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Exposition – Le temps se perd dans un abîme à Dudelange


Marco Godinho est de retour au pays avec une belle exposition à Dudelange, présentant de nouvelles œuvres autour du temps et de l’espace.

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Cette vieille chaise trouée en son centre ne peut être réparée. Une allégorie du temps qui passe et que l’on ne rattrape jamais. (Photos : Marco Godinho)

Dans un monde contemporain où l’espace et le temps semblent se réduire comme peau de chagrin avec l’avancée des moyens technologiques, les deux deviennent, dans le même temps, de plus en plus organisés, politiques et parties prenantes de notre structure sociale. C’est à cette facette de notre monde que s’intéresse Marco Godinho depuis ses débuts.

« Depuis toujours, je m’intéresse au temps, à l’espace et au déplacement. C’est peut-être lié à mon histoire personnelle de migration ou au statut de l’artiste qui est intimement lié à ces notions, c’est aussi extrêmement lié à la connaissance qui est également un de mes sujets de prédilection. J’aime bien l’idée que le temps se perde lui-même dans un abîme », explique Marco Godinho.

Pour cette exposition, intitulée « L’abîme de Chronos », ce sont uniquement de nouvelles pièces qui viennent remplir les salles de la galerie Nei Liicht. Chacune est conçue comme une petite exposition en soi, dans laquelle le spectateur peut se laisser emporter dans une pause spatio-temporelle.

> Une expérience touchante

Sur le premier mur que le spectateur aperçoit, deux mètres sont accrochés. Des objets résolument ordinaires au premier abord, mais en s’approchant de plus près, on peut voir que les mesures varient de l’un à l’autre et que celles-ci ont été inscrites au crayon… Quel est le vrai du faux ? Le spectateur n’en saura rien. « Pour cette pièce, j’ai acheté des mètres dans un magasin de bricolage que j’ai ensuite poncés pour que l’on ne voit plus les mesures. J’ai ensuite essayé de reproduire les mesures, jusqu’à atteindre les 2 mètres. C’est une manière d’expérimenter l’espace physique et mental. On peut voir que, sur le premier, je suis assez loin de la mesure exacte, alors que sur le second, je m’en approche. »

C’est avec de petits riens que Marco Godinho crée des « quelques choses ». Il joue avec l’ordinaire pour bouleverser notre perception. Ainsi, tout au fond de la galerie, une chaise est installée au milieu de la pièce, elle est traversée par un fil à plomb, créant un dialogue inattendu entre deux objets ordinaires que rien ne semblait pouvoir réunir, sauf peut-être le caractère de l’irréversibilité. Il s’agit en fait d’une chaise ayant appartenu à son grand-père, trouée en son milieu et qui ne pourra jamais être réparée, à l’instar du temps qui passe et qui ne pourra plus jamais être rattrapé.

Il y a, sur le mur en face, cette pièce, sorte d’affiche reproduisant des phrases, comme un poème qui change à chaque fois que le spectateur bouge dans l’espace, se retrouvant perdu dans l’abîme du langage. Il y a aussi ces photos d’une vague, comme inachevée, où l’horizon n’existe pas, la mer prenant ainsi la dimension de frontière politique et philosophique, comme celle de la Méditerranée contemporaine.

Dans sa vidéo Et (le dernier dialogue possible), Marco Godinho personnifie l’espace et le temps, les faisant dialoguer comme s’ils formaient un couple. L’horizon absent de la mer, il l’a recréé en ramassant des bouts de ficelles et de papiers sur son trajet quotidien lors d’une résidence à Paris. Ces sortes d’haïkus forment, ensemble, un nouvel horizon, celui du hasard du quotidien et du détour. Les mots deviennent, eux aussi, des espaces, suspendus quand seuls quelques-uns d’entre eux sont conservés sous la mine de l’artiste. Chacune de ses pièces est un vrai poème, une ode à la perte de temps et de soi. L’expérience, qui pourrait paraître angoissante, se révèle finalement bouleversante et délicieuse.

De notre collaboratrice Mylène Carrière


Galerie Nei Liicht – Dudelange.

Jusqu’au 21 février.

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