Accueil | Actualités | Un «sexe neutre» reconnu par la justice pour la première fois en France

Un «sexe neutre» reconnu par la justice pour la première fois en France


La justice a ordonné à l'état civil de la mairie de Tours de modifier l'acte de naissance d'une personne intersexuée mais enregistrée comme étant de sexe masculin pour y appposer la mention "sexe neutre", dans un jugement rendu le 20 août 2015. (Photo : AFP)

Ni homme ni femme, mais «sexe neutre». Pour la première fois en France, une personne née sans appareil génital complet a obtenu de la justice de faire modifier son état civil, mais cette décision fait l’objet d’un appel.

La personne, considérée jusqu’à présent comme un homme, a obtenu le 20 août du juge aux affaires familiales de Tours une modification de son état civil pour y porter la mention «sexe neutre», a indiqué le vice-procureur de la République de Tours, Joël Patard, confirmant une information du quotidien 20 Minutes.

Le journal a interviewé la personne en question mais sans dévoiler son identité, précisant seulement qu’elle est née en 1951, qu’elle est mariée et a adopté un enfant.

Née, selon son médecin, avec un «vagin rudimentaire» et un «micropénis» mais pas de testicules, elle souffre d’avoir été mise dans la case masculine dès sa naissance, précise 20 Minutes. «A l’adolescence, j’ai compris que je n’étais pas un garçon. Je n’avais pas de barbe, mes muscles ne se renforçaient pas», a-t-elle déclaré au journal. «Aujourd’hui, j’ai enfin l’impression d’être reconnue par la société tel que je suis».

Le vice-procureur a expliqué que cette personne s’était présentée fin juin à la justice pour demander à rectifier son état civil.

«Il voulait ne plus voir mentionnée de manière aussi tranchée son appartenance à la catégorie masculine. Les pièces qu’il fournissait ne permettaient pas non plus de le ranger tout aussi facilement et catégoriquement dans l’autre catégorie juridique: on n’en connaît que deux, masculin ou féminin», a raconté M. Patard.

Le demandeur «avait étayé son dossier avec quelques pièces médicales qui lui étaient propres et aussi des recherches prouvant qu’il n’était pas seul dans cette situation: de la documentation nationale et internationale, de la documentation médicale, pas seulement juridique», a détaillé le vice-procureur de Tours, évoquant une «indétermination» sexuelle «qui repose sur des éléments physiologiques et biologiques».

«Opérations mutilantes»

M. Patard a précisé avoir fait appel devant la cour d’appel d’Orléans.

«J’ai fait appel non pas par esprit d’opposition forcenée (…) mais simplement pour connaître également la position d’un autre niveau de juridiction et dans la mesure aussi où, toute compréhensible que soit cette demande, elle vient quand même heurter le corpus législatif et réglementaire tel qu’on en dispose actuellement et tel qu’on l’applique», a-t-il expliqué.

«On n’est pas non plus dans le rôle du législateur pour créer la loi là où elle n’existe pas encore ou pour la modifier sur les points qui existeraient déjà», a-t-il observé.

M. Patard, qui a rencontré le demandeur, a reconnu que la personne était en souffrance. «Ca relève de situations minoritaires mais qui existent néanmoins et avec lesquelles des personnes se sont accommodées bon gré mal gré pendant des périodes non négligeables» de leur vie, a-t-il souligné.

Si 20 Minutes affirme que la décision de la justice tourangelle est une première en Europe, M. Patard est plus prudent, estimant simplement qu’il ne semble pas y avoir de précédent en droit français. «Je me suis aventuré à essayer de voir quelles pouvaient être les décisions antérieures qui auraient été prononcées sur la question, j’en ai très peu trouvé, pour ne pas dire pas du tout», a-t-il déclaré.

Dans 20 Minutes, le demandeur raconte que ses médecins lui ont fait prendre de la testostérone quand il avait 35 ans. «Mon apparence s’est masculinisée. Ca a été un choc. Je ne me reconnaissais pas. Cela m’a fait prendre conscience que je n’étais ni homme ni femme», témoigne-t-il, avant de dénoncer «les opérations mutilantes» infligées aujourd’hui aux bébés intersexués.

«On tente arbitrairement de choisir un sexe masculin ou féminin sans savoir comment ces bébés vont évoluer (…) Je suis la preuve qu’on peut vivre avec les deux sexes», explique-t-il.

AFP/M.R.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.