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Débat Macron-Le Pen : les journalistes impuissants dans la « cage aux lions »


Christophe Jakubyszyn (TF1) et Nathalie Saint-Cricq (France 2) sont restés impuissants face aux excès et à l'indiscipline des candidats.

« #AlerteEnlèvement: à la recherche de deux journalistes disparus. » Moqués sur les réseaux sociaux pour leur manque d’autorité lors du débat du second tour, les deux journalistes de TF1 et France 2 ont reconnu avoir eu du mal à s’imposer lors d’un duel particulièrement agressif.

Dépassés, les chefs des services politiques de TF1 et France 2, choisis quelques jours auparavant pour présenter le débat, ont laissé le rythme et le ton de cette violente confrontation leur échapper, malgré de vaines tentatives pour interrompre les candidats. « Taisez-vous tous les deux », a tenté Nathalie Saint-Cricq (France 2). « Est-ce que vous voulez bien nous écouter deux minutes? » leur a-t-elle même lancé, alors que Marine Le Pen et Emmanuel Macron s’écharpaient.

« Vous êtes deux dompteurs, et vous entrez dans la cage aux lions », a dit Christophe Jakubyszyn (TF1). « Cette émission, c’était la leur. Ce n’était pas une émission politique mais un duel. On n’était là que pour accompagner ce duel et essayer de le dompter. » L’ouverture des hostilités, dès la première minute, a surpris les deux présentateurs, dans un registre bien plus virulent que l’ironie de Jacques Chirac en 1988 ou la colère de Ségolène Royal en 2007.

Une spirale d’invectives

« Je pensais que ça allait monter en puissance, mais pas dès le début », a précisé Nathalie Saint-Cricq, évoquant une « spirale ». « C’était 50% programme, 50% invectives, et ça montait, c’était de plus en plus violent, et ça tournait de plus en plus en rond. » « On avait autant de mal à les faire taire l’un que l’autre », a-t-elle souligné.

La journaliste de France 2 reconnaît que la virulence du débat a dû le rendre « stressant » pour les téléspectateurs, dont « certains ont dû aller voir deux minutes le match (de foot) pour s’aérer » sur beIN, qui diffusait la demi-finale de la Ligue des champions AS Monaco-Juventus Turin. « On aurait pu souhaiter un débat d’une autre tenue, des candidats qui s’écoutent davantage, qui s’interrompent moins », a ajouté Christophe Jakubyszyn.

« Il y a une vieille tradition française d’effacement des journalistes, qu’on peut regretter. On est loin du débat à l’américaine », a expliqué l’historien Christian Delporte. « On peut se demander si ce débat est une confrontation d’idées ou un spectacle télévisuel. Là, le spectacle l’a emporté, dès les cinq premières minutes où les journalistes ne sont pas intervenus. »

Parmi le feu roulant de 3 millions de tweets sur le débat, les internautes s’en sont donné à coeur joie pour se moquer de l’impuissance des journalistes, traités de « plantes vertes ». Tout comme en 2012, à propos du duo Laurence Ferrari-David Pujadas. « Discrètement, les deux journalistes modérateurs du débat viennent de sortir un nécessaire à fondue », a tweeté le site parodique Le Gorafi.

« Pas le droit de faire plus »

De nombreux commentateurs et internautes ont aussi reproché aux deux journalistes de ne pas reprendre les candidats sur leurs erreurs factuelles, ou de poser des questions trop vagues. « Je comprends la gêne des journalistes: on ne leur demandait pas de faire du fact-checking -et pourtant il y avait du travail. Mais au moins, puisqu’ils étaient maîtres du temps, ils auraient pu s’assurer que les thématiques étaient respectées », a jugé Christian Delporte.

Suivi par 16,5 millions de téléspectateurs, soit moins que lors de tous les autres débats d’entre-deux-tours, l’émission était très encadrée: 12 thèmes avaient été choisis en accord avec les équipes des candidats, les « plans de coupe » devaient être utilisés avec parcimonie, et chaque candidat devait avoir exactement le même temps de parole.

« On n’est pas idiots, mais on n’avait pas le droit de faire plus », s’est justifiée Nathalie Saint-Cricq. « Que les gens soient en attente par rapport aux journalistes, c’est très légitime. Mais ce n’était pas l’exercice. Ce travail journalistique, on le fait tout au long de l’année », a fait valoir Christophe Jakubyszyn.

Deux thèmes n’ont pas été abordés faute de temps, a indiqué Nathalie Saint-Cricq: l’écologie et les opérations extérieures (la Syrie notamment), malgré une durée finale de 2 heures 34, soit quinze minutes de plus que le temps prévu.

Le Quotidien / AFP

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