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Vol à la Kinnékswiss : quatre contre trois


Dea, quatre condamnations à son actif, est présenté comme le conciliateur. Abdallah n’a rien fait, malgré les témoignages accusateurs des victimes. Solo et Iaia auraient, selon les deux autres, agi seuls. (Photo : sophie kieffer)

Le parquet a estimé qu’ils devaient être condamnés solidairement. Les prévenus disent avoir agi à des degrés différents ou ne rien avoir fait du tout. Jusqu’à s’accuser les uns les autres.

Ils ont entre 20 et 25 ans, ils sont un peu beaucoup perdus, n’ont ni travail ni formation et dépendent des institutions sociales ou de leurs parents. Abdallah, Iaia, Solo et Dea sont accusés de vol avec violence ou d’extorsion, de coups et blessures ainsi que de menaces. Le 16 mai 2022, peu après 19 h, ils ont attaqué trois autres jeunes à la Kinnékswiss, dans le parc municipal de Luxembourg.

«On jouait avec le pistolet à billes qu’on avait gagné à la kermesse place de la Constitution. Deux jeunes hommes sont venus vers moi et ont commencé à fouiller dans ma sacoche», témoigne Marcio, la voix tremblante, avant de désigner Solo et Iaia. «J’ai laissé faire. Je ne suis pas du genre à me battre.» Son ami Raphaël confirme sa version à la barre de la 13e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Dea leur a, à plusieurs reprises, demandé de nous laisser tranquilles.»

«Abdallah m’a dit de lui remettre mon smartphone. J’ai eu peur, je le lui ai donné», poursuit la victime présumée. «Iaia est arrivé quelques minutes plus tard et a également réclamé mon smartphone. Il a menacé de me frapper si je ne le lui remettais pas.» Abdallah lui a aussi «retiré doucement» une chaîne en or offerte par son père pour son baptême. «J’ai juste pu récupérer mes clés de voiture.» Abdallah aurait ensuite remis le smartphone à Iaia.

Le quatuor aurait, entre autres, volé deux smartphones, des cigarettes, un pistolet à billes et ses munitions, de l’argent, un sac de luxe et la chaîne en or. Les trois jeunes hommes ont pris la fuite grâce à Dea qui a demandé à ses compères de les laisser tranquilles. Ils ont couru se réfugier dans un fast-food de la place d’Armes pour prévenir la police. «Solo avait une matraque, mais il ne s’en est pas servi», précise Aaron.

Solo reconnaît avoir volé plus que ce que le parquet lui reproche. Il a volé les deux sacoches et «une grande quantité de cannabis (…) environ 50 grammes (…) parce que Raphaël est un dealer». La présidente n’y croit pas. «Cela ne vous déculpabilise pas», lui lance-t-elle. «Il est passé où ce haschisch?» «Je l’ai pris parce que je suis consommateur. Je l’ai jeté quand la police est arrivée», tente le jeune homme, qui adapte ses réponses en fonction des questions de la présidente. Même ses trois coprévenus paraissent surpris de certaines d’entre elles. Mises bout à bout, elles n’ont aucun sens.

«Une attaque sans raison et gratuite»

La juge a beau lui expliquer que la seule chose qui marche face au tribunal «est de dire la vérité», Solo continue de jouer au plus malin avec elle. «Dis la vérité!», l’encourage Abdallah. Mais Solo ne sait plus qui, quoi, comment et où. Il dit tout et son contraire, agace tout le monde. La présidente lui demande s’il est dans son état normal.

Iaia n’a pas été plus précis. Il a reconnu les faits, mais prétend avoir tout oublié parce qu’ils se trouvaient tous sous l’empire de l’alcool. Or ni les policiers qui les ont interpellés, ni le médecin qui les a examinés n’ont constaté d’état d’ébriété. La juge abandonne. Elle passe à Abdallah. «J’étais là, mais je n’ai rien fait», avance le jeune homme venu sans avocat. «Donc le témoin ment», conclut la présidente. Nous n’avons pas encore entendu beaucoup de vérités aujourd’hui.»

Dea sortait d’un an de prison onze jours avant les faits et prétend «ne rien avoir à faire là-dedans». Il charge les policiers et Solo, sans le nommer, parce que «je ne suis pas une balance». Dans la salle d’audience, entre les quatre prévenus, les esprits s’échauffent. Les six policiers présents sont aux aguets.

La représentante du parquet retient les vols avec violence et menaces ainsi que les extorsions contre les quatre jeunes hommes qu’elle désigne comme coauteurs des infractions. «Pour faire pression sur les trois victimes, ils y sont allés à quatre», estime-t-elle, avant de se rapporter à prudence du tribunal en ce qui concerne les coups et blessures. Elle requiert des peines de prison de 18 mois. «Il s’agit d’infractions graves», «d’une attaque sans raison et gratuite», selon elle.

Une peine bien longue quand on n’a pas participé aux infractions dénoncées, estime l’avocat de Dea, présenté par les victimes comme un conciliateur. La parquetière avait avancé que le jeune homme n’avait rien fait pour éviter les faits et qu’une partie du butin et la matraque ont été retrouvées sur lui. Pour l’avocate de Solo également, il s’agit de «déterminer la responsabilité pénale de chacun des prévenus au lieu de les condamner en groupe». Tous les quatre n’auraient pas le même degré d’implication dans les faits. Et certains, comme Iaia, notamment en raison de son jeune âge au moment des faits, seraient plus influençables que les autres. Son avocate plaide pour une «justice restauratrice».

Le prononcé est fixé au 20 avril.

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