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Malgré Johnny Depp, Black Mass manque d’âme


Johnny Depp, crâne dégarni et bedonnant, incarne le mafieux James Bulger, condamné à finir ses jours en prison, où il a fêté en septembre ses 86 ans.

Malgré un Johnny Depp éblouissant, Black Mass, de Scott Cooper, manque d’âme pour évoquer l’amitié entre un agent du FBI et «le plus grand gangster de l’histoire américaine».

Avec un Johnny Depp méconnaissable dans la peau d’un célèbre chef de clan mafieux de Boston, le film, présenté hors compétition à la dernière Mostra de Venise, s’attarde sur la relation de ce mafioso de haut vol –qui avait aussi inspiré Martin Scorsese pour Les Infiltrés – avec un ami d’enfance devenu agent du FBI.

En soi, un scénario sans surprise : deux gamins, copains d’enfance, ont pris des chemins différents. L’un a suivi le droit chemin qui en a fait un agent du FBI, l’autre a emprunté un chemin de traverse qui l’a conduit au statut de «plus grand gangster de l’histoire américaine» et tous deux ne se sont jamais perdus de vue. Mieux (ou pire ?) : les deux gosses des quartiers défavorisés de Boston ont passé un pacte…

Voilà, c’est Black Mass, le cinquième et nouveau film de l’Américain Scott Cooper avec un casting de haut niveau emmené par un Johnny Depp qui, fidèle à sa réputation de «Fregoli» du 7 e art, rappelle qu’il peut jouer des personnages virils bien éloignés des déjantés Edward aux mains d’argent ou Jack Sparrow ( Pirates des Caraïbes ). Oui, c’est bien là la qualité première de ce Black Mass , mis en images par un réalisateur connu (et reconnu) pour Crazy Heart ou encore Les Brasiers de la colère : un Johnny Depp au meilleur de sa forme, revenu de ses errements et autres à-peu-près précédents.

«L’approcher comme un être humain»

Avec un budget confortable (40 millions d’euros) et adapté du livre Strictly Criminal des journalistes Dick Lehr et Gerard O’Neill, Black Mass emmène le spectateur dans le South Boston des années 1970. L’agent du FBI John Connolly convainc le caïd irlandais James «Whitey» Bulger de collaborer avec l’agence fédérale afin d’éliminer un ennemi commun : la mafia italienne. En images, c’est l’histoire vraie (du moins, à ce jour, supposée vraie) de cette alliance contre-nature qui a dégénéré et permis au gangster d’échapper à la justice, de consolider son pouvoir et de s’imposer comme l’un des bandits les plus redoutables de Boston et les plus puissants des États-Unis…

Présenté à la Mostra de Venise l’été dernier, le film devait originellement être réalisé par Barry Levinson (Good Morning Vietnam, Rain Man, etc.) mais au final, c’est donc Scott Cooper qui a mené l’affaire. Pour ce film de crimes et châtiments, il n’a pas oublié que l’histoire de Bulger avait déjà inspiré le cinéma en 2006 quand Martin Scorsese a signé Les Infiltrés . Mais le Bulger de Cooper est aussi un homme doté d’un véritable charisme, qui laisse sa mère âgée tricher aux cartes, loin du monstre incarné par Nicholson dans le film de Scorsese.

Cooper évoque aussi le fait que Bulger a régulièrement pris du LSD dans le cadre d’expériences menées lors d’un passage en prison. Et rappelle qu’il a été très affecté par la mort brutale de son fils, emporté par une maladie rare à l’âge de six ans. « J’ai juste voulu l’approcher comme un être humain », a expliqué à Venise Johnny Depp, qui poursuit : « Personne ne se réveille et se regarde dans la glace en pensant : « Je suis mauvais, aujourd’hui je vais faire quelque chose de mal. » »

« L’un des aspects de Bulger, c’était ses affaires, et dans ces affaires, il a fait ce qu’il avait à faire. D’un autre côté, il était très aimant envers sa famille. C’était un homme très compliqué » , a-t-il ajouté. Mais un «bon» personnage ne fait pas obligatoirement un bon film. Et Black Mass en est une nouvelle preuve.

Bien sûr, Johnny Depp y est éblouissant – et il se murmure déjà que le 28 février prochain, il pourrait bien, recevoir l’Oscar du meilleur acteur (un trophée qui manque à son palmarès) – mais le long métrage réalisé par Scott Cooper apparaît bien trop formaté dans ce genre «film de gangsters». On a là, sur l’écran, un objet à l’esthétique affirmée mais manquant cruellement d’âme et d’émotion. Dommage …

Serge Bressan

Black Mass (Strictly Criminal en France), de Scott Cooper. (États-Unis, 2h03) avec Johnny Depp, Joel Edgerton, Dakota Johnson, Benedict Cumberbatch…

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