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[Critique] Ryan Gosling dans le nid d’espions


Jusque-là, il avait échappé à l’appel hautement lucratif des blockbusters, préférant les claquettes (La La Land), le pilotage en mode mutique (Drive), l’hommage aux classiques (Blade Runner 2049) ou encore la conquête spatiale (First Man). Après quatre années de silence, Ryan Gosling fait un retour en fanfare, poussé au devant de la scène par les maîtres artificiers que sont Anthony et Joe Russo, devenus rois du box-office avec Avengers : Infinity War (2018) et sa suite, Endgame (2019).

C’est que Netflix, actuellement boudé par ses abonnés, a besoin d’un nouveau souffle pour que le tiroir-caisse continue de tinter. Ce qui, chez la plateforme, se définit par un inévitable triptyque : action, divertissement et stars. Tout à fait dans les cordes des deux frères, à condition d’y mettre le prix.

Ce Gray Man, qui s’offre une sortie en salle une semaine avant d’être visible en streaming (le 22 juillet), casse donc la banque (on parle d’un budget de 200 millions de dollars) et s’appuie sur un casting de choc : Ryan Gosling, donc, mais également Chris Evans (Captain America) et Ana de Armas (No Time to Die).

Un trio réuni pour une seule mission : en mettre plein les yeux dans un véritable déluge d’explosions et de coursespoursuites. Une surenchère qui pourrait même s’étaler dans le temps, car à l’origine, on trouve une saga littéraire en douze tomes – débutée en 2009 et toujours en cours – signée d’un certain Mark Greaney, ancien assistant du célèbre romancier Tom Clancy (auteur, entre autres, d’Octobre rouge et de Jeux de guerre).

Son héros à lui s’appelle Court Gentry, criminel que la CIA est venue recruter dans une prison d’État afin d’exécuter ses basses besognes sous le nom de code Sierra 6 (car «007 était déjà pris», lâche dans un clin d’œil Ryan Gosling). Un tueur bien évidemment increvable et infatigable qui va se retrouver au cœur d’un complot (tiens donc !).

Ryan Gosling rejoint la longue liste d’espions tout en testostérone et de thrillers « rentre-dedans »

Dès lors indésirable, il va être pris pour cible par un ancien collègue, Lloyd Hansen (Chris Evans), méchant impitoyable et moustachu fragile psychologiquement, mais va être couvert par l’agent Dani Miranda (Ana de Armas), amatrice de gros calibres. De quoi justifier plus de deux heures de grand spectacle durant lesquelles ça flingue et ça détruit à tout-va, particulièrement en Thaïlande (Bangkok, Chiang Mai), en Europe centrale (Vienne, Prague) et au-dessus de la Turquie.

En avion, en tram, en voiture, en plein nouvel an ou au cœur du château de Chantilly (qui, pour le besoin du film, est imaginé en Croatie avec des barbouzes parlant… français), Ryan Gosling montre qu’il est à l’aise dans toutes les situations, ironique et flegmatique à souhait, et qu’il n’a pas son pareil pour porter des survêtements en toile des années 80…

Un héros traqué, chahuté entre manipulations, trahisons et assassinats, qui rejoint ainsi la longue liste d’espions tout en testostérone et de thrillers «rentre-dedans» : Ethan Hunt (Tom Cruise) de Mission Impossible, John Wick (Keanu Reeves), James Bond (Daniel Craig) ou encore Jason Bourne (Matt Damon). Seule différence, toutefois, avec ses alter ego incompris : Sierra 6 ne tombe pas dans la romance et évite de flirter. En tout cas, pour l’instant.

Car, ne s’épargnant pas une fin ouverte, The Gray Man se rêve déjà en fructueuse franchise aux films qui s’enchaînent sans imagination, portés seulement par leurs effets spéciaux et leurs cascades. Même si, avouons-le, ce premier volet tient la cadence, la suite (si c’est le cas) devrait suivre une trajectoire classique, souvent vers le bas et les abîmes de la création cinématographique.

Si Netflix joue gros avec ce film, l’enjeu est également de taille pour Ryan Gosling qui, depuis une dizaine d’années, s’est montré habile dans ses choix de carrière. Va-t-on alors le voir, encore et encore, avec son bouc et sa grosse cicatrice sur le bras dans des aventures sans fin de Sierra 6 ? Qui sait, mais avec les frères Russo dans les parages, il risque pire : finir avec une cape dans un Marvel !