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[LuxFilmFest] À Neimënster, la réalité virtuelle en a sous le casque


À Neimënster, c'est le cinéma en immersion virtuelle qui est à l'honneur (Photo : Julien Garroy).

Jusqu’au 15 mars, Neimënster devient le nouveau quartier de la réalité virtuelle pendant le LuxFilmFest, avec plus d’une quinzaine de films et d’expériences proposés au public.

C’est l’une des grandes fiertés du LuxFilmFest, immanquable lieu de découverte dans lequel on appréhende l’expérience cinématographique autrement, et qui s’est installé cette année dans l’abbaye de Neumünster : le pavillon réalité virtuelle est de retour pour cette 10e édition. Pour inaugurer ses nouveaux quartiers (en raison du record de fréquentation de l’édition 2019, qui recevait les visiteurs au Casino – Forum d’art contemporain), le pavillon VR propose pas moins de 17 films venus du monde entier, pour des durées qui vont de très court (cinq minutes) à très long (45 minutes).
On ne le cache plus, le grand pari de la VR est de créer un terrain homogène qui allie recherche esthétique, continuité narrative et confort du spectateur. Le plus ambitieux de ces projets est sans conteste Spheres, un film de 45 minutes divisé en trois parties d’un quart d’heure et réalisé par l’Américaine Eliza McNitt. Quelque part entre le documentaire scientifique et les digressions cosmiques de Terrence Malick, Spheres raconte l’univers à travers ses sons. Le film, narré respectivement, pour chaque partie, par Millie Bobby Brown (la Eleven de Stranger Things), Jessica Chastain et Patti Smith, et coproduit par Darren Aronofsky, est une expérience sublime qui promet un voyage hors du temps inoubliable. Forest Lounge, produit par l’administration de la Nature et des Forêts, nous transporte cette fois au cœur des beautés cachées du Mullerthal, où l’on voit défiler, à 360° et en cinq minutes seulement, les quatre saisons. Contemplatif dans le sens le plus noble du terme, le court métrage de Benigno Perez est un film d’ambiance qui se passe totalement de narration et assure une douce reconnexion avec la nature.

Les langages de l’immersion

Des expériences encore plus immersives sont proposées à Neimënster. L’une des plus attendues est The Key, de Céline Tricart (coproduit au Luxembourg), puisque le film a reçu le Grand Prix du jury pour le meilleur film en VR immersive à la dernière Mostra de Venise. Armé de deux manettes, on entre dans le film comme dans un rêve. Le personnage principal – que l’on incarne – voyage dans un monde limbesque, gris, où tous les personnages se ressemblent et où l’on rencontre d’énormes monstres aux milliers d’yeux; le but est de trouver les clefs qui se cachent dans ces songes pour avancer dans l’histoire. Un peu laborieuse et dont l’interactivité n’est pas franchement convaincante, l’expérience, dans sa seconde moitié, dévoile son sens : en trouvant les clefs, on aide le personnage à retrouver sa mémoire, celle d’une enfant réfugiée de guerre. On est projeté dans sa chambre, dont la fenêtre donne sur la rue dévastée d’un pays sans nom. The Key surprend le spectateur, mieux, il le fige sur place, mais souligne par là même l’importance de l’expérience.

Également présenté à Venise en 2019, Sublimation, des artistes luxembourgeois Karolina Markiewicz et Pascal Piron, que l’on ne présente plus, mélange l’expérience de la réalité virtuelle avec la danse et l’art contemporains. D’abord, on est invité à mettre un simple casque audio dans le monde le plus réel, qui diffuse des expérimentations sonores, constituant la première partie de l’expérience Sublimation. Puis, invité dans la pièce adjacente, on se retrouve cette fois-ci, un casque VR sur la tête, dans un univers presque vide, face à une silhouette blanche qui nous enseigne des mouvements de danse contemporaine. En les reproduisant, les capteurs de nos gants créent des fractales qui flottent dans cet univers que, petit à petit, on remplit grâce à nos mouvements (très difficiles à restituer, tant le contrôle dans le mouvement est extrême). Enfin, on passe dans la troisième pièce, où l’on découvre, sur la création sonore de la première partie, une pièce de la chorégraphe japonaise Yuko Kominami où celle-ci effectue les pas que l’on a reproduits dans l’étape précédente. Pas forcément facile d’accès, Sublimation réfléchit néanmoins de façon nouvelle et singulière au processus et aux étapes de la création artistique, invitant le spectateur à participer à la création d’une pièce unique.

Les petites perles de l’animation

Il reste encore beaucoup à explorer des horizons ouverts et désormais investis par la VR, mais c’est parfois dans la forme la plus strictement cinématographique que l’on trouve des petites perles de création et d’inventivité technique. Dans l’animation en particulier, on est complètement conquis par Gloomy Eyes, de Fernando Maldonado et Jorge Tereso (en trois épisodes de huit minutes), l’émouvante histoire d’amour entre deux enfants, l’une humaine et l’autre zombie. Narré en français par Tahar Rahim (la version originale en anglais l’est par Colin Farrell), Gloomy Eyes lorgne du côté de l’univers gothique et farfelu de Tim Burton, le design des décors et des personnages jouant sur la perspective (que l’on peut observer à sa guise puisque le spectateur peut s’approcher, physiquement, des décors pour en observer les détails), les lignes brisées…

Mais parmi l’énorme choix de films à regarder en réalité virtuelle, cette année, à Neimënster, on craque surtout pour BattleScar, une chronique animée des années punk réalisée par le duo formé par l’Espagnol Martin Allais et l’Argentin Nico Casavecchia. On y suit l’histoire de Lupe (Rosario Dawson), jeune Portoricaine qui rencontre en la personne de Debbie une sorte de double maléfique. Toutes deux vont évoluer dans le milieu du punk new-yorkais de la fin des années 1970, où elles côtoient un style de vie «no future». Les 30 minutes de film sont électriques, tranchantes, bruyantes et ultrarythmées, pour offrir un spectacle qui resitue le spectateur dans ce monde-là, le monde punk du CBGB, des crêtes à rallonge et des vestes à clous, mais aussi de la misère new-yorkaise, des extravertis dépressifs, des sniffeurs de colle, des descentes de flics… Techniquement, BattleScar est époustouflant : il utilise ses personnages pour guider le regard du spectateur, grave ses répliques les plus percutantes dans nos yeux tels des slogans et redouble toujours plus d’inventivité dans la création et les changements de décors.

D’année en année, la réalité virtuelle semble toujours gagner les nouveaux paris qu’elle relève. La richesse des créations que le LuxFilmFest propose pour cette dixième édition s’infiltre par (presque) tous les styles, pour tous les goûts. Et s’il faut encore que l’on vous encourage à découvrir ces projets, en entrée libre jusqu’au 15 mars, on le fera en citant les paroles indélébiles des plus légendaires punks new-yorkais, les Ramones : «Hey, ho, let’s go!».

Valentin Maniglia

Neimënster – Luxembourg. Jusqu’au 15 mars. Programme complet sur le site du festival.

 

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