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Piégés dans le froid de Belgrade, des migrants supplient l’Europe


Plusieurs dizaines d'Afghans et Pakistanais, qui ne savent plus quoi espérer, campent dans ce entrepôt insalubre du centre de Belgrade. (photos AFP)

« Nous attendons Noël. Peut-être ouvriront-ils les frontières »: tel est le vœu formulé par des jeunes migrants qui survivent dans un entrepôt de Belgrade, bloqués dans ce cul-de-sac glacé sur leur route vers l’Europe.

Selon le Haut commissariat des Nations unies, « un millier de réfugiés/migrants dorment à la dure dans le centre » de la ville, où l’hiver serbe s’est installé.

Plusieurs dizaines d’Afghans et Pakistanais, qui ne savent plus quoi espérer, campent dans un entrepôt insalubre entre la gare et un chantier d’appartements de luxe en bord de Save.

Au petit matin, de longues formes dissimulées sous des couvertures se blottissent. L’air âcre irrite la gorge et les yeux, la suie noircit les murs : pour se chauffer, ils brûlent ce qu’ils peuvent. Les plus chanceux ont des tapis, les autres s’isolent du béton gelé avec quelques cartons.

Ceux qui se lèvent, traits creusés, se réchauffent avec un thé brûlant, mangent du pain. D’une poubelle s’échappent des pelures d’oignons. Les premiers debout se dirigent pour un brin de toilette vers deux fûts d’eau chauffée au feu de bois.

SERBIA-EU-MIGRANTS

Beaucoup se disent mineurs

Ces hommes parfois adolescents, refusent de rejoindre un des treize centres officiels où 5 300 personnes sont hébergées, selon Ivan Miskovic, porte-parole du Commissariat serbe aux réfugiés.

« Ils vont nous renvoyer en Bulgarie où il faudra encore payer » des passeurs, explique Mohamed Darwich, de la région de Jalalabad en Afghanistan, qui dit avoir 17 ans. Son périple entamé il y a un an a coûté 7 000 euros, financés par la vente de terres familiales, assure-t-il. D’autres ont cédé du bétail ou des échoppes, pour se payer un sésame vers l’Europe.

Certains ont tenté de passer illégalement en Hongrie et en Croatie, pays de l’Union européenne. « Ils nous ont capturés près de la frontière, nous ont battus et nous ont renvoyés », selon l’Afghan Ihsan Ullah, qui annonce avoir 15 ans, montre les trous dans ses baskets et affirme être mieux traité par les Serbes. D’autres ont récemment engagé une marche du désespoir de plus de 100 kilomètres, munis de pancartes « Ouvrez les frontières ! ». Avant de rebrousser chemin, vaincus par la fatigue et le froid.

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« Ils sont où les droits de l’Homme ? »

Il n’y a aucun moyen de vérifier ces histoires et états civils susceptibles d’ouvrir la voie au statut de réfugié. Mais qu’importe aux yeux d’Hashim Zia-Ulhaq : « Si j’avais une solution à mes problèmes, aurais-je laissé ma femme, mon fils de 4 ans, ma mère et mon père ? »

Il ne croit plus au Père Noël depuis longtemps : « L’Europe n’est plus comme avant. Ils ne traitaient pas les réfugiés ainsi ». Et il sait que des hommes jeunes comme eux sont moins susceptibles d’émouvoir l’Occident que des enfants. « Les attaques en France et en Belgique n’ont pas arrangé les choses. Nous sommes coincés ici », soupire-t-il. Après quatre mois à Belgrade, il va jeter l’éponge et rejoindre un camp officiel.

Pas comme ce Pakistanais de 23 ans, disant s’appeler Mohamed Khan : arrivé en début de semaine, enroulé dans une couverture, il a de la colère en réserve. « Les Européens peuvent dire qu’ils sont pour les droits de l’Homme », mais « ils sont où les droits de l’Homme quand il fait -7, -10 degrés ? ». Cet étudiant à l’anglais impeccable ne dira pas pourquoi il a laissé Peshawar, seulement que « personne ne quitte son pays sans raison ».

Le Quotidien/AFP

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