute une génération qui ne veut plus voir le conflit s’y intéresse de nouveau ». On verra bien.

Comment vous êtes-vous retrouvé à coproduire le film avec le Luxembourg ?

Mon producteur là-bas a rencontré mon producteur ici, a envoyé le scénario. Chez Samsa, ils l’ont aimé et ont juste dit qu’il faudrait venir tourner ici. C’est ce que l’on a fait. 70% du film a été tourné ici. Les intérieurs, évidemment. Mais c’est bien fait, parce que ça ne se remarque pas du tout. L’équipe était vraiment super ! C’était une expérience incroyable. J’ai tout de suite demandé à revenir tourner un autre film.

Et ce sera le cas ?

Je cherche un projet, avec Samsa… On verra bien, mais c’est tout à fait possible.

Entretien avec Pablo Chimienti

Comédie explosive

Salam est un jeune Palestinien qui habite à Jérusalem. Ni vraiment malin ni vraiment bosseur, il réussit néanmoins à se faire prendre en stage sur le tournage du soap-opéra arabe à succès Tel Aviv on Fire. Facile, le producteur n’est autre que son oncle. Avec ses connaissances linguistiques, il doit se porter garant de la bonne prononciation de l’hébreu par les comédiens. L’histoire de la série se déroule en 1967, année de la guerre des Six Jours et de l’occupation par Israël du Sinaï, de la bande de Gaza, de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et du Golan. Des militaires israéliens font donc face à des espions palestiniens.

Une manière pertinente de rappeler la situation actuelle de la région. Là où vit justement Salam, qui doit passer tous les jours le point de contrôle entre Jérusalem où il vit et Ramallah, où le feuilleton est tourné. Une frontière-forteresse qui n’a rien à voir avec celle que doivent traverser les frontaliers du Grand-Duché.

Un soir, après le travail, il se fait arrêter bêtement par les soldats et il est conduit auprès du commandant des lieux, Assi. Après une rencontre froide, voire électrique, la situation se calme quand ce dernier croit que Salam est le scénariste de la série qui scotche tous les jours toutes les femmes de sa famille devant la télé. Assi voit là une manière de se faire bien voir par les siennes. Et Salam trouve en cet officier la fantaisie nécessaire pour devenir vraiment scénariste, et la connaissance nécessaire de la chose militaire et des Israéliens pour donner plus de profondeur et de réalisme aux personnages.

Une comédie explosive pour toute la famille !

P.C.

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