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[Cinéma] « Félicité », une ode aux femmes de Kinshasa


Dans Félicité, le réalisateur, Alain Gomis, plonge le spectateur dans la réalité africaine, entre optimisme et pessimisme.

Félicité d’Alain Gomis a reçu l’Ours d’argent à la Berlinale. À Kinshasa, une femme n’accepte pas les compromissions, ne plie pas sous les coups. Un film hypnotique…

En février dernier, Alain Gomis a reçu un Ours d’argent. Lors de la Berlinale 2017, il venait d’obtenir une statuette symbolisant le prix du jury. Une récompense pour son quatrième film, Félicité, l’histoire de Véro,la fille des boulevards de Kinshasa.

Gomis, on l’avait repéré précédemment pour L’Afrance (2001), Andalucia (2007) et Aujourd’hui (2011). Français de naissance et par sa mère, sénégalais par son père, il milite pour un cinéma vérité, un cinéma qui mêle et combine identité et liberté. « Dans les quartiers populaires dont je viens, on grandit avec l’idée que la vie, c’est celle que l’on voit en images. Et ces images ne correspondent pas à ce que nous vivons. Cela crée le sentiment que ce que nous vivons, c’est « en attente de », ce n’est pas la « bonne vie ». Objectivement, pourtant, c’est celle que vit la majorité des gens… »

Il parle aussi de violence, de détestation de soi. Et il a mis en images le portrait quasi cubiste d’une mère courage, prénommée Félicité.

Direction Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo. Ça bouillonne de violence, de misère. Donc, de débrouille pour survivre. Il y a Félicité, elle est libre et fière. Le soir dans un bar de la capitale congolaise, elle chante. Un jour, son fils de 14 ans a un accident de moto. Elle va tout faire pour le sauver, à travers les rues enfiévrées d’une Kinshasa électrique, elle plonge dans un monde de musique et de rêves. Elle va croiser le chemin de Tabu, sa vie va basculer…

L’invisible au quotidien

« Cette vie est la vraie vie , dit encore Alain Gomis. Et elle a une valeur immense. » De ses quatre films, Félicité est le premier que Gomis consacre à un personnage féminin –  il s’en explique  : « Je voulais me sentir moins proche du personnage principal pour changer de territoire, pour moins maîtriser les choses et les éléments… voilà pourquoi j’ai voulu une femme qui n’accepte pas les compromissions, qui ne plie pas sous les coups. »

Et puis, il y a le fils, l’ado victime d’un accident de moto… « Cette réalité simple qui confronte l’invisible au quotidien est à la base du film. J’avais envisagé alors une sorte de Faust… » Pour ce portrait de mère courage, le cinéaste franco-sénégalais s’est inspiré de La Route de la faim , le livre du romancier et poète nigérian Ben Okri relatant le parcours initiatique d’un jeune garçon «enfant esprit», d’un jeune garçon refusant de vivre sur Terre et faisant le pacte de mourir le plus rapidement possible pour retourner dans un monde merveilleux.

Tourné en sept semaines au Sénégal, Félicité est porté par une comédienne «non professionnelle», Véronique Beya Mputu (lire encadré ) – « elle possède ce don inexplicable de donner l’impression qu’on ne filme pas une fiction, que les choses sont vraiment en train d’arriver », confie Alain Gomis. Sur l’écran, en deux grosses heures, on a un film puissant, quelque part dans cette contrée floue entre l’optimisme et le pessimisme. Un film qui, avec images instables et plans subjectifs, fait cohabiter le jazz dans un bar et les oratorios d’Arvö Pärt. Un film hypnotique!

Serge Bressan

Félicité, d’Alain Gomis (France/Belgique/Sénégal, 2h03) avec Véronique Beya Mputu, Papi Mpaka, Gaetan Claudia…

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