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Un caméléon dans un incendie mortel


L’incendiaire présumé a quitté l’appartement en proie aux flammes sans prévenir les secours. (Photo : archives lq/julien garroy)

Des bougies ont incendié un appartement de Senningerberg en décembre 2019, tuant un des occupants. À moins que ce n’ait été un des convives habitué à allumer le feu pour éteindre sa frustration.

Brendan Lee est-il responsable du décès de l’occupant de l’appartement de Senningerberg auquel il a mis le feu ? Le 26 décembre 2019, vers 4 h, un voisin prévient les secours après avoir entendu une explosion dans un immeuble à appartements de la rue du Golf.

Les pompiers ont trouvé la victime présumée couchée inanimée près de la porte d’entrée. L’homme de 60 ans décèdera le lendemain des suites d’une intoxication au monoxyde de carbone.

Brendan Lee avait quitté les lieux sans se retourner, emportant au passage un smartphone. Le déroulement concret des faits reste complexe à déterminer : était-ce un accident, le geste était-il prémédité ou le prévenu a-t-il agi sur une impulsion?

Pour répondre à cette question, la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg va devoir percer le mystère du fonctionnement de la personnalité du jeune homme de 26 ans. Une personnalité déroutante, même pour l’expert psychiatre nommé par le parquet.

Brendan Lee a été placé en foyer dès l’âge de 8 ans. Notamment parce qu’il a été abusé sexuellement par son père, note le médecin. Jusqu’à sa majorité, il fera de nombreux séjours dans des institutions psychiatriques pour mineurs en Allemagne avant d’alterner entre vie dans la rue et au Centre hospitalier neuro-psychiatrique d’Ettelbruck. Le jeune homme ne présentait pas de maladie mentale particulière, selon l’expert psychiatre, mais il aurait été jugé dangereux pour lui-même et les autres en raison, entre autres, de ses nombreuses tentatives de suicide.

L’expert décrit une «personnalité émotionnellement labile de type impulsive et borderline». S’il juge Brendan Lee «responsable de ses actes», il écarte l’hypothèse de la préméditation pourtant avancée par le prévenu lui-même qui aurait dit avoir voulu se débarrasser de la victime parce qu’on lui aurait dit qu’elle était pédophile.

Cette thèse, qui entraînerait la peine la plus lourde, «est incompatible avec mon diagnostic». Le jeune homme «a un faible seuil de tolérance envers la frustration» et «y répond par réflexe souvent par une mise à feu», oppose l’expert. La vie du prévenu ou le peu qu’il arrive à retracer, est guidée par une pulsion inconsciente de répétition, explique le psychiatre qui exclut toute stratégie de sa part.

Impulsif, pas pyromane

Le jeune homme n’en serait pas à son coup d’essai en matière d’incendie. Ce qui ne ferait pas de lui un pyromane pour autant. Quant au fait d’avoir quitté l’appartement en feu sans se soucier de son logeur et de ne pas prévenir les secours, le médecin avance que cela relève davantage de sa personnalité antisociale que d’une réaction de panique.

Les éléments de l’enquête tendent à prouver que le feu n’aurait pas pris par accident : la victime présumée présentait une blessure à la tête et Brendan Lee possédait une matraque, des images de vidéosurveillance le montrent calme alors que sa victime est la proie des flammes, l’étude de son smartphone a montré qu’il avait écouté Hallelujah de Léonard Coen avant de partir dans le nord du pays dans la nuit et Brendan Lee a été filmé le lendemain par des caméras de vidéosurveillance aux abords du Centre hospitalier de Luxembourg se cachant à l’approche de gyrophares bleus.

Le comportement de Brendan Lee interpelle, mais rien ne permet pourtant de confirmer ou d’infirmer formellement qu’il ait voulu éliminer sa victime. Un médecin légiste a écarté la possibilité du coup porté avec la matraque pour étourdir la victime présumée et le prévenu change de version, reconnaissant tour à tour les faits, les niant ou plaidant l’accident.

Une bougie allumée dans la chambre à coucher, sur une commode, serait tombée et aurait enflammé des vêtements à ses pieds ou dans un tiroir. Le jeune homme aurait, dans une de ses versions, paniqué et quitté les lieux alors que sa victime présumée dormait sur le canapé du salon.

À la barre mardi matin, Brendan Lee a indiqué «je n’avais pas de raison de lui faire du mal» et a expliqué être allé «aux WC me préparer un shoot de cocaïne et d’héroïne et quand je suis sorti, cela brûlait déjà un peu».

Une version inédite, selon la présidente de la chambre criminelle, de la part de celui que l’expert psychiatre n’hésite pas à présenter comme «un caméléon». Non pas que le prévenu fasse preuve d’une capacité consciente d’adaptation, mais plutôt qu’il agit guidé par un réflexe induit pour «sauver sa peau» dans un moment donné.

Dans ce dossier, les preuves matérielles sont rares. Les faits se sont produits en huis clos entre la victime qui logeait Brendan Lee pour les fêtes. Le jeune homme est suspecté de vol, de non-assistance à personne en danger, de coups et blessures volontaires, ainsi que d’incendie involontaire et volontaire. Si le tribunal décide d’écarter la thèse de l’accident et de retenir la préméditation, le prévenu risque une condamnation pour homicide volontaire ou assassinat.

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