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Entre soupçons et admiration, Froome divise au bord des routes


"Les temps ont changé", assure Froome. "On n'est pas dans le Far West qui était l'environnement du cyclisme il y a dix-quinze ans. Il n'y a aucune raison pour avoir le même niveau de suspicion". (photo AFP)

« Il y a des raisons de douter mais il est présumé innocent ! » Le maillot jaune, Chris Froome, divise les spectateurs présents sur les bords de route du Tour de France, mais tous ou presque condamnent les dérives présumées de ces derniers jours à l’égard du Britannique.

« Froome, oui, on peut peut-être douter de ses performances. Et le passé a montré que les coureurs soupçonnés de dopage finissaient par se faire attraper, redoute Charles Toth, jeune père de famille originaire de la région de Belfort et en vacances à Mende. « Mais c’est, quoi qu’il en soit, un coureur hors norme et il est présumé innocent. Il n’y a pas lieu de s’en prendre à lui », note encore ce triathlète amateur qui regrette le jet d’urine dont Froome s’était plaint samedi: « il y a des cons partout ! ».

Présents pour la deuxième année sur le Tour, David et Linda Collard, deux retraités britanniques de la région du Sussex, regrettent aux aussi ce climat « malsain » qui entoure Froome mais qu’ils estiment « largement gonflé par les médias ». Reste que la sécurité autour de Chris Froome et ses équipiers a été renforcée. Dimanche matin, la présence policière était très dense autour du bus des Sky.

« Nous n’avons rien demandé au niveau d’une escorte spéciale pour les derniers jours du Tour », a déclaré le directeur sportif de l’équipe britannique, le Français Nicolas Portal. Il y a peut-être une prise de conscience, c’est bien », a-t-il ajouté

« On n’insultait pas Nibali »

« Les médias français en veulent aux Sky d’écraser la course, constate David. L’an passé, l’Italien Vincenzo Nibali avait pris le maillot jaune dès la deuxième étape. A sa façon, il a aussi assommé le Tour. Et pourtant, lui, les médias le laissaient tranquille et le public ne l’insultait pas ».

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« Le problème de Froome, c’est qu’il manque de charisme. Il est introverti, secret, et c’est peut-être ça qui crée de la distance », ajoute David. David et Linda refusent « de parler d’anglophobie ». « Chaque jour, nous parquons notre camping-car recouvert de drapeaux britanniques au milieu de campeurs français et l’accueil est remarquable. Tout est bon enfant ».

Samedi, le directeur sportif de Froome, le Français Nicolas Portal, avait dénoncé « les regards haineux de certains spectateurs ». Sky s’était aussi plaint de crachats tandis que Richie Porte a été frappé par un spectateur mardi, avait-il dit.

Les nombreux spectateurs interrogés dimanche tombent des nues: « il y a peut-être quelques excités alcoolisés mais depuis le début du Tour, je n’ai rien vu de répréhensible, bien au contraire », note une touriste belge qui a suivi toutes les étapes, souvent rangée au sommet d’une côte.

« Aujourd’hui l’atmosphère était très bonne sur le parcours », a d’ailleurs déclaré Froome dimanche. « Je voudrais remercier les spectateurs de leurs encouragements ». Certains calicots sont pourtant explicites: « Tony Gallopin roule propre. Et toi Chris ? », avait-on vu sur un grand drap blanc vendredi.

« Froome est une victime »

Pour de nombreux fans de cyclisme, les médias mettent trop d’huile sur le feu. Les consultants sont régulièrement pris pour cible. Sauf dans la localité de Luc (Lozère) où des fans de Laurent Jalabert estiment que le consultant de France 2 « a eu raison de mettre en doute les perfs de Froome ». « Laurent, il est dans son rôle: nous éclairer, note Patrick Caussou, la soixantaine. Mais je ne crois pas que Froome soit un nouvel Armstrong ».

Pour Yves Imbert, éducateur sportif dans l’Yonne, « le public n’est pas dupe: les coureurs sont des pions. Il ne faut pas s’en prendre à Froome qui est une victime. On bousille la santé de ces gamins et c’est ça qui me fait enrager ». Yves Imbert ne passe pas inaperçu avec son panneau « No Doping » et les seringues dont il est affublé.

Depuis dix ans, Imbert dénonce le dopage sur les étapes du Tour. A l’entendre, l’accueil du public est positif. Par contre, « il n’est pas rare que des insultes fusent depuis des voitures officielles ».

AFP

Froome paye-t-il le lourd passé du cyclisme ?

L’Anglais, tout comme le manager de l’équipe Sky, le très habile Dave Brailsford (l’homme à l’origine des innombrables succès britanniques depuis douze ans, sur piste et sur route), affirme comprendre les interrogations qui ont fleuri ici et là. A l’évidence, l’héritage des années Armstrong, du dopage sanguin qui a déséquilibré le peloton durant près de deux décennies, écrase encore le cyclisme.

« Mais les temps ont changé », assure Froome. « On n’est pas dans le Far West qui était l’environnement du cyclisme il y a dix-quinze ans. Il n’y a aucune raison pour avoir le même niveau de suspicion ». Si le constat du changement est évident aux yeux des observateurs, surtout au vu du Tour 2014, toute performance de haut niveau interpelle.

Un expert, interrogé sur la démonstration de Froome mardi dans la montée du col du Soudet (La Pierre-Saint-Martin), a encore enfoncé le clou sur France Télévisions, dans l’émission Stade 2, en s’étonnant du niveau atteint par le porteur du maillot jaune. « Il faut faire attention, c’est un modèle mathématique, une estimation, puisqu’il n’a pas nos chiffres », a réagi Brailsford, sans perdre son calme. « En 2013 (année de la première victoire de Froome dans le Tour), on était dans la même situation. On a fourni toutes nos données à l’agence antidopage britannique ».

Dans la semaine, le manager de Sky s’était déclaré favorable à la mise en place d’un passeport de puissance, un profil individuel basé sur les données physiologiques. « Le temps est peut-être venu d’y venir », avait déclaré Brailsford. Difficile de lui donner tort, au moins sur ce sujet, après les polémiques sans fin de la semaine, un feuilleton alimenté par la surexposition médiatique du Tour.

 

 

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