Accueil | Culture | « Dior and I », j’adore ! [vidéo]

« Dior and I », j’adore ! [vidéo]


Raf Simons ne dessine pas. Il travaille ses robes de manière très précise, mais visuelle. Ce qui laisse beaucoup de liberté aux stylistes. (Photo Cim Productions)

Le réalisateur français Frédéric Tcheng propose, dans son très beau documentaire « Dior and I », un regard sans précédent sur le processus créatif dans l’univers de la haute couture. À voir !

Avril 2012, le Belge Raf Simons devient le nouveau directeur artistique de la maison Christian Dior. Le sixième seulement depuis la naissance de l’entreprise en 1947. Autant dire une petite révolution, aussi bien interne, dans les relations de travail avec les équipes, les ateliers, qu’externe , le style discret, pour ne pas dire minimaliste, de Simons s’opposant en tout point à celui, plutôt extravagant, de son prédécesseur, John Galliano.

Une révolution dont Frédéric Tcheng n’a pas raté une miette. C’était un «timing potentiellement idéal», explique le réalisateur dans ses notes d’intention. «Je savais que la rencontre entre Raf et Dior était une proposition dramatique, forte», ajoute-t-il. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne s’est pas trompé. Son Dior and I est un des documentaires les plus intéressants vus au cinéma depuis bien longtemps.

Ici, point de star-système, point de grande égérie, point de récit historique du créateur, point de film de promotion – même si la maison Dior sort clairement encore grandie après ces 90 minutes – Frédéric Tcheng a vraiment braqué sa caméra sur le processus créatif.

Autrement dit : comment d’une idée on arrivé à une robe, en passant par les croquis – «150 à 200 pour n’en garder que deux ou trois», apprend-on – les choix des matériaux, les prototypes, les diverses découpes, l’assemblage des pièces, les premiers essayages… ou encore comment, en huit semaines seulement, en partant de zéro – du moment où le président de Christian Dior Couture, Sidney Toledano, lui présente les équipes et lui souhaite la «bienvenue chez Dior» – Raf Simons et ses équipes ont pu mettre en place, en temps et en heure, une collection de haute couture et le défilé qui va avec.

Une aventure humaine

Le cinéaste se permet même un parallèle surprenant entre le nouveau directeur artistique et le patriarche lui-même, à travers plusieurs extraits de l’autobiographie de Christian Dior, titrée, justement, Christian Dior et moi.

«Le temps me semble venu d’une confrontation avec ce frère siamois qui me précède partout depuis que je suis devenu Christian Dior. Lui et moi avons un compte à régler. Lui, c’est le couturier Christian Dior de la Maison Christian Dior, né en 1947. Lui, c’est un millier de personnes, des robes, des photographies dans la presse, et, de temps en temps, une petite révolution sans effusion de sang. Moi, c’est certain, je suis né à Grandville, le 21 janvier 1905. J’aime les réunions intimes entre amis fidèles; je déteste le bruit, l’agitation mondaine.»

«Les parallèles entre le passé et le présent m’ont parus flagrants», note le réalisateur, «il suffit de changer les noms mais les situations étaient les mêmes, à 55 ans d’écart», poursuit-il. Comme quoi, l’histoire est vraiment un éternel recommencement.

Mais là aussi, Frédéric Tcheng a su éviter les pièges d’une confrontation stérile, d’un film hommage à Simons ou à Christian Dior. Il propose à la place un film à la fois «intime et personnel». Car, à bien y regarder, on est en droit de se demander si les véritables stars – aussi bien du film que des collections de haute couture – ne sont pas finalement celles qu’on appelle de manière un peu péjorative les «petites mains», les stylistes et couturiers qui, dans leurs ateliers parisiens du 30, avenue Montaigne, donnent vie à toutes les demandes, même les plus folles, des créateurs.

Un travail souvent oublié par les médias, qui préfèrent les strass et paillettes. Un univers auquel le réalisateur rend pourtant hommage en montrant l’aspect affectif qui relie ces travailleurs de l’ombre aux robes, jupes ou autres pièces pour lesquels ils ne comptent pas les heures. Après tout, comme le rappelle un styliste maison, «dans la maison Dior, le directeur artistique peut changer, mais il y a une chose qui ne change jamais, c’est l’atelier !»

Moments de joie, d’excitation, de fierté, mais aussi de désillusion, d’énervement, d’imprévus : tout est immortalisé par le film de Frédéric Tcheng, pour le plus grand plaisir des amateurs de belles robes, mais pas seulement. Aucune accointance avec le milieu de la mode ou la haute couture n’est nécessaire pour apprécier l’aventure humaine que raconte de fort belle manière ce documentaire. Un film instructif et émouvant, intense et dynamique qui ne souffre d’aucun temps mort.

Pablo Chimienti

« Dior and I » en avant-première, mercredi à 19h, à Utopia – Luxembourg. Sortie en salles : mercredi 8 juillet

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.