Le Premier ministre, Xavier Bettel, estime que le Luxembourg fait face, en ce début d’année électorale, à d’importants défis. Il plaide pour une stabilité politique et économique afin d’éviter une dégringolade.
Les tensions autour des restrictions sanitaires étaient importantes en janvier 2022. Avec le recul, quel regard jetez-vous sur ce début d’année toujours marqué par la pandémie ?
Xavier Bettel : Ce fut un moment difficile. Un moment difficile pour tous. Un texte a été préparé sur l’obligation vaccinale. J’espère que je n’aurai jamais besoin de l’utiliser, même si, aujourd’hui encore, le virus reste bien présent. Il ne faut pas oublier que tous les jours, des personnes meurent. Mais, du fait de la vaccination, les répercussions sont quand même moindres par rapport à ce que l’on a connu avant. La situation est donc beaucoup moins tendue que fin 2021 et début 2022, mais nous restons parés à toutes les éventualités.
La discussion sur l’obligation vaccinale s’est nettement calmée…
(Il coupe) Si la situation sanitaire reste inchangée, nous n’aurons pas besoin d’obligation vaccinale. Mais si, demain, un virus apparaît qui provoque à nouveau une hécatombe, il faudra quand même remettre l’obligation vaccinale à l’ordre du jour.
Alors qu’on se préparait à une sortie de la crise sanitaire, le 24 février 2022 a tout fait basculer. Quels sont vos souvenirs de cette journée marquant le début de l’invasion russe en Ukraine ?
Cela faisait quelques jours que l’on voyait des manœuvres. On ne savait pas vraiment ce qui se tramait. Beaucoup pensaient que Vladimir Poutine n’allait pas franchir le cap, que c’était de la provocation pour mettre de la pression. L’invasion est quelque chose qui a surpris par son ampleur. J’ai moi-même pris contact, sur demande du président Zelensky, avec le président Poutine. Je l’ai quand même eu deux heures en ligne la semaine même de l’invasion.
Je me suis fait critiquer par l’opposition, mais je ne regrette pas de l’avoir fait, car je pense que tout élément qui aurait permis d’avancer de manière constructive était important. Mais quand j’ai vu qu’il n’y avait pas de répondant du côté russe pour trouver une solution pacifique au conflit, j’ai arrêté ces pourparlers.
On m’a déjà demandé de prendre la succession de Charles Michel. La réponse est non
Nous sommes plus de 300 jours après le début de l’invasion. Vous attendiez-vous à ce que l’Ukraine résiste aussi longtemps aux assauts de l’armée russe?
Au début, tout le monde pensait que ce serait une histoire de quelques jours. Mais je dois dire que j’ai découvert un peuple courageux, un peuple qui se bat, qui a une volonté infaillible. Je suis moi-même allé à la rencontre de ces gens en Ukraine. Leur résistance a aussi été possible grâce au soutien de l’étranger. On voit qu’ils défendent certes leur territoire, mais aussi nos valeurs. Ils défendent le droit de pouvoir vivre librement. L’aide que nous avons fournie ne plaît pas au côté russe, mais elle est nécessaire. On ne veut pas entrer dans un conflit direct, sinon on serait confronté à une Troisième Guerre mondiale. Il faut l’éviter, tout en continuant à soutenir l’Ukraine et à faire preuve de solidarité.
Dans le cadre de cette aide, le Luxembourg a, pour la première fois de son histoire, livré des armes dans une zone de guerre.
On a quand même 16 % de notre budget de défense qui a été alloué à l’aide militaire en Ukraine, y compris des armes létales. On ne peut pas envoyer du matériel qui ne sert à rien. C’est pourquoi on se trouve en contact permanent avec l’Ukraine. Je tiens aussi à rappeler l’envoi des ambulances du CGDIS, fin décembre, ainsi que l’aide humanitaire qui a été fournie. Et puis, il ne faut pas oublier la solidarité ici au Luxembourg. Je tiens à exprimer un merci à la population qui a accueilli à bras ouverts les réfugiés ukrainiens.
On vous reproche, au même titre qu’à d’autres pays comme l’Allemagne, d’avoir eu une trop grande proximité avec la Russie de Poutine. Regrettez-vous d’avoir entretenu des liens aussi proches avec lui?
J’ai peu de gens avec lesquels je n’ai pas de relations. Le fait d’être un chef de gouvernement avec une certaine ancienneté fait que l’on multiplie les rencontres. Je continue de penser que ces échanges permettent aussi souvent d’éviter des conflits. Cette proximité m’a permis de pouvoir parler en direct et de manière franche avec le président Poutine, même si cela n’a pas mené au résultat escompté. Le Luxembourg a toujours tenté d’être un pont entre les acteurs au niveau international. Le fait d’avoir un contact direct avec tout le monde constitue une chance.
Les intérêts économiques n’ont donc pas primé sur le reste?
