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Une année sur la Moselle, épisode 2


Nicolas (à g.) et Mathieu Schmit au milieu de leurs vignes certifiées bios. ( Photo : Mélanie Maps pour Yermat)

Une récolte plus que satisfaisante, un domaine ambitieux qui s’étend sur le plus grand terroir du pays, des sommeliers étrangers fans des vins luxembourgeois et un projet de bouteilles consignées qui intriguent… voilà quatre autres sujets dont la Moselle a beaucoup parlé en 2022.

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Une année sur la Moselle, épisode 1

🍷 Près de 90 000 hectolitres pour toute la Moselle

En 2022, les vignerons luxembourgeois auront produit environ 90 000 hectolitres de vins. C’est un peu moins que la moyenne (99 000 hectolitres) par an, mais il ne faut pas vraiment se fier à cette indication. D’une part les vignerons recherchent désormais la plus grande qualité, ce qui induit des rendements à la baisse. Hormis une année exceptionnellement bonne comme 2018, une grosse récolte n’est donc pas forcément corrélée avec la qualité du millésime.

Et d’autre part, alors que le contexte économique est aussi difficile qu’imprévisible, les vignerons ne risquent pas de se retrouver avec de nombreuses bouteilles sur les bras puisque 90 000 hectolitres, c’est à peu près la quantité de vins luxembourgeois vendus chaque année. Il n’y aura donc pas de risque de surproduction.

L’essentiel est plutôt que la qualité des moûts a été excellente. Cette année a sans précipitation a livré des petits raisins, certes, mais parfaitement sains ce qui est le plus important. Les vignerons ont même été surpris en constatant le niveau des cuves, il s’attendait à avoir moins de jus.

À l’image de Jeff Konsbruck (Winery Jeff Konsbruck, à Ahn), les vignerons ont eu le plaisir de ramener de très beaux raisins en cave. Photo : Erwan Nonet

⛰ Le Clos des Rochers arrive sur la Koeppchen

La Koeppchen, à Wormeldange, est le terroir le plus réputé du pays. Un statut qu’elle détient depuis très longtemps grâce à une géologie et une exposition idéales pour la culture du riesling. La chapelle Saint-Donat et ses coteaux qui tombent abruptement vers Wormeldange et la Moselle figurent parmi les paysages les plus photographiés du pays.

L’acquisition par le domaine Clos des Rochers d’une belle surface ici n’est donc pas anecdotique. À l’échelle de la Moselle, il s’agit même d’un évènement. Propriété de la famille Clasen, qui dirige également les Caves Bernard-Massard, le Clos des Rochers livre parmi les meilleures bouteilles du pays.

Jusqu’à présent, il était surtout ancré à Grevenmacher (même si son riesling Ahn Palmberg est un must). Son berceau se trouve même sur le Grevenmacher Fels (les vignes situées à l’entrée sud de la ville) dont il est le grand spécialiste. Le domaine ne travaille que sur les meilleurs terroirs et ses crémants et vins tranquilles sont le fruit d’un vrai travail de précision.

Antoine Clasen et sa famille ont repris environ 7 hectares de vignes autour de Wormeldange. Photo : Erwan Nonet

L’opportunité d’acheter ces parcelles (et d’autres autour de Wormeldange, pour un total de près de 7 hectares) est venue de la mise en retrait du domaine Mathes. Sur la Koeppchen, il s’agit de 1,8 hectare, dont la majeure partie a été plantée en 2011. Elles se trouvent en haut de coteau, presque d’un seul tenant, le long de la Moselle sur une exposition est/sud-est.

Une autre parcelle se trouve sous la chapelle, orientée plein sud. En inscrivant la Koeppchen sur son livre de cave dès 2022, le Clos des Rochers élargit encore un peu son catalogue des meilleurs terroirs du pays. Grâce à son savoir-faire reconnu, il va installer davantage sa réputation de grands producteurs de rieslings luxembourgeois.

Cette transaction ne signifie toutefois pas que le domaine Mathes va disparaître. Il va poursuivre la commercialisation des vins qui sont prêts à la vente et va poursuivre la vinification des millésimes 2020 et 2021. Alfons Berweiler, le maître de chai, reste donc en place. Paule Mathes et Jean-Paul Hoffmann se sont également entendus avec Antoine Clasen pour proposer prochainement une gamme exclusive de crémants sous leur nom, mais produite en collaboration avec Bernard-Massar

Le retour des sommeliers

L’épreuve avait disparu en 2019, faute de candidats, puis le covid l’avait lui a mis la tête sous l’eau. Enfin, une édition du Concours du meilleur sommelier du Luxembourg a pu avoir lieu cette année. L’association luxembourgeoise des sommeliers a profité du cadre d’Expogast pour organiser un évènement qui a eu lieu dans l’espace des Vins et Crémants du Luxembourg.

