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Dans les coulisses du One Love Peace


Dans une Jamaïque en proie à une guerre intestine, deux brigands rivaux vont faire revenir Bob Marley, alors en exil, sur ses terres, et organiser un concert géant devenu mythique, que Loulou Dedola raconte de l’intérieur.

Que l’on aime ou non le reggae, l’image est connue, iconique même, presque autant que l’est celle de Jimi Hendrix brûlant sa guitare ou jouant l’hymne américain à Woodstock. On est le 22 avril 1978, au stade de Kingston, en Jamaïque. En pleine transe sur scène, interprétant son morceau Jamming, Bob Marley, prophète en son pays, invite Edward Seaga et Michael Manley à participer à la fête. Les deux dirigeants politiques qui, par leur bras de fer obstiné, mettent les quartiers à feu et à sang, s’offrent alors une poignée de main maladroite mais symbolique, portée au nu par le héros national dans une sorte de bénédiction rastafari.

Un geste fort censé apporter la stabilité à une nation déchirée par des conflits idéologiques, sur lequel revient l’auteur Loulou Dedola dans une enquête détaillée, près de cinquante ans après les faits. Lui-même musicien (selon ses confidences, il a appris la basse en écoutant les standards de Bob Marley), il est allé à la rencontre des derniers témoins vivants pour raconter les coulisses du One Love Peace, concert mythique qui reprend ici vie sous la plume du dessinateur Luca Ferrara. Une interrogation est au cœur de l’enjeu : que s’est-il réellement passé avant et pendant cette longue communion musicale qui a mis la Jamaïque au centre du monde?

Pour y répondre, il faut traverser les années 70, ce que fait Il était une fois en Jamaïque. Loin des photos de carte postale, l’île des Caraïbes est en proie à une lutte intestine. Face à face, deux partis politiques : le socialiste et non-aligné PNP (People’s National Party) de Michael Manley, au pouvoir depuis 1972, et le conservateur JLP (Jamaica Labour Party) d’Edward Seaga, soutenu dans l’ombre par les États-Unis. L’électorat du ghetto étant crucial, ils ont recours aux gangs pour prendre le contrôle électoral des slums (taudis) et des shanty towns (bidonville). Les quartiers de Trenchtown ou de Tivoli Garden sont alors gardés comme des frontières. Kingston est une ville en état de siège. La guerre civile fait rage. On assassine, on pille et on viole sous toutes les bannières.

J’aurais dû les tuer tous les deux!

Ironie de l’histoire, ce sont deux gangsters notoires qui vont avoir l’idée, en prison, du One Love Peace Concert : Claudius «Claudie» Massop, soutien du JLP, et Aston «Bucky» Marshall, du PNP. Pour ces ennemis jurés, pas de doute : le meilleur moyen de rassembler leur pays est d’utiliser la musique comme facteur d’unité. Ils savent que le reggae est le ciment du peuple jamaïquain, mais pour cela, il doivent faire revenir le roi, parti en exil deux ans auparavant après un attentat manqué visant sa personne : Bob Marley. «La promesse de ton retour est le meilleur des arguments», lui précise Claudius Massop, monté à Londres pour convaincre son ami d’enfance.

On connaît la suite de l’histoire, et cette fameuse poignée de main. Mais Loulou Dedola va plus loin, traversant la décennie comme un éclair. Il passe vite sur l’ascension des Wailers, mais s’attarde sur la violence des bandes, qui s’affrontent et s’insultent comme dans un western (le très sexiste «bomboclaat» est leur préféré). Il était une fois en Jamaïque parle aussi de spiritualité, de gros joints qui se fument purs et de plantations, de la CIA (qui demande à voir Bob Marley… pour poser avec lui comme une groupie), et bien sûr de musique, source de «joie et de liberté», selon l’expression du duo Sly and Robbie. Et le One Love Peace Concert en est une belle illustration, porté huit heures durant par les stars du genre (Dennis Brown, The Mighty Diamonds, Ras Michael…).

Comme le rappelle l’ouvrage, parmi les moments forts (et moins connus) du rendez-vous, Jacob Miller invitera sur scène les chefs de gang en signe de fraternité, tandis que Peter Tosh, micro à la main, en profitera pour régler ses comptes avec les politiques, qu’il accuse d’oublier les pauvres de Jamaïque et de ne pas légaliser le cannabis. Oui, l’appel au calme est fragile, tout comme la paix. La suite le démontre. Après ce concert, la violence ne fera que croître, avec une apogée en 1980, année d’élection qui fera plus de 800 morts, dont Aston Marshall. Claudius Massop, lui, était déjà tombé sous les balles de la police en 1979. Ce qui fera dire plus tard à Bob Marley, interviewé sur cette poignée de main des deux leaders sur la scène du One Love Peace Concert : «J’aurais dû les tuer tous les deux!».

Il était une fois en Jamaïque,
de Loulou Dedola et Luca Ferrara.
Futuropolis.

L’histoire

La Jamaïque et le reggae racontés à travers le célèbre One Love Peace Concert, un grand festival donné à Kingston le 22 avril 1978 qui a marqué l’histoire. Il signe notamment le retour de Bob Marley après deux ans d’exil, grâce à deux chefs de gang décidés à mettre fin à la guerre civile qui déchire la Jamaïque.

3 plusieurs commentaires

  1. Mahmoud le flopeur_du 69

    J’ai trop aimer le personnage Claudie massop

  2. J’ai Tros aimée la couverture elle est fantastique je pourrais lire ce livre tous les jours ses le meilleur livre au monde 👍🏾😘 l’es page du livre sont très belle et aussi lez dessin

  3. Kyky de Bondy

    Le livre est Incroyable comment ne pas aimer sa? Les perses magnifique 🤩

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