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À Gaza, le cinéma en plein air apporte une bouffée d’air


(photo AFP)

Sur le front de mer de la bande de Gaza, un écran géant a offert aux Palestiniens de cette enclave sous blocus israélien un moment de gaieté. Depuis des années, le territoire est privé de cinéma.

Assise pieds nus dans une robe rose, Salma Shamaleh, sept ans, a été fascinée par le grand écran. «Je n’ai jamais vu une télévision de cette taille de ma vie», a-t-elle confié devant le film d’animation américain Ferdinand (Carlos Saldanha, 2017), l’histoire d’un taureau noir au cœur tendre. «Notre maison est à côté, je vais demander à ma mère de venir tous les jours», s’est exclamée la fillette.

L’initiative de Cinéma de la mer, organisée en partenariat avec le ministère palestinien de la Culture par le café associatif Al-Bahr Elna, crée en 2020 par un groupe d’artistes, se veut être à l’image du festival de Cannes, le plus célèbre festival de cinéma balnéaire. Une quinzaine de films, en majorité des productions palestiniennes, ont été projetés au cours des deux semaines de la première édition de l’évènement, qui s’est clos lundi.

Environ 2,3 millions de Palestiniens vivent dans la bande de Gaza paupérisée, soumise à un blocus israélien depuis la prise du pouvoir par le mouvement islamiste Hamas en 2007. Les cinémas ont fermé à la fin des années 1980 lors de la première Intifada, le soulèvement palestinien contre Israël, et ont rouvert leurs portes après la création de l’Autorité palestinienne dans les années 1990. Mais l’arrivée au pouvoir du Hamas en a décidé autrement, le mouvement islamiste considérant le cinéma comme contraire aux traditions de l’islam, pouvant notamment promouvoir des croyances occidentales. Les islamistes ont par ailleurs incendié un établissement de cinéma en 1996.

Voir les enfants et les gens regarder le cinéma à ciel ouvert à Gaza, ça m’a rendu heureuse

Le festival a toutefois été autorisé à se dérouler, en tenant «compte des coutumes et traditions» du territoire, a déclaré Atef Askoul, responsable de l’Autorité pour la culture et la jeunesse, un organisme du Hamas chargé de donner son accord aux évènements artistiques publics. «La société gazaouie souffre de conditions de vie misérables à cause du blocus et des nombreux conflits armés avec Israël», a-t-il dit, mais les habitants de Gaza «ont le droit de regarder des films».

Au programme, le film jordanien Farha (Darin J. Sallam, 2021), qui, à travers le point de vue d’une jeune fille, dépeint les souffrances des Palestiniens lors du conflit de 1948, qui a conduit à la création de l’État d’Israël. L’histoire a trouvé un écho chez Mona Hanafi, 50 ans, qui l’a regardé avec sa fille. «Le film est fantastique et aborde une histoire palestinienne réaliste (…) La performance et la mise en scène sont impressionnantes», a-t-elle commenté. «Voir les enfants et les gens regarder le cinéma à ciel ouvert à Gaza, ça m’a rendu heureuse», a ajouté Mona Hanafi.

Ce n’est pas la première fois qu’il y a des projections en plein air à Gaza ces dernières années, notamment organisées au milieu des décombres des bâtiments détruits par des frappes aériennes israéliennes. Les premières projections de films à Gaza datent des années 1940, avec l’ouverture du cinéma Samer. Mais, aujourd’hui, le bâtiment abrite un concessionnaire de voitures, faisant tomber dans l’oubli les jours meilleurs de ce territoire.

Avec la hausse des températures sur la côte est de la Méditerranée, la plage constitue un lieu de détente et de fraîcheur pour les habitants. Le front de mer «est le seul exutoire pour les Gazaouis», a estimé Ali Mouhanna, un directeur de théâtre qui participe à ce festival d’été. «(Je n’avais) jamais rien vu de pareil de ma vie», a affirmé de son côté Hadeel Hajji, une spectatrice. «J’étais avec ma famille quand j’ai vu l’écran de loin, alors je me suis approchée pour regarder», a-t-elle raconté.

La bande de Gaza, où au moins deux tiers de la population dépend de l’assistance internationale, est en proie à une grave crise humanitaire et économique. Afin d’organiser le festival, l’association Al-Bahr Elna a dû faire appel aux dons. Pour Ali Mouhanna, à l’initiative du projet, le festival a été l’occasion de projeter des films qui montrent «la contribution des Palestiniens au cinéma et à la transmission des valeurs de la société».

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