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Ursula von der Leyen : «Garantir que les Européens passent l’hiver au chaud, c’est notre priorité»


Ursula von der Leyen défend la décision de classer le nucléaire et le gaz comme investissements durables : «Nous reconnaissons que, dans un nombre limité de circonstances et sous des conditions strictes, des investissements ciblés dans ces deux secteurs sont encore nécessaires à moyen terme.» (Photo union européenne/dati bendo)

Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, ne cache pas que l’Europe est confrontée à une «crise énergétique», provoquée par la guerre que mène la Russie contre l’Ukraine. Elle tient toutefois à rassurer les citoyens en prévision d’un hiver qui s’annonce compliqué.

Dans la foulée de la présentation de son plan d’économies de gaz pour un hiver sûr, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a accepté de s’exprimer, en exclusivité, dans nos colonnes pour faire le point sur la crise énergétique et les autres répercussions de l’invasion russe en Ukraine.

Des membres du gouvernement luxembourgeois n’hésitent plus à parler d’un « hiver très rude » qui nous attend en raison de la réduction, voire de la coupure, des livraisons d’énergie russe. La Commission a présenté le 24 juin son plan d’économies de gaz pour un hiver sûr. Ce plan s’adresse-t-il uniquement à l’industrie, comme initialement avancé? Ou est-ce qu’il comprend aussi des éléments qui peuvent enlever la crainte aux citoyens de ne pas pouvoir se chauffer en hiver?

Ursula von der Leyen : L’Europe est au cœur d’une crise énergétique. Nous devons nous préparer à une nouvelle interruption, voire à une interruption totale, de l’approvisionnement en gaz russe. C’est pourquoi je me réjouis vivement de l’accord conclu mardi par les États membres sur des mesures coordonnées visant à réduire la demande de gaz dans toute l’UE. Il s’agit d’une étape décisive pour faire face à la menace d’une interruption totale de l’approvisionnement en gaz par Poutine. L’engagement collectif de réduire la consommation de gaz de 15 % est significatif. Il contribuera à remplir nos stocks avant l’hiver. Pour organiser des économies à l’échelle européenne – ce qui est une première – naturellement les entreprises seront mises à contribution sous notre plan. Les économies doivent commencer par là. Et en priorité en privilégiant l’abandon du gaz au profit d’autres combustibles.

Dans notre plan, nous encourageons les États membres à protéger les personnes vulnérables, qui sont les plus touchées par la flambée des prix. En prenant dès maintenant des mesures pour réduire la demande, nous envoyons d’ailleurs un signal fort aux marchés. En outre, la plupart des États membres utilisent les instruments que nous avons mis à leur disposition dans les boîtes à outils sur les prix de l’énergie, en octobre dernier. Il s’agissait notamment d’allègements fiscaux ou d’aides directes aux ménages vulnérables, par exemple. Garantir que les Européens passent l’hiver au chaud, c’est notre priorité. Nous sommes prêts à œuvrer à notre sécurité énergétique à l’échelle européenne, en tant qu’Union.

Auparavant, la Commission a lancé le très ambitieux plan REPowerEU pour faire sortir l’UE de la dépendance de l’énergie fossile russe. Êtes-vous confiante que les objectifs chiffrés peuvent vraiment être atteints comme prévu?

Absolument. REPowerEU a comme objectif de nous sortir de notre dépendance au gaz russe dans les prochaines années et nous maintenons le cap. Avec REPowerEU, nous ne faisons pas que des économies d’énergie. Nous travaillons également sur deux autres axes. Premièrement, des investissements massifs dans les énergies renouvelables. Parce qu’elles sont bonnes pour la planète et pour la sécurité de notre approvisionnement. Et parce qu’elles sont produites localement, elles sont aussi bonnes pour notre indépendance. Et deuxièmement, la diversification de l’approvisionnement. Nous nous tournons en effet vers des partenaires énergétiques plus fiables. Nous avons déjà des niveaux record de livraisons de GNL (NDLR : gaz naturel liquéfié) en provenance des États-Unis. Et des volumes croissants de gaz proviennent de Norvège, des États du Golfe, d’Algérie ou de la mer Caspienne. De plus en plus de pays, partout dans le monde, s’engagent. Les résultats sont déjà là : au cours du premier semestre de 2022, nous avons importé 38 milliards de m3 supplémentaires de GNL et de gaz de pipeline non russes. Cela fait plus que compenser la réduction de 28 milliards de m3 de l’approvisionnement en gaz russe par gazoduc. Et nous comptons aller bien plus loin.

