Notre série sur les aventuriers : Guillaume Néry, le grand bleu

Guillaume Néry, 34 ans, s’est approprié le monde des abysses. Sa spécialité : champion d’apnée. Il est l’un des héros de notre série d’été consacrée, pendant cinq semaines, à des aventuriers du XXIe siècle.

Dans sa discipline, il est multi-recordman. En panne d’imagination, certains l’ont surnommé «l’homme-dauphin» ou encore «Sa Majesté des abysses». Guillaume Néry est tout de même un peu tout ça à la fois…

Ces temps-ci, il est en vacances en Corse et a posté sur Twitter quelques messages de tristesse après l’attentat qui a coûté la vie à 84 personnes à Nice, sa ville de cœur. La mort, le jeune homme l’a approchée de près, de très près même, en septembre 2015. Lui, le plongeur en apnée de réputation mondiale a pour règles de vie ces quelques mots : « Vivre à 200 % » et « Aller au fond intérieurement ». Et son terrain de jeu favori, ce sont les grands fonds sous-marins. Les abysses. Le grand bleu. Sa spécialité, son art de vivre : la plongée en apnée. Qui a failli donc l’emporter à jamais l’an passé.

Décor de fin d’été 2015 : au large de Chypre. Ce jour-là, lui, le quadruple champion du monde, tente un nouveau record. Profondeur : 129 mètres. Sous l’eau, et c’est la première fois qu’il éprouve cette sensation, il trouve la plongée « un peu longue ». Et de raconter : «J’avais ramassé la plaquette, au fond, et en donnant le premier coup de palme, pour remonter, il s’est passé un truc bizarre… Quand j’ai rouvert les yeux, j’étais sur le bateau, on était en train de me ranimer. Mes poumons s’étaient déchirés, j’aurais pu clairement me noyer dans mon propre sang… »

Défi d’adolescents dans le bus

En fait, plus tard, on apprendra que l’apnéiste niçois a pulvérisé le record avec une descente à -139 mètres mais aussi que l’organisation s’est trompée de pas moins de 10 mètres… Une erreur qui aurait pu être fatale… Quelques jours plus tard, il annonce avoir décidé de changer de vie. « J’ai arrêté la compétition, mais je continue l’apnée.» Et de préciser : «Oui, l’accident a sa part dans ma décision mais, avant, j’ai pensé à ma fille, elle a quatre ans… Et puis, j’ai mille projets en tête, en solo ou avec ma compagne. » Une compagne qui s’appelle Julie Gautier, elle aussi championne d’apnée et réalisatrice sous-marine.

Sa vocation d’apnéiste, Néry peut la dater avec précision : « Ça a commencé dans un bus. Un défi avec un copain, à 14 ans : juste retenir sa respiration le plus longtemps possible… » À la même époque, il découvre l’univers d’Umberto Pelizzari, le plongeur qui a inspiré Le Grand Bleu de Luc Besson. Mieux : Guillaume l’adolescent présente de belles dispositions pour l’apnée. Un exercice qu’il pratique alors dans son lit, et qui met en lumière son étonnante capacité pulmonaire : 6 litres à 14 ans, près de 9 litres aujourd’hui (en moyenne, 7  litres chez un adulte).

À Nice et dans ses environs, il va alors explorer, tester les limites de son corps. Naturellement, il va devenir apnéiste. Un sport, une aventure où la pureté rivalise avec l’austérité et le danger… Confidence : « Sous l’eau, je me sens chez moi. Je retrouve mon identité, mon corps, ses repères. Cela me régénère et me remplit de joie .» L’an passé, il établissait un nouveau record de France en apnée poids constant à -126 mètres… Plonger dans le grand bleu, c’est en amont des heures et des heures d’entraînement. Avec, au programme, natation, vélo, musculation, ski de fond… et une hygiène de vie impeccable avec yoga et alimentation saine.

« Rien de drastique , tient-il à préciser. J’ai seulement adopté de grandes règles comme éviter le lait et le gluten qui encrassent l’organisme. Je mange des super-aliments comme les baies de goji, la spiruline ou le safran grec connu pour ses vertus anti-oxydantes .» Alors, il y a le voyage dans les profondeurs. L’échappée (la fuite, disent certains) vers un autre monde où l’on parle performance, chiffres. Un autre monde où, et Guillaume Néry a décidé de le prouver dorénavant, on peut aussi « plonger dans la maîtrise totale de ce qu’on fait, dans le respect absolu de son corps, pour le plaisir avant tout ».

Serge Bressan