Accueil | A la Une | Tags injurieux à Luxembourg : l’état mental du prévenu pose problème

Tags injurieux à Luxembourg : l’état mental du prévenu pose problème


Alain Kinsch est l’une des personnalités visées par les tags injurieux. Il s’est porté partie civile et a réclamé l’euro symbolique. (photo archives LQ)

Le prévenu était-il en possession de ses moyens quand il a recouvert les murs de la capitale de tags insultants ? L’expert psychiatre ne peut se prononcer. La défense dégaine l’article 71.

Pierre a été pris les mains dans le pot de confiture. Elles étaient encore rouges de la peinture qu’il avait utilisée pour taguer les murs quand les policiers l’ont appréhendé. Deux nuits durant, fin janvier 2020, cet ancien avocat a, pour une raison qui échappe à l’entendement des enquêteurs, associé les noms de diverses personnalités luxembourgeoises au nazisme et à la prostitution un peu partout dans Luxembourg. Lundi après-midi, il n’avait pas jugé utile de venir s’en expliquer à la barre de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour éclairer le tribunal.

Vingt-sept personnes et entreprises ont porté plainte auprès de la police à la suite de ces dégradations et les services de la Ville de Luxembourg se sont démenés pour effacer rapidement les objets du délit. Leurs propos étant plus problématiques que les graffitis eux-mêmes. Ce n’était que la partie immergée de l’iceberg. Le quadragénaire a déposé des livres sur le nazisme annotés de sa main à la Chambre des députés, à la Ville de Luxembourg, ainsi que chez Ernst & Young, dont Alain Kinsch – une des personnalités visées – était à l’époque Country Managing Partner. Cet évènement avait fini de convaincre les policiers que Pierre était lié aux graffitis.

La peinture rouge sur ses mains et sur un bonnet retrouvé à son domicile ainsi que l’écriture des graffitis qui correspond à celle d’une lettre signée de son nom constituent des indices flagrants. Pourtant, Pierre nie les faits. Son comportement inquiète les policiers. «Il vivait dans une seule pièce d’un appartement vétuste et toutes les portes étaient équipées de cadenas sophistiqués», a indiqué un policier à la barre lundi après-midi. «Il se disait poursuivi par une secte nazie et prétendait avoir une puce électronique implantée dans une dent.» Pierre a également fait référence à l’ordre sacré et militaire constantinien de Saint-Georges et indiqué que le saint viendrait le tuer s’il parlait.

L’expert face à un casse-tête

L’état psychique de Pierre interpelle. Même l’expert neuro-psychiatre nommé par le parquet a botté en touche. «Je ne peux pas établir de diagnostic correct ni juger de la dangerosité de quelqu’un qui ne communique pas et n’explique rien», s’est excusé l’expert. «J’ai peur de spéculer.» Il a cependant reconnu pencher davantage pour une altération du discernement du prévenu au moment des faits due à un trouble paranoïaque que pour une abolition complète due à de la schizophrénie, par exemple. Me Fürst, qui défend Pierre, a demandé au tribunal de procéder à une expertise complémentaire. «On ne peut pas parler avec lui des faits. Il est totalement délirant. Cet homme est malade», martèle-t-il, annonçant par la même occasion la couleur. Il espère que le prévenu sera déclaré irresponsable et échappera à une condamnation.

«Comment expliquer un tel passage à l’acte de la part d’un homme de 40 ans élevé dans un cadre familial normal par deux intellectuels, qui a étudié le droit et exercé pendant quinze ans ? La maladie est la seule explication», estime Me Fürst avant de plaider en faveur de l’application des articles 71 et 71-1 du code pénal. «Il serait profondément injuste de ne pas prendre en compte cette maladie.» L’avocat souhaite que le tribunal puisse toiser l’affaire à l’exclusion de tout doute. Mais si toutefois il devait aller sur la voie d’une condamnation, qu’elle soit la plus légère possible en appliquant «des circonstances très atténuantes» et pourquoi pas en se prononçant pour une suspension du prononcé.

«Pour que la première expertise ait pu avoir lieu, le prévenu a dû être incarcéré», a répliqué la représentante du ministère public avant de demander au tribunal de déclarer la demande de l’avocat «nulle et non avenue». «Il n’est pas venu à l’audience. Je doute qu’il se présente à une nouvelle expertise.» Quelques minutes plus tôt, elle avait requis une peine de 12 mois de prison et diverses amendes à l’encontre de Pierre, l’estimant responsable de ses actes et coupable de menaces de mort, d’incitation à la haine, d’injures et de calomnie.

La magistrate a rappelé que les 24, 25 et 26 novembre 2019, le prévenu avait envoyé un courrier au parquet, à la Chambre des députés et à RTL dans lequel il accusait l’entreprise Karp-Kneip d’escroquerie, de fraude fiscale, de blanchiment et de crime organisé. L’entreprise aurait fait partie «d’une mafia locale».

Le prononcé est fixé au 25 avril prochain.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.