Taxée de produit factice à ses débuts, Lana Del Rey est devenue une icône pop, hyper-productive, inspirée et souvent déroutante. Et voilà que le père s’en mêle !
Année faste dans la famille! Lana Del Rey, icône pop mélancolique, a sorti son nouvel album vendredi, tandis que le premier disque de son père, musicien «par accident», est prévu le 9 juin. Hasard ou pas, les liens du sang irriguent un des nouveaux morceaux de la chanteuse, The Grants, titre tiré de son vrai patronyme (Elizabeth Woolridge Grant). Particularité : dans l’introduction gospel, les choristes se trompent sur un mot, puis reprennent. Ce qui n’enlève rien au charme de la chanson. Un accident laissé comme une métaphore d’imperfections qui font partie de la vie.
La trentenaire s’amuse toujours à casser les codes du format pop. En commençant par le titre à rallonge de son neuvième disque, Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd. Sans parler de la structure de la chanson A&W, courant sur plus de sept minutes, qui se fendille entre mélodie cristalline et sourde rythmique hip-hop. Ce qui plaît à sa plus grande fan, la star américaine Billie Eilish. «Tu as vraiment ouvert la voie pour les autres, les gens ont essayé de te ressembler et de sonner comme toi depuis tes débuts», lui lance-t-elle au détour de l’entretien de son idole qu’elle mène dans le magazine américain Interview.
Le «visage de la soumission féminine» pour certains
L’Américaine ne souhaitait en effet que deux interlocuteurs pour être interrogée dans cette revue, Billie Eilish ou bien John Waters, réalisateur à l’aise dans les marges et adepte de la provocation. De bras d’honneur à la bienséance, il en est ainsi question dans A&W. Lana Del Rey y chante notamment du sexe sans lendemain, sur le sol d’un hôtel, se qualifiant de «pute américaine». De quoi lui valoir encore des réactions épidermiques.
Tu as vraiment ouvert la voie pour les autres!
La musicienne raconte ainsi dans Interview qu’un jour, attablée à San Francisco, une femme lui avait jeté à la face un livre sur le féminisme. Résultat d’articles acides à ses débuts l’érigeant en «visage de la soumission féminine». Alors que, selon elle, elle ne fait que chanter le droit à disposer de son corps. Et qu’elle est devenue une patronne de la pop, aimantant les collaborations huppées. À l’instar de Jon Batiste, lauréat de cinq Grammy Awards en 2022, dont le prix d’album de l’année, présent sur le morceau Candy Necklace. Billboard, média musical américain de référence, a d’ailleurs décerné à Lana Del Rey son prix de l’artiste féminine «visionnaire» au début du mois.
Après les «fils et filles de», voici le «père de»
Et la voilà qui renverse aussi les clichés avec un père lui emboîtant le pas à près de 70 ans après avoir fait fortune par le biais du commerce de noms de domaine sur internet, selon le média musical britannique NME. Exit les «nepo babies», les «fils et filles de» du show-biz tant décriés par la presse américaine, voici désormais un «nepo daddy», «père de». Situation commentée avec humour par l’intéressée sur Instagram : «Soit cela va être le début de quelque chose de magnifique, soit cela va tous nous faire tomber… Que la force soit avec nous tous!».
«Soyons réalistes : la star, ça a toujours été lui», s’amuse encore la chanteuse, dont l’album de la révélation Born to Die (2012) s’est écoulé à plus de 14,5 millions d’exemplaires, selon sa maison de disques Polydor. Elle posera d’ailleurs sa voix sur deux titres de Lost at Sea, futur album de Rob Grant. Le premier single paru du père, Setting Sail on a Distant Horizon, est un instrumental au piano.
«La plus grande auteure de chansons du XXIe siècle»
Decca, label qui héberge notamment Jeff Goldblum, acteur (Jurassic Park) et pianiste, décrit Rob Grant comme un musicien «par accident», «qui n’a jamais pris de cours pour un instrument». «Mais quand il s’assoit à un piano, quelque chose de magique se produit.» Évidemment, la posture de Rob Grant sur les visuels de son futur album est un clin d’œil à la pochette de Norman Fucking Rockwell!, disque de sa fille encensé par la critique en 2019.
Une belle revanche pour une artiste qui avait été laminée par la critique à ses débuts. Aujourd’hui, pour le magazine Rolling Stone, elle est même «la plus grande auteure de chansons du XXIe siècle». Rien que ça! Avec ce nouvel album, un travail d’envergure et souvent déroutant, d’une vérité désarmante et d’une esthétique séduisante, la chanteuse continue de décortiquer – une habitude chez elle – l’Amérique et ses névroses. Mais surtout, de sa voix reconnaissable entre mille, Lana Del Rey continue d’écrire son propre mythe.
Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd, de Lana Del Rey.