On a eu des intérêts économiques, culturels, politiques et sociétales. On a eu énormément de liens avec la Russie, comme avec beaucoup d’autres pays. Il faut quand même dire que le président Poutine a tout détruit, pas qu’avec le Luxembourg. Quand, au début, j’ai pris contact avec lui, c’est parce que je me disais qu’il était en train de manœuvrer dans un coin et qu’il n’allait plus pouvoir s’en sortir. C’était encore avant Boutcha. Il y avait déjà des dégâts. L’intention était de les limiter, mais j’ai vu que cela ne servait à rien, qu’il n’y avait aucune volonté russe de retourner à un scénario pacifique.
Face à cette guerre d’agression, l’UE a retrouvé son unité. Partant de ce constat, n’existe-t-il pas une déception que le président ukrainien ait choisi Washington pour sa première visite à l’étranger depuis le début de l’invasion ?
Il faut faire preuve de réalisme. On sait que la majorité au Congrès américain bascule début 2023. La volonté du président Zelensky était de lancer un appel pour qu’on ne laisse pas tomber son pays. Mais vous devez savoir que lors de chaque sommet européen, nous avons invité le président ukrainien à s’exprimer par visioconférence. Ce n’est pas comme si l’on n’était pas en contact direct.
Les appels se multiplient pour instaurer un cessez-le-feu au lieu de prolonger la guerre avec la livraison continue d’armes. Pouvez-vous partager ce point de vue ?
L’alternative à la livraison d’armes, c’est quoi? C’est de dire à la Russie : « écrasez l’Ukraine », « violez les femmes », « tuez des enfants », « détruisez le pays ». Est-ce que c’est ce qu’on veut? On doit continuer à être solidaires et on doit, surtout, pousser, avec tous les moyens que l’on a, pour une solution du conflit.
Lors des débats sur le budget de l’État, l’opposition a demandé combien de temps encore le Luxembourg pouvait supporter les répercussions économiques et financières de cette guerre. Avez-vous une réponse à donner ?
Notre intention a été de freiner l’inflation et d’aider les gens le plus possible. Je pense que c’était la bonne réponse au bon moment. Ce fut la même chose avec le covid. Nous avons vu que l’économie luxembourgeoise figurait parmi celles qui reprenaient le plus rapidement. Il est donc important d’investir au bon moment les sommes nécessaires. Mais si la guerre perdure, il faudra revoir l’ampleur des aides ou définir comment générer de nouvelles recettes. Je ne peux pas me permettre d’avoir une crise qui dure deux, trois, quatre ans et ne pas pouvoir la financer.
Quel bilan tirez-vous des tripartites de fin mars et de fin septembre ?
L’important pour moi était de discuter avec les partenaires sociaux et de nous mettre d’accord sur une réponse concrète et directe pour la population. Les mesures prises vont permettre de freiner l’inflation et éviter, ainsi, le déclenchement de quatre ou cinq index endéans une année. Dans une situation où les prix de l’énergie sont déjà tellement élevés, je suis parfaitement conscient que cela aurait sans doute brisé la nuque aux entreprises. Il fallait, donc, aider les gens sans détruire l’économie. Cet équilibre devait être trouvé. Pour l’instant, on peut encore se le permettre. Mais devoir le faire deux ou trois ans de plus, ce serait compliqué.
Les objectifs fixés pourront-ils être accomplis?
Il y a plusieurs roues qui fonctionnent dans un sens et dans un autre, mais qui, dans l’ensemble, doivent faire que l’on retrouve une situation plus stable. Les années à venir peuvent devenir très difficiles. On se trouve à un moment charnière pour le Luxembourg en ce qui concerne la compétitiv ité, l’attractivité, le développement, l’industrie, les finances ou encore la dette publique. Pour moi, il est donc important d’avoir une stabilité, une prévisibilité.
Lors d’une année électorale, le gouvernement sortant a tendance à temporiser plutôt que de lancer de grands projets. Au vu du contexte de crise, l’année 2023 sera tout à fait différente. Comment abordez-vous les dix derniers mois de la législature en cours ?
De un, le gouvernement compte bien travailler jusqu’au bout. De deux, il sera important de ne surtout pas tomber dans une surenchère. C’est ce que je demande vraiment à la politique en général. On peut, en période électorale, succomber très facilement à ce que l’on appelle le populisme pour promettre des choses uniquement parce que cela sonne bien.
Les Luxembourgeois ne doivent pas être dupes. Faire une politique maintenant qui sera uniquement à la charge des générations futures, qui néglige l’attractivité du Luxembourg et qui coûtera, à moyen terme, très, très cher, n’est pas opportun. Il nous faudra donc faire le mieux possible avec les moyens que l’on a. Mais ce n’est pas évident. Et c’est pour ça que j’ai été très content d’être parvenu à dégager, lors de la dernière tripartite, un accord soutenu par tous les partenaires sociaux.
L’autre grand thème est la fiscalité, avec la revendication d’une imposition plus équitable au Luxembourg. La ministre des Finances veut attendre le printemps avant de décider s’il y a moyen d’agir. Mais, au-delà de cette adaptation ponctuelle, la question fiscale et l’équité sociale vont-elles bien figurer parmi les principaux enjeux des prochaines élections et de la prochaine législature ?
