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« Jetée comme un chiffon » après une vie à nettoyer des WC


illustration AFP

Gabrielle Adams, 62 ans dont la moitié passés à nettoyer les toilettes de monuments parisiens, est sans employeur depuis début juillet, comme dix autres « dames pipi ». Le sort de cette « battante » sera tranché mardi par les Prud’hommes.

Depuis le changement de gestionnaire des lieux d’aisance de plusieurs attractions touristiques (Sacré-Cœur, Notre-Dame, Place de l’Étoile…), onze salariées, souvent âgées et comptant de 12 à 32 ans d’ancienneté, se sont retrouvées sur la touche et neuf ont saisi la justice.

Pas licenciées, elles ne peuvent pas prétendre à une indemnité chômage, « on ne sait pas où on est, c’est la première fois que ça nous arrive ». En 1999, la dernière passation s’était déroulée sans problème, raconte Gabrielle. « Ce qu’ils ont fait, c’est nous jeter comme des chiffons. Pourquoi on se retrouve dans cette situation ? je ne comprends pas », explique cette mère de deux grandes filles, originaire du Togo.

Sans salaire (1 500 euros, ancienneté comprise) depuis près de trois mois, elle jure qu’elle s’en sort car son mari travaille. Et dans un sourire, affirme garder le moral. La nouvelle entreprise, Sarivo PointWC, filiale du groupe néerlandais 2theloo, refuse d’appliquer la convention du secteur de la propreté, qui prévoit la reprise automatique des salariés.

Elle fait valoir qu’elle proposera après travaux des « toilettes-boutiques design » avec un service inspiré des conciergeries de luxe. « Il veut choisir ses employés mais ne nous a même pas vues », s’indigne Gabrielle, qui demande à reprendre « son poste, comme d’habitude » jusqu’à sa retraite, car il lui manque encore « quelques trimestres ». « On veut garder des pleins temps » pas être « baladées 2 heures par ci par là » avec des contrats à temps partiels, précise cette femme aux fines lunettes. Si elle perd ? « Je retournerai chercher quelques petits ménages », dit-elle. Comme à ses débuts quand elle a rejoint à 20 ans sa sœur en France.

« Les plus belles toilettes du monde »

« Elle me disait que c’était difficile mais je suis venue ». Sur cette période, elle ne veut pas s’étendre : « jetée dans la nature, je me suis construite moi-même », lâche-t-elle seulement. Après plusieurs années à faire le ménage chez des particuliers, elle signe son premier CDI à temps plein en 1986 : « j’étais contente, je gagnais plus ». Qu’on la qualifie de dame pipi ne la dérange pas, « il n’y a pas de sous métier », avoue trouver un peu ridicule le titre de « gardienne de lavatories » : « les gens ne comprennent pas ».

Elle a gardé chez elle, au Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis, des photos des toilettes de La Madeleine, où elle a travaillé entre 2003 et 2010, « les plus belles du monde, construites en 1905, avec des mosaïques et des fauteuils cireurs ». Depuis 2010, elle tourne entre celles des Champs-Elysées, du Trocadéro, de Montmartre ou de Notre Dame, les « pires, un bunker au fond d’un couloir, sans fenêtre ».

Les clients, « il y en a des bons et des mauvais, des propres et des sales », ceux là « je les surveille » et n’hésite pas « à leur faire nettoyer quand ils en mettent sur les murs ». Et puis, il y a surtout ceux qui « ne disent pas bonjour et juste ‘toilettes free ?' ». Ses filles trouvent que sa situation n’est pas normale mais « j’en ai vu d’autres, plus dures, c’est comme ça la vie, c’est la roue qui tourne, je tiens le coup », assure-t-elle.

AFP

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