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Quand le juge défend la réputation du Luxembourg


La salle d'audience du procès LuxLeaks. (photo JC Ernst)

Au 5e jour du procès LuxLeaks, l’audition d’Antoine Deltour s’est achevée par un grand numéro de défense de l’honneur du Luxembourg par le président de la 12e chambre correctionnelle, Marc Thill.

Lors des quatre premiers jours d’audience, les questions et le ton du magistrat avaient déjà laissé transparaître ce souci permanent : non, le Luxembourg n’est pas le seul à pratiquer les tax rulings et oui, c’est une certitude, ceux-ci sont légaux. Reprenant ainsi à son compte, et en toute indépendance, la ligne de défense du gouvernement luxembourgeois.

Vendredi dernier, Me Philippe Penning, l’un des avocats d’Antoine Deltour, avait pourtant bien expliqué que certains de ces accords fiscaux anticipés pouvaient être assimilés à des aides d’État illégales, par une distorsion de la concurrence, ce qui a valu par exemple au Grand-Duché d’être épinglé par la Commission européenne pour une telle bienveillance envers Fiat. Et si le bureau 6 de Marius Kohl ne vérifiait pas vraiment les montages fiscaux avant de les tamponner, il était difficile d’être certain de leur légalité, d’autant plus qu’ils étaient totalement secrets, avait argumenté Me Penning.

Le même avocat avait encore souligné, chiffres à l’appui, que les rulings n’étaient certes pas l’apanage du Luxembourg, mais que le Grand-Duché en était bien l’un des plus grands producteurs en Europe.

Des arguments qui n’ont visiblement pas convaincus Marc Thill, toujours déterminé à rétablir l’honneur du Luxembourg au fil de ce procès. À la fin de l’audition d’Antoine Deltour, le juge a enchaîné une série de questions affirmatives, n’appelant aucune réponse.

Le président, Marc Thill : « M. Deltour, considériez-vous la pratique des tax rulings comme illégale lorsque vous avez copié les documents le 13 octobre 2010 ? »

Antoine Deltour : « Je n’avais pas de certitudes à ce sujet. Je savais qu’il y avait un risque de litige si certains montages étaient connus. »

Le président : « Connus par qui ? »

Deltour : « (…) D’autres États notamment. »

Le président : « Que cela ne plaise pas par exemple à la France ? »

Deltour : « Oui par exemple. »

Le président : « Mais M. Deltour, est-ce que la pratique des tax rulings ne se fait pas aussi en France ? N’y a-t-il pas le cas d’entreprises françaises qui utilisent des rulings aux Pays-Bas ? Est-ce qu’il y a une différence avec ce qui se fait au Luxembourg ? »

À la barre, le lanceur d’alerte français peine visiblement à comprendre l’intérêt de ces questions, d’autant qu’il vient de réaffirmer qu’il n’a jamais voulu stigmatiser le Luxembourg.

Plus tôt déjà, le président Thill lui avait étrangement demandé s’il était « bien intégré au Luxembourg », traduisant : « Est-ce que vous parliez la langue et aviez des amis luxembourgeois ? » Répondant oui à la première question, Deltour avait été obligé de concéder un non aux deux suivantes, la quasi-totalité des salariés de PwC étant des Européens non luxembourgeois. Le juge cherchait-il à se convaincre que seul un Français mal intégré pouvait commettre un acte allant contre les intérêts du Luxembourg et de son modèle économique ?

Au-delà de défendre le Grand-Duché, le magistrat veille ainsi régulièrement à souligner qu’Antoine Deltour n’a pas dénoncé quelque chose d’illégal. Et donc à invalider son action de lanceur d’alerte. Un statut reconnu par la loi luxembourgeoise uniquement si les faits dénoncés sont illégaux, comme le blanchiment d’argent.

En tout cas, la rafale de questions du juge Thill préfigure très certainement la ligne d’attaque que devraient adopter PwC et le parquet.

Sylvain Amiotte

2 plusieurs commentaires

  1. Marc Thill is an assclown.

    The Tax administration still operates the same way. They even keep the rules secret so they can pass out favours without getting caught.

  2. Les allégations du juge sont des mensonges.
    Les rulings validés au Luxembourg visaient â appliquer un taux d’impôt sur les sociétés nettement inférieur ( 1 à 4 % ) au taux légal du Luxembourg ( 29’5 %).
    Si c’était légal pourquoi ces accords ont ils été secrets ?