Le parquet a requis mercredi une peine de prison ferme contre le fils qui avait placé un engin explosif dans la voiture de son père le 1er octobre 2016 à Bergem.
« Qu’est-ce qui va se passer pour que cela ne se reproduise plus ? Est-ce que mon père va laisser à ma disposition plusieurs appartements ? » À la barre de la 9e chambre criminelle mercredi après-midi, Kim Z. (41 ans) ne s’est pas longuement épanché sur les faits que le parquet lui reproche. «J’ai déjà tout dit», avait-il, d’ailleurs, annoncé le jour de l’ouverture de son procès.
Après trois jours de débats, davantage que la peine de prison, c’est la suite qui semble le tracasser. Le tribunal s’est retrouvé face à un véritable flot de questions : «Est-ce que mon père va me mettre à la porte ? Est-ce que je vais devoir chercher un appartement ?» Visiblement, le quadragénaire attend toujours une réaction de son père. «Cela s’est passé parce qu’il ne m’a rien donné. Cela n’a pas encore le droit de se produire une nouvelle fois…»
La représentante du parquet n’est pas passée par quatre chemins pour entamer son réquisitoire : «Kim s’était imaginé une vie différente. Il pensait vivre une vie de luxe, dans de beaux appartements… À la fin de la trentaine, il s’est retrouvé dans un petit appartement à Dudelange, isolé, sans amis… Il était persuadé que son père lui devait quelque chose.Mais comme ce dernier n’a pas répondu à ses attentes, il a décidé de prendre les choses en main et de tuer son père avec une bombe.»
«Ce n’était pas un acte irréfléchi»
Pour le parquet, le prévenu avait pris la décision de tuer son père de longue date. Son but : récupérer une partie de son héritage. Voilà pourquoi il demande de retenir la qualification de tentative de parricide avec préméditation. «De manière réfléchie et de sang-froid, il a exécuté son acte», a appuyé le premier substitut. Pendant des mois – en témoignent les photos retrouvées sur son iPad –, Kim Z. aurait rassemblé tous les éléments utiles à la fabrication de la bombe : un tube métallique rempli de poudre noire et d’au moins treize projectiles, les trois détonateurs et le système de déclenchement à distance.
Avant de passer à l’acte, il s’était également procuré l’adresse d’une étude d’avocats à Düsseldorf, la ville où il finira par se rendre à la police. Enfin, le 1er octobre 2016, le jour du drame, il avait attendu une heure que son père monte dans sa voiture. Et puis, il avait actionné le détonateur. Bref, de l’avis du parquet, «ce n’était pas un acte irréfléchi ni émotionnel».
Un expert en neuropsychiatrie avait diagnostiqué chez le prévenu un trouble délirant de persécution et relevé une grave altération de ses capacités de discernement. Si le parquet estime que le tribunal peut retenir cette atténuation de responsabilité (en faisant application de l’article 71-1 du code pénal) comme circonstance atténuante au moment de la détermination de la peine, en parallèle il faudrait tenir compte de l’extrême gravité des faits, de la préméditation de ses actes et du mobile.
« Danger de récidive »
«Lors de la perquisition de son domicile à Dudelange, une deuxième bombe a été retrouvée», n’a pas manqué de soulever la représentante du parquet. Elle ne cache pas sa crainte que comme le prévenu a dû mal à reconnaître qu’il souffre d’une psychose paranoïaque et qu’il continue à se considérer comme victime, il risque de repasser à l’acte à sa sortie de prison. Contre le quadragénaire qui se trouve depuis deux ans en détention préventive, elle a fini par requérir 14 ans de réclusion : «Au vu de sa dangerosité et du danger de récidive, je m’oppose à un sursis.»
Avec cette peine, le parquet se trouve certes bien en dessous de la fourchette des 20 à 30 ans qu’on encourt en cas de tentative d’homicide, mais bien au-dessus de la peine demandée par la défense. «Ce n’est pas en prison qu’on va l’aider», avait estimé Me Gennaro Pietropaolo, réclamant une peine de moins de dix ans assortie d’un large sursis probatoire. D’après l’avocat, Kim Z. a perdu les pédales. Il aurait demandé de plus en plus d’argent à son père. Et il aurait été de plus en plus frustré. «Peut-être que la lettre de menaces qu’il a envoyée à son père fin 2015 était un appel à l’aide. Mais on n’en a sans doute pas compris le message», questionne l’avocat.
Son intention n’aurait pas été de tuer son père, mais de lui faire peur, a encore plaidé Me Pietropaolo. Selon lui, une peine assortie du sursis probatoire serait le seul moyen permettant d’imposer un traitement au prévenu. «Si l’on suit les réquisitions du parquet, on risque juste de repousser le problème de 14 ans», a-t-il prévenu.
L’affaire a été mise en délibéré. La chambre criminelle rendra son jugement le 31 octobre.
Fabienne Armborst