Accueil | Culture | La meilleure pâtissière du monde, Nina Métayer, passe à table

La meilleure pâtissière du monde, Nina Métayer, passe à table


(Photo : térèze wysocki)

Pour la première fois en un siècle, une femme a été distinguée «meilleure pâtissière du monde». À 35 ans, la Française Nina Métayer symbolise une pâtisserie tout en sourire et en émotion. Son livre, gourmand, en témoigne.

Un sourire éclatant, la voix joyeuse. Un aveu : «Je ne me suis pas rendu compte. J’étais loin d’imaginer… C’est également la reconnaissance d’un parcours». Ce jour-là, Nina Métayer, 35 ans, native de La Rochelle (Charente-Maritime), anime une master class dans le onzième arrondissement de Paris.

La semaine précédente, elle était à New York, invitée à un atelier de création organisé par un célèbre horloger suisse. Et le 25 octobre dernier, elle était à Munich; l’IUBC (International Union of Bakers and Confectioners) lui attribuait le titre de «meilleure pâtissière du monde 2023».

Rien de moins qu’un événement dans ce monde de la pâtisserie si longtemps empreint de machisme : pour la première fois depuis cent ans, une femme a reçu la plus haute distinction existant dans son domaine. En quelque sorte, le Nobel de la pâtisserie.

Un prix qui la rapproche de maîtres prestigieux comme Philippe Conticini, Pierre Hermé ou Christophe Michalak. Bienvenue dans le monde des plaisirs du goût entre pavlovas, fleurs en chocolat, millefeuilles ou brownies. Une rencontre exclusive pour Le Quotidien avec une pâtissière d’excellence, une jeune femme de son temps.

Le lendemain du 25 octobre, après avoir été désignée «meilleure pâtissière du monde», que ressentiez-vous ?

Nina Métayer : En allant à Munich, je ne m’attendais à rien. J’avais juste été sélectionnée pour représenter l’Europe… Et puis, le lendemain, je me suis dit que cette récompense, c’était pour mon parcours, mais aussi pour un travail d’équipe. La pâtisserie, on l’oublie trop souvent, c’est un travail d’équipe, chacun y a une fonction bien précise. Et puis, c’est de l’artisanat, c’est un métier passion. Un métier qui prend tout, qui demande toujours plus.

Vous êtes-vous accordé un moment pour fêter ce titre ?

Si la réception à Munich restera gravée dans ma mémoire, je n’ai pas fait de break. D’autant que le titre mondial nous a apporté très vite des commandes supplémentaires. Alors, je suis retournée à mon laboratoire. Pour créer… et rater aussi, parce qu’il n’y a pas de création sans ratage!

Vous êtes la première femme à obtenir le titre de «meilleure pâtissière du monde». Vous l’avez vécu comme un événement ?

C’est vrai qu’il n’y a pas si longtemps, il n’y avait pas beaucoup de femmes dans la pâtisserie. Quand j’ai commencé mes études pour mon CAP (NDLR : certificat d’aptitude professionnelle), nous étions trois filles à l’école, c’était un milieu très masculin. Ça a bien changé. Tant mieux !

Y aurait-il une pâtisserie féminine?

Je ne crois pas… Ou alors, c’est plutôt dans le comportement, dans le management de l’équipe. Une femme est plus dans l’empathie. Et très franchement, je ne fais pas de révolution en pâtisserie en tant que femme!

Quelle est votre définition de la pâtisserie?

Deux mots : partage et générosité. Faire plaisir et ne pas lésiner sur les proportions.

Vous vous revendiquez artisan, tout en étant à la tête d’une entreprise d’une quarantaine de personnes…

Oui, je ne suis pas dans l’industriel, je pratique une pâtisserie artisanale. Ce qui ne m’empêche pas de recourir à la technologie actuelle : l’informatique, internet, l’imprimante 3D… S’inscrire dans le futur tout en gardant la tradition.

Vous avez été élève de la prestigieuse école Ferrandi, vous avez travaillé au Mexique et en Australie, dans les cuisines des chefs étoilés Yannick Alleno et Jean-François Piège… Mais à quel moment avez-vous ressenti, pour la première fois, l’appel irrépressible de la pâtisserie?

