Accueil | Culture | [L’album de la semaine] « Marzipan » : Méditerranée chérie !

[L’album de la semaine] « Marzipan » : Méditerranée chérie !


avec Marzipan, d’un côté, Charif Megarbane quitte les emprunts pour signer sous son propre nom. (Photo Habibi Funk)

Avec Marzipan, Charif Megarbane livre un nouvel exemple de sa démarche «spontanée et ludique» où se croise ses nombreuses influences, de la musique de films à la soul en passant par le rock psychédélique ou la bossa-nova.

C’est l’histoire d’une rencontre inattendue, et pourtant inéluctable. Celle entre deux labels aux frontières et à l’esprit larges, bien que le premier, Hisstology, soit celui d’un seul homme, forcement à tout faire : Charif Megarbane. Un oiseau libre venu du Liban, changeant de styles, d’appellations (Cosmic Analog Ensemble, entre autres, avec laquelle il signait Expo Botanica en 2022) et de pays (Kenya, Portugal). Un artiste globe-trotter, difficile donc à mettre en cage, est si celle-ci existait, ce serait son studio d’enregistrement, terrain de jeu où ce multi-instrumentiste a concocté des dizaines d’albums aux esthétiques bigarrées, enregistrés en solitaire et fruits de folles improvisations.

Le second, lui, vient d’Allemagne, mais son cœur est ailleurs : Habibi Funk (pour «Funk chéri») qui, depuis Berlin, poursuit à un beau rythme son travail d’exploration et de dépoussiérage des musiques arabes – au sens large – des années 1970-80. Avec lui, on prend le large avec des trésors inventifs et entraînants glanés lors de voyages en Libye, au Maroc ou encore en Algérie, sortant des limbes des artistes oubliés, anciennes légendes locales et leurs albums égarés. C’est le cas de Fadoul (le «James Brown» marocain), d’Hamid El Shaeri, star de la pop égyptienne, du Libyen Najib Alhoush (sa reprise de Staying Alive des Bee Gees est savoureuse) ou de Rogér Fakhr, guitariste de la scène de Beyrouth qui a vu sa pépite Fine Anyway retrouver, à juste titre, la lumière en 2021. Et la liste est encore longue.

Après s’être longuement observées et mutuellement félicitées, les deux parties ont décidé d’aller plus loin, de franchir une étape. Mais passer de l’admiration à la collaboration devait se caractériser par un geste fort. Double même : avec Marzipan, d’un côté, Charif Megarbane quitte les emprunts pour signer sous son propre nom. De l’autre, Habibi Funk s’allie pour la première fois de son histoire discographique à un artiste contemporain, s’aventurant alors dans le domaine de la musique originale. Un changement sur papier qui, musicalement, ne révolutionne rien. Car à travers cette production, on reste en terres connues : la Méditerranée et son soleil, ou en tout cas celle fantasmée de l’artiste libanais.

On a affaire à un musicien qui n’a pas de limite, ni temporelle ni géographique

Il est temps de s’installer et de profiter du voyage, que l’on imagine d’un autre temps, tellement la musique de Charif Megarbane porte en elle ce grain si particulier, vieillot, comme sorti d’une bobine de film 35 mm. Légère et groovy, elle est pourtant incontrôlable dans sa façon de se saisir de tous les courants à portée de main : chez elle, on sent certes l’influence des bandes originales du cinéma européen (le musicien cite comme référence François de Roubaix et Jacques Thollot), mais aussi bien d’autres : la soul, le folk, le rock psychédélique, le funk, le hip-hop, le disco, la bossa-nova ou l’afrobeat. Les 18 titres de Marzipan sont une belle illustration de sa démarche, comme il dit, «spontanée et ludique».

Même si, à de rares occasions, on peut l’entendre en arrière-plan, Charif Megarbane laisse toute la place aux instruments, selon ce qu’il entend de la définition de «Library Music» (soit littéralement «Musique de Bibliothèque»). Et ils sont en pagaille à se mettre en avant : guitare, basse, batterie et synthétiseurs en tout genre, bien sûr, mais aussi piano, vibraphone, flûte… Difficile de les dénombrer. Ce qui est sûr, c’est que l’on a affaire à un musicien ultra-productif qui n’a pas de limite, ni temporelle ni géographique (le morceau Pale Baleine s’approche même du Brésil). Charif Megarbane répète que son œuvre s’apparente à un «journal intime». Carnet de voyage serait une expression bien plus appropriée, bien que les deux aillent à Habibi Funk, qui voit là ses superbes archives se garnirent encore un peu plus.

Charif Megarbane, Marzipan. Sorti le 14 juillet. Label Habibi Funk. Genre world / instrumental

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.