En parallèle, la Commission multiplie les initiatives pour se procurer du gaz par d’autres fournisseurs. Le 18 juillet, vous vous êtes rendue en Azerbaïdjan pour conclure de nouveaux accords. Les pays qui sont capables de venir au secours de l’UE ne sont pas toujours à qualifier de « démocraties modèles ». Comment, donc, défendre ces contrats négociés avec des régimes qui ne respectent pas forcément les valeurs européennes?

L’Azerbaïdjan est un partenaire énergétique important pour l’Union européenne et notre coopération s’intensifie.  Notre nouvel accord sur l’énergie vise non seulement à doubler les livraisons de gaz du pays vers l’Europe, mais jette aussi les bases d’un partenariat à long terme sur l’efficacité énergétique et les énergies propres. Nous négocions, en parallèle, un nouvel accord global de coopération et de partenariat, qui met au cœur de notre relation le dialogue politique sur le respect des droits de l’homme et de l’État de droit. Cet accord soutiendra également les efforts déployés par l’Azerbaïdjan pour diversifier son économie, instaurer un climat sain pour les entreprises et les investissements étrangers. Comme je l’ai dit lors de ma visite à Bakou, pour exploiter pleinement le potentiel de l’Azerbaïdjan, il est important de créer les conditions propices à la confiance des investisseurs. Cela implique une plus grande participation de la société civile et des médias libres et indépendants.

«La Russie utilise l’énergie et les denrées alimentaires comme des armes dans ce conflit qu’elle a créé», martèle Ursula von der Leyen. Photos : union européenne/dati bendo

En marge du sommet européen des 23 et 24 juin, le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, a lancé la proposition de permettre à la Commission d’effectuer des achats groupés de gaz, selon le modèle qui a déjà prévalu pour l’acquisition des vaccins anticovid. Cette idée a-t-elle entretemps été creusée?

Au cours des deux derniers mois seulement, nous avons signé deux nouveaux accords énergétiques – l’un avec l’Égypte et Israël et l’autre avec l’Azerbaïdjan. Cela montre l’appétit et l’enthousiasme du monde à s’associer à nous. Et cela montre également la valeur ajoutée de la négociation conjointe, au niveau européen. C’est pourquoi, effectivement, nous avons mis en place une « plateforme énergie » pour négocier ensemble nos contrats d’énergie. Elle nous permettra de travailler avec de nouveaux fournisseurs de gaz au niveau international. Et parce que nous allons mutualiser nos ressources et utiliser notre pouvoir de négociation collective, nous pourrons négocier de bons prix pour les consommateurs européens.

Jusqu’à présent, les sanctions prises contre Moscou semblent davantage nourrir la flambée des prix dans l’UE que nuire à la machinerie de guerre russe. N’existe-t-il pas un risque de voir diminuer, au fil des hausses de prix – citons l’énergie et l’alimentation – la solidarité des citoyens européens avec l’Ukraine?

La flambée des prix et de l’alimentation n’a qu’un seul responsable : Moscou. La Russie utilise l’énergie et les denrées alimentaires comme des armes dans ce conflit qu’elle a créé. Nos sanctions européennes, coordonnées avec 40 pays, touchent les nerfs de l’économie russe. En mai dernier, la production de voitures en Russie a baissé d’environ 90 % par rapport à 2021. Des entreprises se sont retirées de Russie, ne voulant pas que leurs marques soient associées à un régime meurtrier. Les sanctions empêchent également l’économie russe de se moderniser. Car elle n’a d’autre choix que d’importer de nombreux produits à haute valeur ajoutée qu’elle ne fabrique pas. Pour toutes les technologies avancées, la Russie dépend à 45 % de l’Europe et à 21 % des États-Unis. Son économie va donc devenir de plus en plus stagnante et isolée. Et il y a une semaine, nous avons adopté un nouveau paquet de mesures visant à durcir les sanctions, en les appliquant plus efficacement et en les prolongeant jusqu’en janvier 2023. Elles drainent les ressources du Kremlin pour financer sa guerre. Parce que cela reste clair pour nous tous : la Russie, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, a violé de manière flagrante le droit international en déclenchant cette guerre brutale.

