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Phèdre(s), avec Isabelle Huppert, passera par le Luxembourg


On ne voit qu'elle, fin roseau ployant sous la torture de l'amour : Isabelle Huppert incarne toutes les Phèdre(s) mises en scène par le Polonais Krzysztof Warlikowski. (Photo DR)

Isabelle Huppert, torturée dans Phèdre(s) de Warlikowski. La pièce sera jouée au Grand Théâtre de Luxembourg les 26 et 27 novembre.

On ne voit qu’elle, fin roseau ployant sous la torture de l’amour : Isabelle Huppert incarne toutes les Phèdre(s) mises en scène par le Polonais Krzysztof Warlikowski au théâtre de l’Odéon, à Paris, jusqu’au 13 mai, avant Londres, Luxembourg et Liège. La pièce s’ouvre sur une mélopée arabe (El Atlal, version rock de la chanson d’Oum Kalthoum chantée par Nora Krief).

Une danseuse de cabaret libanais se déhanche, lascive. Un cartel affiche «Beauté» en lettres géantes tandis qu’apparaît Isabelle Huppert, chevelure blond platine et lunettes noires, poupée fragile en body de dentelle sous le manteau noir. Elle est Aphrodite, déesse de l’amour, qui va posséder Phèdre et la rendre esclave de son désir impossible pour le jeune fils de son époux Thésée, Hippolyte.

Phèdre souffre, nous aussi. On verra Isabelle Huppert ramper, hurler, supplier, pauvre humaine dévastée de désir dans un froid palais aux parois recouvertes de miroirs. Trois heures, deux fellations et deux suicides plus tard, on entendra brièvement cinq minutes de la Phèdre de Racine, en point d’orgue épuré de ces variations folles autour de la figure du désir.

«Phèdre, c’est chez moi»

Le Libanais Wajdi Mouawad a écrit toute la première partie : Warlikowski lui avait d’abord demandé d’adapter, de «revamper» les textes antiques d’Euripide et de Sénèque. Il a largement débordé ce cadre, ancrant sa Phèdre comme une «grande mère mésopotamienne» en terre moyen-orientale. «Phèdre, c’est chez moi», explique-t-il dans ses intentions. La pièce déroule donc d’abord ce texte des origines, comme un flot qui menace à tout instant de noyer le spectateur, avant la pièce moderne et violente de la Britannique Sarah Kane (L’Amour de Phèdre) et un texte du Sud-africain J. M. Coetzee (Elizabeth Costello).

Chez Sarah Kane, Hippolyte est un adolescent «caractériel, cynique, amer, gras, décadent», vautré devant la télévision où tourne en boucle la scène du meurtre sous la douche de Psychose de Hitchkock. C’est très cru, presque trash, habité d’une belle tension dans les deux premières parties, qui faiblit un peu après l’entracte avec un long dialogue d’un prêtre tentant d’arracher une confession à Hippolyte. Isabelle Huppert revient ensuite, souveraine, en conférencière pince-sans-rire, pour disséquer les amours des hommes et des Dieux (Elizabeth Costello).

Les familiers du travail de Kzysztof Warlikowski retrouveront ses marques de fabrique, ses «tics» diraient certains : lavabos, cages de verre mobiles glissant sur le plateau. Chez Warlikowski, la chair est définitivement triste et le désir inassouvi. On retiendra surtout de ces Phèdre(s) la performance pour la moins exceptionnelle d’Isabelle Huppert, brindille tendue comme un arc, portée par une énergie surhumaine. «Comment en si peu de place, il peut y avoir autant de force», s’interroge son personnage dans la pièce. On ne saurait mieux dire.

Le Quotidien

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