Huit sommeliers se sont inscrits au concours et ont dû répondre à un questionnaire corsé en matinée. Les trois qui ont obtenu les meilleurs résultats ont pu participer à la finale, disputée l’après-midi. Si l’on retrouvait un habitué en la personne de Zoran Matic (qui dirige le département Vin du distributeur Ruppert, à Niederdonven), on appréciait également la présence de deux nouvelles têtes autour de lui : Grégory Mio (chef-sommelier du Place d’Armes, à Luxembourg, et donc aussi du Plëss et du Café de Paris qui font partie du même groupe) et son épouse Jun Ruan (sommelière à La Provençale). Ceux-ci ne sont arrivés qu’en mars 2022 au Grand-Duché après des expériences dans le Bordelais et le Cognaçais essentiellement.

Eh bien c’est Gregory Mio qui a enlevé la palme, devant Zoran Matic et Jun Ruan. Les vignerons luxembourgeois ont déjà beaucoup apprécié l’implication du sommelier français qui s’intéresse avec sincérité au vignoble local. Gregory Mio a déjà visité beaucoup de domaines et développe la carte des vins de ses établissements avec un nombre croissant de vins luxembourgeois.

«C’est important parce qu’ils le méritent, souligne-t-il. Mais aussi parce que beaucoup de touristes qui passent en Ville souhaitent découvrir les vins de la Moselle.» Alors que les vins luxembourgeois n’ont souvent droit qu’à la portion congrue des cartes des vins, un tel engagement ne peut être qu’applaudi !

Gregory Mio est le nouveau meilleur sommelier du Luxembourg. Une arrivée au pays fracassante ! Photo : Julien Garroy

🍾 Bientôt des bouteilles de vin consignées ?

Le 27 avril 2022, la Chambre a voté le paquet de loi « Économie circulaire », dans lequel il est question — parmi tant d’autres choses — d’instaurer des consignes allant de 10 centimes à 1 euro sur tous les emballages de boissons. L’allusion est rapide, mais l’air de rien, une telle orientation modifiera profondément le quotidien des consommateurs, des distributeurs et des producteurs.

Si réduire au maximum les déchets et optimiser leur reconditionnement pour économiser les ressources est une préoccupation absolument bienvenue, elle laisse le secteur un peu sceptique. Les bouteilles consignées doivent être plus solides et donc plus lourdes (ce qui accroit leur bilan carbone), plus aucun circuit pour le reconditionnement des bouteilles en verre consigné n’existe au Luxembourg, faudra-t-il uniformiser les formes… que faire des bouteilles de crémant, qui support 6 bars de pression et qui éclate à la moindre imperfection du verre… les questions sont foisons et les vignerons pas (encore) vraiment convaincus. , les questions que cette révolution entrainera laissent pour l’instant le secteur sceptique.

De toute évidence, un retour aux consignes semble inimaginable à court terme, d’autant que la loi est encore très vague et que la Moselle (les producteurs, mais aussi l’Institut viti-vinicole de Remich, l’antenne du ministère de l’Agriculture) n’a été que très peu consultée sur cette problématique.

Fatalement, cette mesure entrainerait un coût important pour les entreprises du pays. La mise en place de l’infrastructure nécessaire (stockage, transport, nettoyage) a été évaluée en 2019 par la Chambre de Commerce à 11,5 millions d’euros. Selon la même étude, les frais de fonctionnement s’élèveraient à 4 millions chaque année.

Les bouteilles consignées n’arriveront pas tout de suite, il y a encore beaucoup de choses à préciser. Photo : Adobe Stock

Et puis, cette loi s’imposera à toutes les boissons vendues au Grand-Duché, or peu de pays en importent autant que le nôtre. La situation géographique du Luxembourg, au cœur de la Grande Région, implique également des comportements d’achats particuliers. Beaucoup de frontaliers et de voisins viennent faire leurs achats dans les supermarchés luxembourgeois.

Accepteront-ils le concept des consignes, qui implique aussi de payer plus cher ? Puisque, dans la loi, rien n’est dit sur les modalités d’application ou le calendrier d’exécution d’une telle décision, personne ne s’affole… Mais tout le monde surveille.

Le député écologiste François Benoy, rapporteur de la loi, se voulait rassurant : «la loi n’indique pas de délai, elle pose juste le cadre légal. Le ministère va continuer à travailler sur le sujet et tout sera fixé par de futurs règlements grand-ducaux. Il n’est pas question de concrétiser cela à court terme. Nous visons le moyen-terme.»

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