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[Critique série] «The Gentlemen», pour quelques pochons de plus


La construction de l’intrigue est du Guy Ritchie pur jus, qui s’essaie à déployer son scénario en puzzle sur près de huit heures. (Photo Netflix)

Adaptés du film éponyme, la série The Gentlemen permet à Guy Ritchie de retrouver le petit monde criminel spécifique à son cinéma. Même si quelques nouveautés permettent à cette production Netflix de se distinguer.

Roi du film de gangsters à l’anglaise, Guy Ritchie a, malgré ses errances occasionnelles, adopté un rythme de croisière qu’on lui connaissait peu, avec cinq films en cinq ans : Aladdin (2019), The Gentlemen (2019), Wrath of Man (2021), Operation Fortune (2023) et The Covenant (2023). Et une série, la toute première pour le réalisateur issu du clip et de la pub, qui prolonge l’univers du long métrage joyeusement chaotique de 2019. À sa sortie, The Gentlemen avait été accueilli (à juste titre) comme le digne héritier des deux premiers films de Guy Ritchie, Lock, Stock and Two Smoking Barrels (1998) et Snatch (2000) – également adaptés en séries, peu mémorables, sorties respectivement en 2000 et 2017-2018.

Pour Netflix, Guy Ritchie passe la vitesse supérieure et dirige donc The Gentlemen, en tant que créateur, «showrunner» et réalisateur de deux des huit épisodes. Et il n’est jamais autant en verve que lorsqu’il retrouve le monde de la pègre anglaise, peuplée de personnages aussi dangereux qu’exubérants, qu’on les trouve engoncés dans leur survêtement Adidas ou tirés à quatre épingles dans des costumes de luxe.

Du Guy Ritchie pur jus

Quand il ne joue pas au casque bleu, Edward Horniman (Theo James) est du genre à adopter un «dress code» très officiel, noblesse oblige. Car Eddie est le fils du duc de Halstead; à la mort du père, c’est lui, et non son grand frère cocaïnomane, surendetté et incontrôlable, Freddie (Daniel Ings), qui hérite de tout : le titre, le manoir familial, le domaine, le Gainsborough, l’Austin-Healey de collection… et la gigantesque plantation de cannabis cachée au sous-sol ! Un business géré (de loin) par un parrain de la mafia en prison et (de très près) par sa fille, Susie Glass (Kaya Scodelario), et qui a longtemps permis au duc de payer ses factures.

Mais le nouveau maître des lieux, ne l’entend pas de cette oreille : pour protéger sa famille, il doit bouter les mafieux hors de son domaine. L’entreprise est noble mais difficile, car ceux qui ont pris leurs aises au château ne comptent pas s’en aller. Sans compter que le juteux trafic attire des bandes armées bien décidées à s’attribuer une part du gâteau…

Au fil des huit épisodes, on retrouve tout le petit monde criminel spécifique au cinéma de Guy Ritchie : les boxeurs prêts à se coucher pour un pactole et leurs promoteurs non moins gourmands, les barons du crime et leurs comptables, les blanchisseurs, les petites frappes de toutes origines (dont un Kosovar qui se fait appeler Toni Blair), les tueurs pieux et les gitans («On dit « gens du voyage », maintenant», précisent-ils aux aristos qui n’ont décidément de bonnes manières que pour eux). La construction de l’intrigue aussi est du Guy Ritchie pur jus, qui s’essaie à déployer son scénario en puzzle sur près de huit heures : un pari réussi qui, malgré une avancée dans le récit et un dénouement nettement plus prévisibles qu’à l’accoutumée, parvient encore à surprendre. Sans doute que le format long a incité Ritchie à pousser les boutons des trois piliers de son style – action, humour et violence – au maximum.

Sous format long, Guy Ritchie pousse les boutons des trois piliers de son style – action, humour et violence – au maximum

Il y a deux différences principales avec The Gentlemen – le film – et ses illustres prédécesseurs. D’abord, le protagoniste, Eddie, n’est pas un gangster et n’a jamais rêvé d’en être un; il est une sorte de Michael Corleone de la haute, un prisonnier du crime organisé qui, pour s’en affranchir, doit plonger la tête la première dans l’illégalité.

Ce qui nous amène à l’autre nouveauté dans cet univers foutraque et menaçant : dans une série intitulée The Gentlemen, où, entre deux bastons, on sirote son bourbon en costume trois pièces, les personnages les plus dangereux sont des femmes. Avec, en tête, Susie Glass, à la fois partenaire de crime et première menace du nouveau duc de Halstead. Une première chez Guy Ritchie, qui sert aussi à son observation critique de l’aristocratie : Susie et Eddie sont les deux seuls personnages raisonnables dans un monde peuplé de fous furieux.

Une noblesse décrépite et en roue libre

Difficile de considérer pour autant The Gentlemen selon un quelconque propos politique ou engagé. Après tout, il y est principalement question de drogue, de grosses sommes d’argent et d’idées scénaristiques exubérantes montées à un rythme effréné. Mais, en apprenant à côtoyer cette noblesse décrépite et en roue libre (ici, on sniffe de la poudre en costume de poulet; là, on pompe le fond de ce qui était jadis la fortune familiale pour s’offrir des artefacts nazis), on lui préfèrera largement les mafieux ou les gangs de Liverpool en survêt.

Un propos que Guy Ritchie fait résumer, non sans malice, au personnage le plus riche de la série – un Afro-Américain : «Vous savez ce que j’aime chez les aristocrates anglais ? Ce sont les gangsters originels : la raison pour laquelle ils détiennent 75 % de ce pays est parce qu’ils l’ont volé (…) Les taxes, l’éducation, la justice… Tout a été conçu pour permettre à l’aristocratie de s’accrocher à ses terres et à son argent.»

The Gentlemen de Guy Ritchie, Avec Theo James, Kaya Scodelario, Daniel Ings… Genre comédie/action. Durée 8 x 50 minutes. Netflix

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