La flambée des prix et de l’alimentation n’a qu’un seul responsable : Moscou

L’Union européenne est et restera fermement aux côtés de l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra. Soutenir l’Ukraine dans son aspiration à être un pays libre, indépendant et souverain est l’une des causes les plus nobles que nous ayons à défendre en tant qu’Union. Et il est dans l’intérêt stratégique de l’UE, car notre sécurité et notre prospérité reposent sur un ordre international fondé sur des règles, où aucun pays ne peut redessiner les frontières par la force.

Toujours dans le domaine de l’énergie, le Parlement européen a validé début juillet la proposition de la Commission de classer l’énergie nucléaire et le gaz naturel comme investissements durables. Le Luxembourg a annoncé, sans tarder, saisir la Cour de justice de l’UE. Ne partagez-vous pas la crainte que la décision controversée sur la taxonomie envoie le mauvais signal au moment où le virage énergétique de l’UE peine à être engagé?

Cette proposition de classification, adoptée par le Parlement européen, montre notre approche pragmatique pour aider de nombreux États membres sur la voie de la transition. Nous avons mis le cap sur la neutralité climatique d’ici 2050. C’est notre devoir, objectif et moral. Nous en avons aussi fait une obligation légale. Mais les pays européens ne partent pas tous du même endroit. Certains sont encore dépendants de sources d’énergie à forte émission de carbone. C’est pour eux que nous avons inclus le gaz et le nucléaire dans la taxonomie en tant qu’activités transitoires. Nous reconnaissons que, dans un nombre limité de circonstances et sous des conditions strictes, des investissements ciblés dans ces deux secteurs sont encore nécessaires à moyen terme. Et qu’ils peuvent agir comme des tremplins dans la transition vers des énergies plus vertes. La taxonomie des gazoducs exige qu’ils soient prêts pour l’hydrogène d’ici 2035.

Repères

État civil. Ursula von der Leyen est née le 8 octobre 1958 à Ixelles. Fille de l’ancien ministre-président de Basse-Saxe, Ernst Albrecht, elle est mariée au professeur de médecine Heiko von der Leyen, avec qui elle a eu sept enfants. Elle a passé son enfance en Belgique, et a grandi bilingue, parlant allemand et français.

Études. Après ses études secondaires, bouclées en 1976 en Allemagne, elle se lance dans des études de sciences économiques aux universités de Göttingen et Münster. En 1980, Ursula von der Leyen entreprend des études en médecine à l’université d’Hanovre.

Profession. Au bout de sept ans d’études, elle devient en 1988 médecin assistant à la maternité de l’université d’Hanovre. Après un crochet académique à l’université de Stanford (cursus en économie), Ursula von der Leyen revient en Allemagne où elle se lance dans la recherche.

Ministre. Elle est membre de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU) depuis 1990. Après avoir occupé différents mandats locaux et régionaux, Urusla von der Leyen devient, en 2004, une première fois ministre dans le gouvernement de Basse-Saxe. En septembre 2005, elle intègre le gouvernement fédéral emmené par la chancelière Angela Merkel. Ursula von der Leyen va notamment assumer, jusqu’en 2019, les fonctions de ministre de la Famille, du Travail et de la Défense.

Présidente. À la surprise générale, Ursula von der Leyen est nommée en juillet 2019 comme nouvelle présidente de la Commission européenne, succédant au Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, qui a assumé la présidence de 2014 à 2019. Au collège des commissaires, le Grand-Duché est représenté depuis 2019 par Nicolas Schmit.

Un commentaire

  1. Que de sottises dans les propos de la plus nulle des présidents de la commission depuis la création de L’UE. L’inflation avait commencé bien avant l’opération militaire russe en Ukraine.
    Par ailleurs, les « sanctions » contre la Russie se révèlent des sanctions essentiellement contre l’UE elle-même avec les USA comme seul bénéficiaire (GNL). Une stupidité rare car il n’y a personne à Bruxelles capable de réfléchir plus loin que la moitié du bout de son nez.
    « Gouverner, c’est prévoir ». Or prévoir est justement ce dont ces buraucrtes sont incapables de faire.
    Quels sont les victimes de ces erreurs? Evidemment, pas ceux qui les font, bien au chaud et bien payé pour un travail négatif. Mais le citoyen normal qui va tout payer plus cher et voir son niveau de vie baisser au fil des mois.
    Et dire que ces gens-là ne sont même pas élus!

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