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[Critique ciné] « Blackbird » : huis clos familial sur la fin de vie


"Blackbird" n’a rien de politique. C’est un «portrait de famille», certes qui parle de la mort, mais avec «plein de vie!» dedans. (Photo : DR)

Atteinte d’une maladie dégénérative, une femme réunit les siens, l’espace d’un week-end, avant de mettre fin à ses jours. Le portrait d’une famille qui se redécouvre, dans la douleur et la joie.

Réalisateur de Coup de foudre à Notting Hill (1999), Roger Michell a toujours ce côté espiègle qui l’anime, même quand il s’empare du sujet délicat qu’est celui de la mort assistée. Lors d’une première au festival de Toronto, fin 2019, il confiait, l’œil pétillant : «Lorsque vous coincez une famille au même endroit, ne serait-ce que deux jours, des choses étranges et excitantes peuvent se produire.» Son histoire sera donc un huis clos, le cinéaste ayant là anticipé, sans le vouloir, une pandémie mondiale qui allait contraindre tout le monde à l’isolement.

Au cinéma, le procédé n’a vraiment rien de nouveau. On ne compte plus, en effet, le nombre de films qui mettent à l’épreuve les liens familiaux, agités par les non-dits et secrets qui remontent à la surface. «C’est toujours intéressant de savoir si les parents et les enfants se connaissent aussi bien qu’ils le pensent. Surtout que les révélations ne sont pas toujours faciles à recevoir…», résume Susan Sarandon, 74 ans. C’est d’ailleurs son personnage, Lily, qui convoque les siens au cœur d’une splendide maison de campagne, perdue sur les côtes du Connecticut.

Avec son mari Paul (Sam Neill) – tous deux étaient déjà en couple dans Irresistible (2006) – ils décident de réunir enfants et petits-enfants, le temps d’un dernier week-end ensemble. Car Lily est atteinte de la maladie de Charcot, et plutôt que de se voir dépérir, elle préfère se donner la mort «illégalement», avec un puissant barbiturique. Bien que préparée  – mais l’est-on réellement dans de telles circonstances? –, la famille va passer par tous les états. Les deux sœurs, Jennifer (Kate Winslet) et Anna (Mia Wasikowska), leurs conjoint et conjointe respectifs, le petit-fils de 15 ans, et l’amie du couple Liz, tous vont redessiner les liens qui les unissent, alors que les adieux approchent…

 

Le mot « euthanasie » signifie « bonne mort » en grec

Si Blackbird, sans le renier, colle au plus près de son inspiration, en l’occurrence Silent Heart (2014), film danois que Roger Michell n’a «volontairement pas voulu voir», il a les airs, toujours pour son réalisateur, d’un bouquin d’Agatha Christie, truffé de «mystères». Il précise : «On a ici huit personnages, coupés du monde, isolés dans une maison, sauf qu’à la fin, on sait qui va mourir!» (il rit). Un peu d’humour pour souffler devant un sujet délicat : le deuil à venir, l’accompagnement des derniers instants de vie, avant l’ultime saut. Une mort assistée qui, encore aujourd’hui, soulève d’importantes questions éthiques et morales.

Reconnaissant un «problème complexe», ouvert «aux abus» en tout genre, Roger Michell répond d’une parade positive : «En regardant le film, il est difficile de se dire qu’ils ont fait une mauvaise chose. Elle a obtenu ce qu’elle voulait : une sortie glorieuse!» Le cinéaste précise aussi que le «mot « euthanasie » signifie « bonne mort » en grec». D’ailleurs, pour lui, Blackbird n’a rien de politique. C’est un «portrait de famille», certes qui parle de la mort, mais avec «plein de vie!» dedans.

Son message, «s’il y en a un», ce serait de «saisir le moment présent. Saisir l’instant pour se sentir en vie». À l’écran, Susan Sarandon se rappelle qu’elle avait déjà campé une malade du cancer, soutenue à l’époque par Julia Roberts (Stepmom, 1998). Ce coup-ci, elle peut s’appuyer sur sept acteurs d’une touchante sensibilité, luttant contre un choix (de mourir) qui n’est pas forcément le leur. Entre traumas à vif et grand déballage, la tribu, l’œil mouillé, lève quand même son verre au moment du toast porté par Lily : «À la vie merveilleuse!»

Grégory Cimatti

Blackbird, de Roger Michell.

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