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Un dealer présumé face aux juges : «Un enterrement sous stupéfiants»


Kenneth est suspecté d’avoir vendu de la drogue dans le quartier de la gare, à Luxembourg.

Si Kenneth était en possession de drogue, c’était pour célébrer son frère décédé. Un argument qui passe difficilement auprès des juges pourtant habitués aux explications farfelues.

«Des toxicomanes qui se pressent autour de quelqu’un comme des abeilles autour d’un pot de miel, c’est un indice sérieux», note le président de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, hier après-midi. Kenneth, 42 ans, est suspecté d’avoir vendu des stupéfiants dans le quartier de la gare, à Luxembourg. Le prévenu nie. Le 29 juillet dernier, des policiers qui patrouillaient en voiture ont repéré le Béninois au comportement suspect dans la rue de Strasbourg, à Luxembourg, à proximité d’un café.

«Quand on arrivait dans sa direction, il partait dans la direction opposée à la nôtre. Il était nerveux. Il avait une cicatrice au visage et portait un chapeau de pêcheur», témoigne un inspecteur présent ce jour-là. «Il partait à la pêche aux clients», commente le président. «À chaque fois qu’on repassait dans la rue, il changeait de direction.»

Plus tard, les policiers recroisent le dealer présumé à la porte d’un établissement devant lequel des toxicomanes connus des forces de police se sont agglutinés. Ils décident de procéder à un contrôle des lieux pour pouvoir contrôler l’identité de l’homme par la même occasion. Un toxicomane avait dénoncé Kenneth plus tôt dans l’après-midi. L’homme leur a présenté un permis de séjour français expiré.

«En chemin vers le commissariat de police, il ne parlait pas vraiment. Il marmonnait. Il n’ouvrait pas la bouche et il déglutissait», rapporte le policier. Il avait avalé trois petites boules de cocaïne et trois plus grosses. «Je les avais achetées pour mon usage personnel pour les consommer avec quelques amis», explique Kenneth.

«Et vous les gardiez en bouche ?», s’étonne le président. «Je pensais que c’était la meilleure manière de les conserver. Je ne savais pas que c’était dangereux», tente le prévenu en affichant un air naïf. «Regardez, il rit lui-même de ses histoires!», remarque le magistrat goguenard. «Si vous les aviez conservées en main, cela vous aurait évité de passer des heures dans les toilettes du centre hospitalier de Luxembourg aux frais du contribuable pour les expulser.»

«Pas de preuve de vente»

L’ambiance de l’audience est houleuse. Le président joue au chat et à la souris avec le prévenu. À la barre, Kenneth garde son calme et donne sa version des faits. Il indique que son frère venait de décéder et que la drogue devait servir lors d’une cérémonie en sa mémoire. «Un enterrement sous stupéfiants?», s’amuse le président avant de s’adresser à l’avocat du jeune homme :

«Me Says, je suppose que vous n’avez pas de certificat de décès.» L’avocat confirme qu’il n’en a pas. Le dealer présumé semble avoir réponse à tout. Même à la raison pour laquelle il était en possession d’une tablette numérique qui ne lui appartenait pas au moment de son arrestation. Elle aurait été volée la veille. «Un ami l’avait oubliée sur la table d’un café. Je l’ai emportée pour que personne ne la lui vole», répond le prévenu. «Il a fui devant la police?», interroge le président.

Ce sera sa dernière question au prévenu. Le procureur a requis une peine de 18 mois de prison avec sursis à son encontre. Il estime que le prévenu a bien vendu des stupéfiants, en a détenu pour l’usage d’autrui et s’est rendu coupable de blanchiment du produit de la vente. Pour Me Éric Says, l’avocat de Kenneth, il n’y a pas eu de vente de stupéfiants de la part de son client.

«Nous n’avons aucune déposition de toxicomanes en témoignant. Les policiers n’ont pas non plus observé de remise de sa part à quiconque et il n’y a pas eu de stupéfiants saisis sur les clients présents au café», avance l’avocat pour défendre son client.

Pour lui, la peine requise par le représentant du parquet est disproportionnée, c’est «trop cher payé». «Six boules, cela ne vaut pas plus que les trois mois qu’il a passés en détention préventive», estime Me Says qui rappelle que le casier judiciaire de Kenneth est vierge. «Il n’a pas commis de nouvelles infractions depuis», ajoute-t-il avant de prier le tribunal de ne pas prononcer de peine excédant la durée de son séjour en détention préventive ou de l’assortir du sursis intégral.

Me Says a également réclamé la restitution des deux smartphones – «dont l’exploitation par la police n’a rien donné» – et de l’argent trouvé sur le prévenu le jour de son interpellation. Quant à la tablette numérique, l’avocat dit croire son client.

Le prononcé est fixé au 9 février prochain.

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