J’avais 7, 8 ans. J’étais avec ma grand-mère et on préparait la pâte pour les gâteaux. J’étais transportée par l’odeur de la pâte. Par son odeur si particulière bien plus que par le gâteau. Ça sentait le beurre rance, bien gras et on étalait la galette charentaise. J’adorais!

Aujourd’hui, quels sont les produits que vous aimez particulièrement travailler?

La fleur de sel, la noisette et le citron vert que j’ai découvert lors de mon séjour au Mexique. Et quand c’est la saison, j’apprécie aussi la rhubarbe et la fleur de sureau.

On évoque, ces temps-ci, également la pâtisserie végane…

(Elle coupe) Ça ne relève pas de mes compétences, c’est un autre métier. Ce ne sont pas mes connaissances, ni mon identité!

Quand on regarde vos gâteaux, on n’ose pas les manger tellement ils sont de véritables œuvres d’art. Êtes-vous la Yves Saint Laurent de la pâtisserie? 

(Elle rit) C’est beaucoup d’honneurs! En fait, c’est avant tout beaucoup de travail. Mais beaucoup d’autres personnes font des choses superbes. Chacun a son identité, il y a de la place pour tout le monde, sans oublier que les petits détails font souvent les grandes choses!

Contrairement à la plupart de vos consœurs et confrères pâtissiers, vous n’avez pas de boutique…

On me dit souvent ça, mais vous vous trompez : j’ai une boutique, elle s’appelle delicatisserie.com, et elle est sur internet. J’ai également deux corners, un au Printemps-Haussmann à Paris, un autre aux Halles d’Issy-les-Moulineaux. C’est une bonne façon de rationaliser les dépenses par rapport aux commandes et d’éviter trop de pertes. Je suis pâtissière, mais aussi cheffe d’entreprise!

Vous créez sans cesse de nouveaux gâteaux. Ainsi, récemment, vous avez présenté votre bûche de Noël. Y a-t-il une pâtisserie qui vous résiste ou pour laquelle vous n’avez pas de plaisir à réaliser?

J’ai du mal avec les macarons! Peut-être parce que c’est trop répétitif… Et aussi parce que je n’aime rien tant que la pâtisserie qui nécessite du sens et des émotions!

La Délicate Pâtisserie, de Nina Métayer.  Éditions de La Martinière.

Des douceurs, du petit-déjeuner au goûter!

Dans son livre La Délicate Pâtisserie, Nina Métayer propose «60 recettes pour une pédagogie en douceur». Soixante recettes pour tous les moments de la journée, de la babka (noix de pécan) à la tarte au citron meringuée en passant par le crumble de sa maman, la meringue crémeuse, les cookies au chocolat (que sa petite fille Anastasia est capable de réaliser) ou encore le millefeuille, sans oublier les desserts de fêtes.

La «meilleure pâtissière du monde 2023» en profite également pour confier quelques secrets de confection et principes de base. Tout en se voulant rassurante pour toutes et tous en affirmant : «Créer, c’est rater!». Explication : «Il est important de décomposer le processus de création, de se libérer pour oser, que l’on soit professionnel ou amateur. Quand j’initie une création, je ne sais pas si j’arriverai à atteindre mon objectif. Débute alors une période de tests, souvent longue, avec généralement de nombreux échecs».

Elle prolonge : «Parfois, il faut renoncer à une idée et rebondir. Contourner un obstacle m’oblige à être encore plus créative. Pour être plus proche de mes convictions en matière de qualité et d’origine des produits, je peux par exemple changer la composition de certaines des recettes classiques telles qu’on les apprend dans les écoles depuis des générations.

Pour créer le feuilletage de ma galette des rois en utilisant des farines plus brutes, j’ai vraiment beaucoup tâtonné! J’ai persévéré, j’ai bataillé avec la matière et mis au point une nouvelle texture, tout en finesse, délicatement friable en bouche et qui, en plus, se tient et se conserve mieux». Miam!

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.