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Retour de concert – « Pere Ubu » à l’Opderschmelz


À le voir arriver sur scène, le souffle court et les jambes fatiguées, soutenu par une maigre canne, on se dit que Pere Ubu – alias David Thomas, seul membre permanent du groupe – a payé de sa personne ses longues années au service du rock avant-gardiste.

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Ce qui est admirable avec Pere Ubu, c’est sa volonté de pousser toujours plus loin l’expérimentation, sans jamais se fourvoyer. (Photo : Isabella Finzi)

Il avait d’ailleurs déjà annulé sa venue au Luxembourg, l’année dernière, pour des raisons de santé. Soulignons, à l’adresse des plus jeunes, que son premier album, The Modern Dance, datant de 1978, est toujours considéré comme l’une des pierres angulaires du mouvement punk.

Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, et le gaillard, dont la route a croisé celle d’une flopée de musiciens, en est aujourd’hui à sa quinzième galette, Carnivals of Souls, rappelant que, si le physique a du mal à suivre, l’esprit, lui, est toujours aiguisé.

Oui, ce qui est admirable avec Pere Ubu, c’est sa volonté, intacte malgré plus de trente ans de carrière, de pousser toujours plus loin l’expérimentation, sans jamais se fourvoyer. Sa musique reste un art, profondément expressionniste et surréaliste, avec la pointe de mordant et de subversion qu’il faut. La centaine de témoins présents mercredi soir à l’Opderschmelz de Dudelange peuvent l’affirmer haut et fort : ce David Thomas est un sacré personnage, presque autant que celui, célèbre, d’Alfred Jarry, à qui il a emprunté le nom.

C’est un concert en deux parties qu’a proposé l’artiste, farouchement anticommercial ; philosophie symbolisée par un premier set d’une vingtaine de minutes, tenant de l’improvisation et de la poésie musicale, et expédié d’une traite, avec le renfort, entre autres, d’une clarinette, d’un thérémine et d’un « téléphone-micro ».

Le second, lui, correspondait plus à ce qu’on connaissait de Pere Ubu, à savoir une musique aux accents punk-rock, qui sait s’égarer avec brio sur des sentiers chaotiques. Au centre des envolées sonores, on trouvait en David Thomas un maître de cérémonie éclusant les verres de rouge à l’instar d’un Bukowski, grognant, soliloquant et s’amusant avec le public.

Tantôt s’excusant pour le bordel qu’il a sous le crâne, tantôt tournoyant sa chaussette au-dessus de la tête, l’homme a fait le show, formidablement cynique, génialement cinglé. Sa scène avait alors les allures d’un théâtre, son royaume, et la chaise sur laquelle reposait son corps usé, prenait l’envergure d’un trône. Sacrons-le désormais Roi Ubu, même si sa cour d’un soir était bien sage. « Merdre » alors !

De notre journaliste Grégory Cimatti

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