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[Cinéma] Le retour de la marée verte


Céline Sallette incarne la journaliste Inès Léraud, résolue à mettre en lumière la prolifération des algues vertes en Bretagne. (Photo : mélanie bolodec)

Après la BD, place au cinéma : Pierre Jolivet signe l’adaptation des Algues vertes – l’histoire interdite d’Inès Léraud et Pierre Van Hove. Il revient sur l’enquête de la journaliste sur ces algues toxiques qui ont envahi les plages bretonnes.

Les Algues vertes, réalisé par Pierre Jolivet (Ma petite entreprise) et qui sort aujourd’hui en salles, retrace la difficile enquête d’une journaliste menée entre 2015 et 2018 pour médiatiser cette pollution environnementale sur les côtes bretonnes. Le long métrage est tiré de la BD éponyme publiée en 2019 par la Revue Dessinée et les éditions Delcourt, qui a connu un beau succès, vendue à plus de 132 000 exemplaires. «Le dossier des algues vertes, crucial et stupéfiant, méritait à mes yeux d’être adapté et diffusé avec cette capacité de résonance qu’a le cinéma de fiction», explique Inès Léraud.

Journaliste pigiste de radio, cette dernière, interprétée à l’écran par Céline Sallette, quitte Paris et s’installe sur la côte nord bretonne avec sa compagne pour enquêter sur le phénomène des algues vertes après des morts suspectes. Au fil de ses investigations, elle rencontre des scientifiques qui l’alertent sur cette pollution causée en partie par l’agriculture intensive. Parallèlement, elle doit faire face aux pressions et au silence d’une partie du monde agricole comme des institutions, soudainement silencieux devant ce désastre écologique et social.

Des «vérités qui dérangent»

«Cette enquête met en lumière le conflit entre les intérêts économiques qui nous gouvernent et les intérêts réels des populations. Il révèle les mensonges d’État qui peuvent être diffusés pour semer le trouble dans nos esprits et nous freiner dans nos mobilisations… Ce film résonne avec d’autres sujets d’actualité», poursuit Inès Léraud, vite relayée par le réalisateur. «Les algues vertes ont quelque chose d’emblématique : c’est un symbole puissant de cette surexploitation mondiale de la terre par les hommes qui, en surproduisant ainsi, finissent par créer leur propre cancer». D’où la nécessité de rappeler «les vérités qui dérangent».

Les lanceurs d’alerte, ce sont les vrais héros et héroïnes de notre époque!

En outre, «quand on lit la bande dessinée d’Inès Léraud, on ne sait pas tout ce qu’elle a traversé pour l’écrire», a expliqué Pierre Jolivet à l’issue d’une avant-première à Rennes. Dans le film, «on a les informations journalistiques, mais on a aussi une aventure humaine, avec ce couple (NDLR : Inès Léraud et sa compagne) et les difficultés. Et aussi à quel point les lanceurs d’alerte vivent des vies difficiles pour faire passer leurs messages», relève encore le réalisateur. «Ce sont les vrais héros et héroïnes de notre époque. Je dirais même qu’ils sont vitaux pour l’avenir du monde», poursuit-il.

«Être au plus près» de l’histoire

Les Algues vertes demeure donc un film de fiction, et non un documentaire, dans la veine de Dark Waters de Todd Haynes (2019) ou La Fille de Brest d’Emmanuelle Bercot (2016). Différence notable avec la bande dessinée : la mise au centre de l’adaptation de la journaliste-enquêtrice. «Je trouvais ça intéressant de porter le projet au cinéma sous cette forme», argumente Inès Léraud, coscénariste. «J’étais convaincu que le film serait d’autant plus fort si ce n’était pas simplement une fiction « inspirée de », mais s’il s’appuyait sur de vrais épisodes vécus, de vrais lieux, de vrais noms de personnes impliquées», précise Pierre Jolivet.

«Pierre Jolivet a réussi ce bon alliage. On a les éléments du dossier et on est aussi dans les coulisses de l’enquête», ajoute-t-elle, avec ses moments d’abattement mais également des scènes «d’empathie et d’émotion» dans son couple ou avec «ceux qui se battent» contre la pollution. L’actrice Céline Salette a quant à elle reconnu l’importance «de porter la voix d’Inès un peu plus loin si possible». «Nous tous, on avait collectivement la charge de raconter cette histoire, qui est importante : on essaye d’être au plus près», estime l’actrice.

Un «cauchemar» de tournage

L’avant-première du 4 juin a été particulièrement émouvante avec la présence de Rosy Auffray, veuve de Jean-René Auffray, joggeur mort en 2016 dans une vasière envahie d’algues vertes à l’embouchure du Gouessant, et de leurs trois enfants. «Pierre (Jolivet) a très bien traduit au niveau émotion tout ce qui était important à nos yeux», a confié Rosy Auffray, très émue. En novembre, le tribunal administratif de Rennes avait rejeté ses demandes d’indemnisation, estimant que le «lien de causalité» entre la présence des algues et le décès «ne pouvait être établi». La famille a fait appel.

Lors de la présentation du film, qui a bénéficié d’une aide financière de la région Bretagne, le réalisateur de 70 ans a évoqué «le cauchemar» que fut le tournage d’un point de vue technique.  «Vous ne pouvez pas savoir le nombre de personnes, de municipalités qui ne voulaient pas qu’on tourne… Je n’avais pas le droit de poser un pied de caméra, de faire un travelling. Donc on a décidé de faire le film entièrement à l’épaule», a souligné Pierre Jolivet, évoquant aussi l’impossibilité de filmer dans une porcherie industrielle. «On aimerait que ces gens se réconcilient, se parlent. On a envie que le film soit vu et qu’ils se mettent autour d’une table», a-t-il espéré.

Les Algues vertes,  de Pierre Jolivet.

 

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