Quelques semaines après les révélations des « Panama Papers », le procès des « Luxleaks » s’est ouvert mardi matin à Luxembourg, promettant de brasser jusqu’à la semaine prochaine plusieurs sujets brûlants, du statut des lanceurs d’alerte au scandale de l’évasion fiscale.
Trois Français, dont un journaliste, ont comparu dans la matinée devant le tribunal correctionnel de Luxembourg, accusés d’avoir fait fuiter près de 30.000 pages éclairant les pratiques fiscales de grandes multinationales établies au Grand-duché. Ils encourent jusqu’à 10 ans d’emprisonnement.
Arrivé au tribunal sous les applaudissements et aux cris de « Merci Antoine, Merci Antoine! » lancés par une cinquantaine de manifestants (dont le journaliste Denis Robert), le lanceur d’alerte français, Antoine Deltour, 31 ans, est accusé d’avoir organisé la fuite de ces documents fiscaux du cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC), pour lequel il travaillait à Luxembourg.
Pendant cette première journée, il ne s’est pas exprimé, mais est apparu plutôt détendu, souriant devant les photographes à son arrivée. « C’est un citoyen qu’il faut absolument soutenir dans son courage, dans son désintéressement », a déclaré son oncle, Pierre Deltour. Plus tard dans l’après-midi, le ministre des Finances de la France, Michel Sapin, exprimera, pour la première fois, quelques mots de « solidarité » envers le lanceur d’alerte.
Pour comprendre les enjeux du procès
Le procès a débuté par le témoignage de l’auditeur interne de PwC, Anita Bouvy, qui a raconté comment Antoine Deltour avait pu avoir accès aux milliers de pages de documents confidentiels. Mme Bouvy a mené l’enquête sur plusieurs mois pour savoir qui avait pu accéder aux documents publiés dans les médias.
Dans le dossier personnel de M. Deltour qui a été constitué lors de son départ de PwC en 2010, ce dernier avait fait mention, selon Mme Bouvy, d’une « frustration » car il avait une grande charge de travail. Il y critiquait le fonctionnement de PwC, a témoigné Mme Bouvy.
À la sortie de l’audience, l’avocat d’Antoine Deltour, William Bourdon, a estimé que « la première journée s’était bien passée. Progressivement le puzzle, le grand débat s’écrit sous nos yeux ». Le voici répondant aux questions des journalistes, aux côtés de son client :
Quant au journaliste Edouard Perrin, il lui est reproché d’avoir manipulé un autre employé de PwC, Raphaël Halet, lui aussi inculpé, pour organiser une seconde fuite de documents. Son avocat luxembourgeois, Me Roland Michel, estime qu’une condamnation de son client serait une atteinte à la liberté de la presse :
Effervescence à la Cité judiciaire
Le procès, qui a démarré dans une effervescence peu commune pour la Cité judiciaire de Luxembourg, doit reprendre ce mercredi à 15 heures avec l’audition du policier qui a conduit l’enquête.
La salle d’audience étant remplie par les témoins et les nombreux journalistes internationaux, une salle supplémentaire de retransmission vidéo d’une soixantaine de places a été ouverte. Celle-ci affichait également complet dans la matinée, mardi. L’effervescence devrait retomber un peu ces jours prochains, certains médias et autres soutiens aux lanceurs d’alerte ne reviendront en effet que pour la clôture du procès prévue le 4 mai.
Au-delà du cas des trois inculpés, la décision de la justice luxembourgeoise est très attendue car une condamnation pourrait dissuader de nouveaux lanceurs d’alerte. Les membres du comité de soutien à Antoine Deltour estiment ainsi que ce procès « politique » dépasse le simple vol de données sur une clé USB et qu’il doit être le déclencheur d’une harmonisation européenne sur la question de l’évasion fiscale et le statut des lanceurs d’alerte.
Notre éditorial : Ce n’est pas le bon procès
Le procès est suivi de près par de nombreuses ONG, alors que le Luxembourg peine à se départir de son image de havre pour les entreprises cherchant à minimiser leur fiscalité, sur fond de forte sensibilisation de l’opinion à ces sujets.
Car si les récents « Panama Papers » ont mis au jour des montages complexes de sociétés pour dissimuler des avoirs, le scandale des « LuxLeaks » a lui dévoilé les pratiques fiscales de firmes comme Apple, Ikea et Pepsi pour économiser des milliards de dollars d’impôts.
Sylvain Amiotte avec AFP / Vidéos S.A.
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[total-poll id= »78407″]Le rappel des faits
Antoine Deltour a confié des documents au journaliste Edouard Perrin, lui aussi poursuivi, qui a révélé le scandale en mai 2012 dans l’émission « Cash Investigation » sur la chaîne publique française France 2. Edouard Perrin, 45 ans, a lui été inculpé en avril 2015 notamment pour complicité de vol domestique, violation du secret professionnel et violation de secrets d’affaires.
Raphaël Halet, 40 ans, est le troisième Français inculpé. Comme Antoine Deltour, il est poursuivi pour vol domestique, divulgation de secrets d’affaires, violation de secret professionnel et blanchiment. Leur ancien employeur, le cabinet d’audit PwC, est partie civile pour ce procès, qui doit durer jusqu’au 4 mai.
Des milliers de pages confidentielles sur les pratiques d’optimisation fiscale des multinationales installées au Luxembourg ont été divulguées en novembre puis décembre 2014. Elles détaillaient 548 « rescrits fiscaux » – concernant plus de 350 sociétés – généreusement accordés par l’administration et négociés par la firme PwC pour le compte de ses clients.
Les faits datent de l’époque où Jean-Claude Juncker, le président en exercice de la Commission européenne, était Premier ministre du Luxembourg (1995-2013). Interrogé mardi à Bruxelles, le porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas, a rappelé que M. Juncker et la Commission avaient déjà par le passé salué les révélations de LuxLeaks, qui « ont contribué à promouvoir les efforts entrepris pour combattre l’évasion fiscale ».
PwC avait déposé une plainte en juin 2012, délenchant une enquête qui avait ensuite rebondi en 2014, après la publication des documents cette fois-ci par l’ICIJ, le Consortium international des journalistes d’investigation.
Je trouve scandaleux que le politique par l’intermédiaire du sieur Sapin intervienne dans le dossier judiciaire d’un pays étranger, pour protéger un voleur d’information ayant probablement fait commerce de son larcin et s’est, en tous cas, vengé de son ancien employeur.
Il devrait y avoir deux procès
-vol d’informations appartenant à une entreprise
-délation des journalistes d’investigation qui sont en fait les receleurs du produit du vol.
Les cas du journaliste, qui a fait son travail et de M. Deltour sont différents. M Deltour a trahi la confiance de son employeur.Dans le rapport de travail la confiance, la loyauté et la réserve sont des clauses au moins implicites et dans le cas en espèce les faits denoncési ne sont pas des crimes eti sont légales sur la base de la loi luxembourgeoise et ne sont pas contraires à la loi, européenne ou aux traités internationaux.
Franco PIODI