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Ce soir j’ovule sur scène ! (Interview)


Le théâtre du Centaure présente Ce soir j’ovule, de Carlotta Clerici, avec Anne Brionne. Un seul en scène aussi drôle qu’amer sur le désir de maternité, la stérilité, la pression sociale…

C’est la Belge Aïcha Rapsaet qui met en scène la pièce. Un solo comme elle les aime : avec une dimension sociale et à taille humaine.

Voilà une pièce de femmes par des femmes, mais pas que pour les femmes. Présentez-nous le projet.

Aïcha Rapsaet : Effectivement, le spectacle tourne autour de la stérilité féminine, mais c’est clairement un texte universel qu’a écrit Carlotta Clerici. La pièce raconte le parcours d’une femme, mais cela va interroger tous les spectateurs de manière universelle. Après tout, le besoin de procréation touche autant les femmes que les hommes. On pose donc tout un tas de questions à ce sujet : pourquoi fait-on les enfants ? Pourquoi ressent-on le besoin d’en faire ? Jusqu’où doit-on aller pour arriver à en faire, etc.

Car la société glorifie la grossesse, écrivez-vous dans vos notes d’intention.

Oui, bien sûr. Dans notre monde occidental, aujourd’hui encore, il y a une pression qui est mise sur les femmes. C’est plus ou moins fort selon le milieu social, mais il n’y a rien à faire, a un certain âge, quand vous êtes une femme, tout le monde commence à vous demander si vous avez un enfant et puis pourquoi vous n’avez pas d’enfant, etc. C’est presque un devoir ! Et on le sent bien en tant que femme. Et je pense qu’on le ressent aussi chez les hommes, un peu moins peut-être, encore que…

Pourquoi parler de stérilité alors que d’autres femmes, non stériles, peuvent aussi faire le choix de ne pas avoir d’enfant ?

Tout à fait. Mais l’auteure a écrit cette pièce à partir de son parcours personnel et de choses vécues autour d’elle. Quand on m’a proposé ce texte, j’ai trouvé cela extrêmement intéressant car c’est bien sûr un drame, mais la structure du spectacle fait qu’on ne s’appesantit pas sur des choses dramatiques. Au contraire, il y a aussi énormément d’humour et de décalage. On ne peut pas réduire la pièce à la seule stérilité. Cela pose vraiment la question : pourquoi fait-on encore aujourd’hui des enfants ? Et je précise de suite que je n’ai pas la réponse ! L’auteure n’apporte pas non plus une réponse unique, l’idée est de faire en sorte que chaque spectateur trouve sa propre réponse par rapport à son parcours personnel. Mais c’est important de se poser ce genre de question.

D’autant plus que, finalement, tout cela pose aussi la question de la place de chacun dans la société et du libre arbitre. Sommes-nous finalement des animaux dont le but n’est que de perpétrer l’espèce ou sommes-nous des êtres libres de leurs choix ?

Oui. C’est exactement cela. Et ça interroge aussi la place du père. Le sens du couple. A-t-on enfin dépassé les rôles traditionnels qui veulent que la femme s’occupe des enfants pendant que l’homme ramène l’argent à la maison ? Ou en est-on encore là ? Car on est à la fois des animaux et des êtres humains. Alors comment faire des choix en s’affranchissant des injonctions ? Les propres comme celles des autres. Notre personnage, Clara, n’est pas univoque. Au contraire, elle est en prise avec plein de choses. Et elle se met elle-même la pression. Mais bon, tout cela avec de la légèreté.

Vous parliez du père, des autres… Ils ne sont pas présents dans la pièce. Anne Brionne, alias Clara, est seule sur scène. C’est un exercice qui vous intéressait, le seul en scène ?

Oui, c’est intéressant car justement, il faut faire vivre les autres personnages de la pièce même s’ils ne sont pas présents physiquement. Et puis, il faut trouver le bon rapport avec le public, éviter d’être dans la performance pure. Le seul en scène est formidable car on est dans la tête du personnage qui s’invente tout un monde. Ou, dans ce cas-ci, qui revit tout ce qu’il a connu tout en gardant la juste distance et de l’humour. Il y a un juste équilibre dans l’écriture de Carlotta Clerici. Et puis, on a fait quelques coupes pour ne pas trop dramatiser le récit et ne pas tenter de jouer aux psys. On reste dans le théâtre, tout en racontant une histoire qui fait réfléchir.

Un extrait de la pièce a été présenté en septembre dernier à la TheaterFest. C’est vrai qu’on assiste à des sautes d’humeur constantes, un peu comme si les hormones travaillaient le personnage. Et on rit, mais jaune.

Oui, il y a de cela. Le personnage a vécu ce qu’elle raconte et règle ses comptes. Avec les autres, mais aussi avec elle-même, avec son corps. Elle se fait donc son petit théâtre à elle. Et elle y va franco.

Il faut dire que c’est assez cru, pas vulgaire, mais cru, donc pour des spectateurs avertis.

Oui, tout à fait. On ne prend pas du tout de pincettes. Mais bon, c’est la thématique qui demande ça ! On parle de l’intimité. Et puis, de toute façon, à partir du moment où on parle de procréation et de stérilité, on parle inévitablement de sexualité. Ce qui reste important, aujourd’hui encore !

Entretien avec notre journaliste Pablo Chimienti


Théâtre du Centaure – Luxembourg.

Demain à 20h. Dimanche à 18h30. Puis les 18, 20, 21, 25, 27 et 28 mars à 20h. Ainsi que les 19, 22, 26 et 29 mars à 18h30.

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