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[Album de la semaine] «Prestige» de Girl Ray : bienvenue au club !


Avec douze titres et 42 minutes d’un disco minimaliste mais diablement euphorique (Photo Moshi Moshi)

Avec Prestige, les trois musiciennes de Girl Ray inventent leurs propres fantômes d’une époque qu’elles n’ont pas connue dans disco minimaliste mais diablement euphorique.

Le titre du troisième et nouvel album de Girl Ray, Prestige, est l’évocation d’une chimère. Les trois musiciennes de la formation londonienne y inventent leurs propres fantômes d’une époque qu’elles n’ont pas connue, dans un pays qui n’est pas le leur. On peut dire de ce disque qu’il est «cinématographique», du moins qu’il est habile à évoquer, pendant l’écoute, des images en mouvement. L’idée de l’album a bel et bien éclos dans la tête de la chanteuse et guitariste Poppy Hankin à la vision de la série Pose, qui explore le milieu du «voguing» et des clubs queers new-yorkais. Et Prestige d’être rêvé comme un album concept immergé dans la période et l’ambiance données.

Le trio s’était fait remarquer en 2017 avec son premier album, Earl Grey, un concentré d’«indie pop» envoûtante et léchée, et avait confirmé tout le bien que l’on pensait d’elles en défiant les conventions sur un deuxième disque, Girl (2019), où les paysages sonores empruntés au R’nB servaient de terrain de jeu à leurs expérimentations new wave. De là à s’aventurer dans le disco, le chemin peut être bien plus court qu’il n’y paraît. Après tout, les Londoniennes n’ont jamais caché leur passion pour le tube de Sophie Ellis-Bextor Murder on the Dancefloor, dont elles avaient sorti une reprise en plein covid à des fins caritatives… mais aussi, on le comprend mieux aujourd’hui, pour annoncer leur prochain virage. Qui tombe à point, il faut bien le dire, comme un exemplaire supplémentaire de ce «new disco pop» venu d’Albion, grandissant les rangs déjà tenus par Roisin Murphy, Jessie Ware et Dua Lipa. Rien que ça.

Girl Ray s’imagine en « house band » d’une discothèque queer de New York

À la différence de ces deux dernières, cependant, Girl Ray se défend de tout procès pour flamboyance; les trois s’essaient bien à virer pop le temps d’un Begging You Now, en cœur d’album, mais le son synthétique ternit le charme du morceau. C’est le concept même de s’imaginer en «house band» d’une discothèque queer de New York, avec une sonorité passe-partout et malgré tout bien définie. Construites autour d’un duo basse-guitare à la Chic, True Love et Tell Me nous envoient au beau milieu d’un «roller disco», tandis que la guitare sèche rythmique présente à d’autres moments (Everybody’s Saying That, Easy) confère une épaisseur pop-rock. Elles s’en amusent sur Hold Tight, où elles recréent le rythme de Faith de George Michael. Les références qu’elles citent, par ailleurs, sont toutes capturées puis transformées dans quelques plans de guitare ou de synthétiseur, très addictifs, qui opèrent comme des hameçons pour l’oreille.

Avec douze titres et 42 minutes d’un disco minimaliste mais diablement euphorique, Prestige a le léger handicap d’être un peu répétitif : un titre comme Up, réussi, souffre par exemple d’être placé après le très bon True Love, en début d’album, dont il est musicalement proche. Mais il en faudra plus pour ne pas mourir d’envie d’aller voir Girl Ray jouer au Prestige. D’autant plus que la véritable perle se niche en queue d’album : avec Give Me Your Love, le trio sort de sa zone de confort et invite Joe Goddard et Al Doyle, deux membres de Hot Chip, à les rejoindre. Le résultat se déploie sur près de huit minutes d’une house-pop suave au «groove» épineux, enrichie de sons de cloche et de «steel drums», de vocoder et de vocalises aériennes. Si c’est le concept du prochain album, on signe tout de suite.

Girl Ray, Prestige. Sorti le 4 août. Label Moshi Moshi. Genre pop / disco

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