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En Meuse, le père Monnier, curé métalleux et fan de jeux vidéo


Alors que le Hellfest bat son plein, en Meuse, un abbé quadragénaire invite régulièrement des amateurs de hard rock, mais aussi des youtubeurs et des joueurs, à venir à la rencontre de ses paroissiens.

Difficile de deviner à la célébration traditionnelle de ses offices que le père Bertrand Monnier, curé de Verdun (en Meuse), est fan de musique metal, de jeux vidéo ainsi que des mondes fantastiques et médiévaux. Pour s’en rendre compte, il faut franchir la porte du presbytère où l’abbé, âgé de 43 ans, vit depuis 2017. Ainsi, au milieu des photographies du pape François, de l’évêque de Verdun ou encore de bibelots à l’effigie de la Vierge Marie, on découvre une pièce entièrement consacrée à ses passions : trois ordinateurs de gameur super équipés trônent entourés de ses albums de heavy metal, d’Amon Amarth à The Offspring.

Aux murs égalmement, des posters de Heroes of Storm, Lord Voldemort ou de la Terre du Milieu, le monde imaginé par J. R. R. Tolkien, père du Hobbit et de The Lord of the Rings. Responsable de 28 clochers dans la Meuse, département dont il est originaire, le père Monnier vient de publier son premier ouvrage dans la maison d’édition catholique Salvator : Les dix commandements des jeux vidéo. Aîné d’une famille de sept enfants dans laquelle «on vouvoie encore les parents», Bertrand Monnier est tombé dans la marmite du hard rock en classe de sixième lorsqu’un copain lui met dans les oreilles pour la première fois Guns N’Roses.

«J’avais déjà la volonté d’entrer dans les ordres, alors je me cachais. Dans ma famille très catholique, c’était mal vu», raconte-t-il. Les jeux vidéo sont venus plus tard, à la fin des années 1990. Ce sont les jeux fondés sur la stratégie ou la construction qui lui plaisent le plus : «Plus complexes, avec des quêtes, de l’aventure ou de la réflexion», juge-t-il. Rapidement, il est identifié comme un spécialiste en la matière. Le mélange des genres plaît ou dérange, qu’importe : il organise des tables rondes, soirées, interventions autour de ses passions.

C’est à l’issue de l’une d’elles que l’éditeur Salvator lui propose d’écrire un livre. Imaginé comme un support de discussion entre les générations, ses Dix commandements des jeux vidéo donnent «des repères aux parents et grands-parents dépassés par ce monde virtuel» et des méthodes pour lutter contre l’addiction. «Ce livre, c’est une mise à jour : grâce à lui, ils ne sont plus complètement à côté de la plaque», souligne le prêtre, connu pour porter des tee-shirts de groupes de metal avec son col romain.

Et ça marche! «Même les vieux se mettent à jouer. Pas pour retrouver leur âme d’enfant, mais leurs petits-enfants», sourit-il. S’il estime que «le jeu, c’est du sérieux!», le père Monnier est conscient que «dans l’Église, les jeux vidéo ne sont pas forcément bien vus : il existe toute une génération utilitariste qui pense que si on joue encore après vingt ans, on est forcément immature». Faux. Pour lui, la pratique des jeux vidéo permet, au contraire, «l’évasion nécessaire face à une pression sociétaire». Il estime de surcroît qu’aujourd’hui «être jeune, c’est très difficile» en raison des «angoisses économiques et climatiques».

Pour certains, Bertrand Monnier est un original, voire un marginal. À commencer par sa mère… Pour d’autres, comme pour l’évêque de Verdun Mgr Jean-Paul Gusching – qui a étrenné son appareil de réalité virtuelle – ses passions peuvent constituer un atout : «Les prêtres doivent être des pasteurs. Si je suis pasteur avec les geeks et les métalleux, ça lui va bien.» Régulièrement, il invite des youtubeurs, joueurs ou amateurs de hard rock à venir à la rencontre de ses paroissiens. Pour les sortir de leur zone de confort? «Si leur zone de confort, c’est le XXe siècle, oui», rit-il.

Pour lui, il s’agit «plus d’une question de culture contemporaine que de foi». Estimant que «ce n’est pas à l’Église de statuer sur la culture populaire, elle n’y connaît rien!». Il pense qu’elle «doit écouter ce que les jeux vidéo, les tatouages, ont à lui dire. Car elle a beaucoup à entendre.» Un nouveau livre est en préparation sur les tatouages, même si lui n’en porte pas. Ces ouvrages comme ses interventions sont une manière de dire : «Voilà le monde dans lequel on vit, voilà le monde dans lequel Dieu nous a envoyés.»

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