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[Littérature] Arthur Teboul met des mots sur les maux


(photo Patrick Wack)

Il parle beaucoup, raconte encore plus. Enfant de Paris, à 37 ans, Arthur Teboul est le chanteur de l’impeccable groupe pop-rock Feu! Chatterton, mais pas que…

Il est aussi, et peut-être même avant tout, ce que certains définissent comme «docteur poète». Lui, petit sourire sous moustache, de sa voix singulière (conséquence de kystes sur les cordes vocales), se présente comme «déverseur» – un métier qu’il souhaite (re)lancer et qu’il a pratiqué en mars 2023 pendant une semaine dans un cabinet éphémère au 127, rue de Turenne, à Paris. Il y «consultait» de 10 h à 18 h – près de 250 «patient.e.s» repartaient avec un «poème minute» qu’il leur avait écrit là, devant eux, en direct, sur une feuille A4 au stylo noir…

Ces temps-ci, après avoir chanté L’Affiche rouge avec ses quatre amis de Feu! Chatterton lors de la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian, il présente son deuxième livre, L’Adresse, un nouveau recueil de poésie qui suit Le Déversoir (2023). Bel objet, L’Adresse (titre à double sens) rassemble les 236 «poèmes minute» qu’il a écrits et offerts dans son cabinet, non pas «des poèmes de commande, mais des poèmes de présence».

Des textes instantanés, des fulgurances : «Profitons des suspensions qui gravitent entre nous», «Courant laissé libre, la rivière jaillit hors de son lit. Comme ça fait du bien», ou encore «Doute de la nuit qui vient. Tu as rendez-vous ce soir et je crois qu’il serait bon de décommander»… En ouverture de L’Adresse, il écrit : «J’ai longtemps rêvé l’existence, au cœur de nos villes et de nos vies, d’un endroit protégé de la clameur du monde, du bruit et de la fureur, où l’on pourrait faire halte un instant. (…) On irait là-bas comme on va chez le fleuriste, le coiffeur ou le cordonnier, entre midi et deux après le travail. Dans les grandes et les petites occasions. Cet endroit ferait partie de notre quotidien.»

Ce que j’aime chez un artiste, c’est ce qui lui échappe

Interrogé sur le concept du «poème minute», il avance : «C’est le jet de la pensée. De l’inconscient, de l’extravagance. C’est aussi une forme d’hygiène, une discipline. Travailler le muscle de l’inconscient.» Alors, on évoque l’état dans lequel il faudrait se trouver pour créer. Ce qui provoque le déclenchement de l’écriture : «La volonté. Une articulation avec ce qu’on appelle l’inspiration. Mais l’écriture automatique, essence même du poème minute, c’est pour se détourner de l’inspiration.

L’inspiration, il ne faut pas l’attendre, c’est une fraction de seconde, de rencontre entre le soi et le réel…» Arthur Teboul confie pratiquer le poème minute depuis une dizaine d’années : «Je n’ai plus peur. La feuille blanche ne m’effraie plus.» Qu’apporte à leur auteur cette écriture automatique si chère aux surréalistes? «La quête d’apparaître au meilleur de soi-même. Ça nécessite un effort pour affiner son art. Et ça peut être aussi dangereux…» Deux confidences : «Ce que j’aime chez un artiste, c’est ce qui lui échappe»; «Le langage poétique n’est pas une langue morte, c’est une langue vivante qui me stimule. Les mots sont comme des silex : quand on les frotte l’un contre l’autre, ça peut faire des feux incroyables!».

Au fil de la conversation, seront évoqués la lecture du moment (Splendeurs et misères des courtisanes de Balzac), Baudelaire, Rimbaud, Aragon, Christian Bobin pour Le Plâtrier siffleur et aussi Léo Ferré, Georges Brassens, Jacques Brel, Alain Bashung, Christophe… Tous, comme Arthur Teboul, pratiquaient l’amour du mot. Ou encore Jean Cocteau qui, lisant son discours de réception à l’Académie française en 1956, dit : «La poésie est indispensable, mais je ne sais pas à quoi.» En écho, Arthur Teboul lui répond : «La vie est imprévisible. C’est beau de se rappeler à sa vulnérabilité. Et la poésie résiste à la consommation. Il faut être prêt à ne rien attendre.» Juste envisager cette adresse au coin de la rue où se rendre, se donner rendez-vous.

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