En ce qui concerne l’équité sociale, j’aurais préféré ne pas avoir à faire face au covid et à une crise en Ukraine. J’aurais alors pu faire une réforme des impôts qui était et qui reste nécessaire. Mais faire une réforme à crédit, c’est-à-dire emprunter de l’argent sur le dos des prochaines générations, est un mauvais calcul. Il est donc important de voir quelle sera la marge de manœuvre qu’on aura d’ici à quelques mois. Et puis, il faut faire attention quand on parle de fiscalité.
On a tendance à dénigrer la Place financière, les fonds d’investissement ou encore l’industrie. On critique aussi le fait que les gens ne paient pas assez d’impôts. Or des études sont venues démontrer que c’est une minorité qui paie la plus grande part des impôts. Il ne faut pas faire fuir ces gens. D’importantes recettes fiscales sont générées par le secteur de la finance. Je tiens à rappeler que le Luxembourg n’a pas toujours été le pays que l’on connaît aujourd’hui. Il est important de rester attractif.
Les trois partis formant la coalition sortante sont déjà en train de se positionner en prévision des législatives. Gilles Baum, le chef de votre fraction libérale à la Chambre, a toutefois laissé entendre en octobre qu’une réédition du gouvernement tricolore était possible. DP, LSAP et déi gréng vont-ils aborder le scrutin en formant un bloc ?
Non, nous avons trois ADN différents. Former une liste commune ou un bloc n’est pas opportun. Ce qui est important, c’est d’aller jusqu’au bout de l’accord de coalition conclu en 2018. Après, il reviendra aux électeurs de décider à quels partis ils vont accorder leur confiance. Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai une relation de confiance avec les trois partis formant la coalition.
Avec Paulette Lenert et François Bausch, qui sont les deux vice-Premiers ministres, j’entretiens une relation amicale et de confiance, ce qui est important dans un groupe homogène qui travaille ensemble. Je ne connais pas encore le programme électoral des uns et des autres. S’il y a des incompatibilités, il faut en discuter. Je sais que certains socialistes veulent réduire le temps de travail. On propose aussi une hausse de l’imposition sur les droits de succession. Il y a certains sujets qui, pour moi, sont délicats. Il faudra en parler et être très franc sur ce qui va et ce qui ne va pas. En tant que Premier ministre, une réduction du temps de travail, je ne la ferai pas.
La coalition sort-elle affaiblie par ces années de crise, les affaires qui ont éclaboussé certains membres du gouvernement et, également, les remaniements qui ont eu lieu ?
Les sondages disent le contraire. Ils renforcent même la coalition. Mais ce ne sont que des sondages. Ce qui compte, c’est le jour des élections. Mon principe est que je ne juge pas mon travail. Il faut néanmoins constater que les partis de la majorité ont fait ce qu’ils s’étaient engagés à faire. Et les prochains mois, je le répète, ne doivent pas donner lieu à une surenchère. Je le dis non seulement aux partis partenaires, mais aussi aux autres partis qui siègent à la Chambre.
De vos deux mandats, le second a été le plus éprouvant avec le covid et la guerre, sans oublier les catastrophes naturelles qui ont frappé le Luxembourg. Sentez-vous une certaine lassitude à l’issue d’une décennie passée à la tête du gouvernement ?
Il n’y a aucune lassitude. C’est toujours avec énergie, passion, envie et motivation que j’assume ma fonction. Mais ce n’est pas moi qui déciderai ce qui adviendra. Tout d’abord, j’espère être tête de liste de mon parti aux élections législatives et je suis prêt à assumer ce rôle.
Et en cas de réélection, repartirez-vous pour un mandat complet de cinq ans, sachant que, depuis plusieurs mois, les rumeurs qui vous promettent un poste européen ou international vont bon train ?
Le Luxembourg se trouve dans une situation difficile. Si j’ai la chance d’avoir la confiance des électeurs, j’accepterai le mandat et compte faire sortir ce pays de cette situation. Le Luxembourg n’a pas toujours eu les moyens dont il dispose aujourd’hui. Il faut tout faire pour éviter que le Grand-Duché redevienne un pays avec une qualité de vie moindre. On a besoin de stabilité.
Je ne compte rien imposer aux électeurs. Mais je pense qu’une instabilité serait la plus grosse erreur pour l’économie et la société luxembourgeoises. Partir serait une erreur. On m’a déjà demandé de prendre dans deux ans la succession de Charles Michel comme président du Conseil européen. La réponse est non.
Cet homme est déterminé,il a conscience de tous ces enjeux qu’ils soit économiques et politiques. Sont mot d’ordre stabilité et ensuite réactivité. C’est le chemin a suivre.
Bonne chance a vous Mr Bettel.
1 premier ministre qui voulait rester bourgmestre… menteur !!!
oui! moment charnière: 1 premier ministre avec PLAGIAT, du jamais vu, une honte!