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États-Unis : un film-surprise ravive les fractures


Accusé par les progressistes d'être un outil de recrutement pour les groupes d'extrême droite et de promotion de théories complotistes de la mouvance QAnon, le film a été salué par les conservateurs. (Photo : angel studios)

Éreinté par la critique de nombreux médias américains, loué par des conservateurs, le film Sound of Freedom, thriller sur le trafic d’enfants, bouscule le box-office et résonne avec les divisions idéologiques qui fragmentent les États-Unis.

Seulement deux petites semaines après sa sortie en Amérique du Nord (le 4 juillet), le film avait déjà emmagasiné plus de 85,7 millions de dollars de bénéfices, soit près de six fois son coût de production, et a largement dépassé des productions à gros budget comme notamment le dernier Indiana Jones. Le long métrage, qui s’inspire d’une histoire vraie, raconte le sauvetage héroïque d’enfants victimes de trafic. Une intrigue à première vue classique et à la morale consensuelle, qui aurait dû faire l’unanimité.

Mais dans un pays divisé, où les guerres culturelles (terme donné aux controverses explosives sur des questions de société) se multiplient, le film et ses motivations interrogent et divisent. Accusé par les progressistes d’être un outil de recrutement pour les groupes d’extrême droite et de promotion de théories complotistes de la mouvance QAnon (persuadée de l’existence d’un réseau mondial de trafic sexuel organisé par une élite de pédophiles satanistes), le film a été salué par les conservateurs.

«Déterminés à le détruire»

«Ce qui est presque aussi intéressant que le film en lui-même, c’est la réaction qu’il semble provoquer dans les médias traditionnels, qui apparaissent déterminés à le détruire à tout prix», a ainsi estimé l’écrivain britannique Will Jordan dans une critique positive du film, postée sur sa chaîne YouTube suivie par quelque 1,8 million d’abonnés. «On aurait pu penser qu’un film qui fait la lumière sur le cauchemar caché du trafic d’enfants serait une cause plutôt admirable et digne de soutien», poursuit-il.

Savoir que des milliers d’adultes vont avaler ça, c’est profondément déprimant

Filmé en 2018 grâce à des financements mexicains, le film s’inspire de l’histoire vraie d’un ex-agent américain de la sécurité intérieure, Tim Ballard, qui a créé en 2013 l’association «Operation Underground Railroad» pour venir en aide aux enfants victimes de trafiquants sexuels colombiens. Une cause devenue chère à de nombreux conservateurs, dont l’ex-président Donald Trump, qui a d’ailleurs organisé une projection du film dans son club de golf du New Jersey.

«Bouche à oreille»

Angel Studios, distributeur du film, se réjouit de salles pleines partout dans le pays. «Voir le film est devenu incontournable, grâce à un incroyable bouche à oreille», se félicite Brandon Purdie, en charge des distributions en salles. Mais le film fait l’objet de nombreuses critiques sur sa manière de dépeindre le trafic d’êtres humains et en raison des polémiques entourant l’acteur principal, Jim Caviezel, qui avait notamment joué Jésus-Christ dans le film La Passion du Christ de Mel Gibson.

L’acteur, fervent catholique de 54 ans, a participé à plusieurs évènements organisés par la mouvance QAnon et défend la théorie complotiste selon laquelle les élites soutireraient du sang d’enfant pour se nourrir d’adrénochrome, une hormone qui aurait un pouvoir antivieillissement. L’homme qui a inspiré le film, Tim Ballard, a lui aussi flirté publiquement avec une théorie maintes fois contredite selon laquelle une chaîne d’ameublement vendrait des enfants. Et son association a été accusée d’avoir exagéré son rôle dans des opérations de secours menées.

Un film «insipide»

Les réactions au film, positives ou négatives, mettent en lumière un fossé entre l’opinion de la presse traditionnelle et l’avis du public, qui a attribué un score parfait de 100 % sur le site Rotten Tomatoes et un A+ sur CinemaScore. À l’opposée, les critiques publiées par la majorité des grands médias étaient elles négatives, le New York Times ou le Guardian le critiquant pour sa proximité avec QAnon ou le jugeant «insipide». «Savoir que des milliers d’adultes vont avaler le rêve de justicier dépeint par Sound of Freedom, et en ressortir en se pensant mieux informés sur une crise civilisationnelle cachée… C’est profondément déprimant», écrit ainsi le magazine Rolling Stone.

Des critiques dans lesquelles l’écrivain Will Jordan voit de l’hypocrisie, et y oppose le soutien que les progressistes ont apporté à Mignonnes, un film français diffusé par Netflix en 2020 et accusé d’hypersexualiser les jeunes filles. Sound of Freedom, dit-il, «nous rappelle que même s’il y a beaucoup de mauvaises personnes dans ce monde qui font les pires choses imaginables, il y a aussi des hommes bons qui se battent pour les traduire en justice».

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