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Une piétonne renversée par un bus : une question de priorité


Un chauffeur de bus n’est pas parvenu à éviter une jeune femme qui traversait la route sur un passage pour piétons. (Photo : archives lq/didier sylvestre)

Les piétons sont prioritaires sur les passages pour piétons. José n’a pas réussi à éviter de percuter une jeune femme avec son bus. Elle aurait surgi de nulle part sans prévenir.

Le 7 janvier 2020, peu avant 13 h, une jeune femme a été renversée sur un passage pour piétons par un autobus dans la rue Bender à Luxembourg. À qui la faute? José, le conducteur du bus, affirme «ne rien avoir pu faire pour l’éviter» et un témoin présent à l’audience estime «ne pas savoir qui n’a pas été assez vigilant» du chauffeur ou de la jeune femme.

«J’ai vu l’accident arriver avant qu’il ne se produise», a indiqué le témoin à la barre de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Le bus arrivait doucement. La jeune femme était absorbée par un smartphone ou quelque chose qu’elle tenait en main. Elle aurait pu éviter l’accident si elle avait été attentive.» La victime présumée aurait surgi devant le bus. Version que ses avocats ont mise en doute, arguant que le témoin était, lui aussi, chauffeur de bus et «pourrait avoir des sympathies pour le prévenu» même s’ils ne sont pas collègues.

«Je n’ai pas pu faire mieux»

José, aujourd’hui retraité, assure avoir toujours conduit son bus prudemment et ne jamais avoir eu d’accident de la route. Il prétend que la victime présumée a déboulé «d’un coup, comme ça» devant son bus qui «était déjà engagé sur le passage pour piétons. Si elle avait été plus engagée sur la chaussée, je l’aurais percutée avec l’avant du bus.» Or aucune trace n’a été trouvée permettant de déterminer quelle partie du véhicule a touché la victime présumée. Le prévenu explique avoir tiré le bus vers la gauche pour éviter de la toucher davantage. «Je n’ai pas pu faire mieux», regrette le petit homme contrit. Assise dans la salle, la victime ne prend pas part aux débats et se repose entièrement sur ses avocats.

Il s’est ensuivi un long débat sur l’endroit où se situait le bus après avoir freiné, la vitesse à laquelle il circulait – lentement, s’était arrêté à un arrêt à une cinquantaine de mètres –, la possibilité d’un angle mort ou encore la distance parcourue par la victime présumée sur le passage pour piétons depuis le trottoir au moment de l’impact.

Un accident évitable?

Le code de la route stipule que sur un passage pour piétons, le piéton a la priorité sur tout autre véhicule. En théorie, mais dans un cas pratique comme celui de cet accident chaque centimètre et chaque seconde comptent. Or, en l’absence de localisation précise des deux acteurs au moment de l’impact, le représentant du parquet a décidé «de partir du principe que la priorité de passage n’a pas été respectée» et que des blessures en résultent. L’infraction de coups et blessures involontaires serait donc à retenir dans le chef du prévenu. Cependant, en raison du comportement approprié de ce dernier et du fait que «chaque jour, il prouve qu’il est un conducteur responsable», le magistrat n’a pas jugé utile de requérir une interdiction de conduire à son encontre. Il s’est limité à une amende.

Un réquisitoire qui convient à l’avocat du prévenu qui a plaidé en faveur de son acquittement. Il a dénoncé le comportement de la victime qui aurait, selon lui, surgi face au bus de manière imprévisible et sans marquer son intention de traverser la chaussée. Il a, lui aussi, cité le code de la route pour avancer qu’une voiture doit pouvoir s’arrêter pour éviter un obstacle dans les limites du champ de vision vers l’avant de son conducteur. Enfin, l’avocat a évoqué le principe de dualité de la faute et demandé au tribunal de se diriger vers une suspension du prononcé à l’égard de l’ancien conducteur de bus.

«Quand on vous écoute, on a l’impression que ma cliente est la fautive»

Il a ensuite contesté les demandes des parties civiles. La jeune femme se plaint de vertiges depuis l’accident ainsi que d’avoir gardé des cicatrices sur une main. De plus, son employeur a demandé réparation pour les pertes financières qui seraient dues aux arrêts maladie posés par la victime présumée depuis l’accident en raison des vertiges. L’avocat de José s’est dit «étonné» par cette dernière en particulier. Quant à la demande de réparation de la jeune femme, il précise que «les examens ORL étaient normaux au départ» et que le médecin qui l’avait examinée juste après les faits n’avait constaté que des éraflures et un coup à la tête.

«Quand on vous écoute, on a l’impression que ma cliente est la fautive», a répondu l’avocat de la victime présumée. «Si le témoin a dit qu’il avait vu venir l’accident, c’est donc qu’il aurait pu être évité.»

Le prononcé est fixé au 23 février.

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