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[Album de la semaine] «And Then You Pray for Me», de Westside Gunn


(photo dr)

Cette semaine, Le Quotidien a écouté l’album de Westside Gunn And Then You Pray for Me, sorti le 13 octobre sur le label Griselda

Il y a, d’abord, un titre et une pochette qui ne laissent aucun doute : And Then You Pray for Me se présente comme la suite de Pray for Paris (2020), un album enregistré en deux petits jours par Westside Gunn, invité dans la capitale française par le styliste Virgil Abloh à l’occasion de la Fashion Week, début 2020. Comme d’autres personnalités après lui (Nigo, Pharrell…), le directeur artistique de Louis Vuitton et fondateur de la marque Off-White, disparu soudainement en 2021, a laissé comme héritage un lien très fort unissant les sphères de la haute couture et de l’art contemporain avec la culture hip-hop, inspirant à son tour le rappeur de Buffalo.

Comme Pray for Paris, la pochette, inspirée du Caravage, est l’œuvre de Virgil Abloh. Et Westside Gunn de glisser que cette suite sera son dernier album solo; une œuvre testamentaire, certes, mais qui est loin de signer sa retraite musicale, le rappeur promettant encore une foule de projets collaboratifs à venir, avec Madlib ou encore The Alchemist. Westside Gunn a passé la dernière décennie à faire du label Griselda Records, cofondé avec les rappeurs Conway the Machine (son demi-frère) et Mach-Hommy, le fer de lance du rap underground de la côte Est des États-Unis.

Un «art-rap» qui puise ses inspirations dans le «boom-bap» new-yorkais des années 1990 et dans la trap du sud, et qui, bien qu’expérimental et parfois sibyllin, a assuré à «WSG» le statut de rappeur préféré de ton rappeur préféré – en l’espace de cinq ans à peine, Gunn a rallié à sa cause Kanye West, Jay-Z, Travis Scott, Pusha T, MF DOOM, DJ Premier, RZA, Tyler, The Creator, 50 Cent, Eminem, Mos Def, Kool G Rap…

 

Avec son débit de mitraillette et son « flow » élastique, Gunn préfère parler d’art et de mode

Quand Westside Gunn est allé à Paris sur invitation de Virgil, il quittait les États-Unis pour la première fois de sa vie, à 38 ans. En pleine conscience de son bouillonnement artistique intérieur, l’artiste a écrit et enregistré And Then You Pray for Me sur le même mode, en voyage en France, au Royaume-Uni et en Égypte. De fait, il s’agit de son album le plus accessible; pour autant, l’expérience ne ressemble à rien de connu hors des quartiers généraux de Griselda. Pas un seul «ego trip», pour un album de gangsta rap, c’est chose rare. Avec son débit de mitraillette et son «flow» élastique, Gunn préfère parler d’art et de mode : ce sont après tout ses deux nouvelles activités, celles pour lesquelles il se détache du rap. Celles aussi qui lui permettent de présenter au public le «vrai lui» – il fait même apparaître sa fille au micro, rebaptisée Westside Pootie, qui se lance dans une reprise toute mimi de Window Shopper.

La vérité, c’est que Westside Gunn est une machine de guerre. On l’entend tout au long de l’album, en particulier sur le son industriel concocté par DJ Drama Suicide in Selfridges, ou sur toutes ses explorations de la trap – à commencer par DunnHill, qui marque la première collaboration entre «WSG» et Rick Ross. Kostas, qui réunit le sang familial (Gunn, Conway et leur cousin Benny the Butcher), est une nouvelle démonstration de force du trio de Griselda. D’ailleurs, si Westside Gunn s’est ouvert au monde, l’album reste représentatif de la méthode de travail du label, qui est produit en grande partie par les «beatmakers» maison Daringer, Conductor Williams et le moins connu mais omniprésent Miguel The Plug. L’album montre Westside Gunn se frotter à quelques obstacles quand il s’essaie à un débit «laid back» (Mamas PrimeTime) ou quand il verse dans la pop-soul (House of GLORY, produit par RZA sur un sample de Tchaïkovski!), mais prouve au final que le «rap game» est un jeu trop facile pour lui. Accessible, oui, mais loin d’être évident : And Then You Pray for Me est donc la dernière œuvre musicale d’un artiste à son meilleur – et un prélude fou à son évolution artistique.

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