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Susanna, atteinte de sclérose en plaques : «Chaque jour, je choisis la vie»


La jeune femme travaille à temps plein, étudie à distance, s’engage pour les autres et aussi dans la recherche.  (Photo : alain rischard)

Susanna van Tonder vit à cent à l’heure, et ce n’est certainement pas sa sclérose en plaques qui va l’arrêter : entre espoir et jours «sans», elle raconte son quotidien pas comme les autres.

Difficile de suivre Susanna van Tonder : à 34 ans, cette tornade blonde mène une vie bien remplie entre son job de secrétaire, ses études de psychologie, ses nombreux engagements dans l’associatif, son implication dans la recherche scientifique, son amoureux, et ses trois chats. Un quotidien aux antipodes de ce qu’on imagine des personnes atteintes d’une maladie chronique et invalidante comme la sclérose en plaques.

Mais cette hyperactive a décidé que, justement, c’était elle qui décidait : «Chaque jour, je choisis la vie. Ma maladie ne me définit pas : on peut vivre avec, on ne perd pas pour autant sa personnalité», lance-t-elle, comme un mantra, alors que le cheminement fut long pour faire grandir cette force intérieure qui la guide aujourd’hui, sept ans après le jour où sa vie a basculé.

Une première crise en 2015

C’était en 2015. Attablée dans un café, la jeune femme a soudainement la tête qui tourne, et puis, c’est le trou noir.  Lorsqu’elle rouvre les yeux, elle est allongée au sol : «Je ne comprenais pas ce qui se passait, j’avais peur», se souvient-elle. «Des gens étaient penchés sur moi, les secours arrivaient.» Elle apprendra, une fois à l’hôpital, qu’elle vient de faire une grave crise d’épilepsie, et les premiers examens laissent penser à une sclérose en plaques. Un coup de tonnerre : «Je ne connaissais rien de cette maladie, j’avais juste vu un reportage une fois à la télévision», explique-t-elle.

«Les six premiers mois ont été très durs parce que je continuais à travailler, malgré les poussées, et j’avais aussi cette rage au fond de moi, ce profond sentiment d’injustice», confie Susanna. Malgré ses efforts, la maladie est plus forte. En 2018, elle est ainsi contrainte de quitter son emploi de secrétaire dans le secteur financier : «Le stress était trop important. Malgré la bienveillance de mon équipe, j’ai dû privilégier ma santé.» Elle poursuit tout de même son cursus universitaire en psychologie à distance, et passe ses examens avec brio, diminuée par les douleurs.

«Je me disais que je ne pourrais plus jamais travailler»

Car cette période est marquée par de nombreuses crises de spasticité, des raideurs musculaires handicapantes qui empêchent la jeune femme de bouger, jusqu’à ne plus pouvoir s’asseoir. Elle sombre : «Je me disais que je ne pourrais plus jamais travailler, j’envisageais la pension d’invalidité», soupire-t-elle.

En parallèle, Susanna participe à un évènement organisé par la plateforme européenne de la sclérose en plaques (EMSP), dont elle est aujourd’hui membre du comité exécutif, et rencontre des jeunes qui traversent les mêmes épreuves, ce qui lui apporte du réconfort. Elle se rapproche aussi de l’ASBL Multiple Sclérose Lëtzebuerg, et s’y engage activement. Elle en est la vice-présidente depuis peu.

En finir avec les clichés sur le handicap

En 2019, grâce à un traitement lourd – prescrit normalement en chimiothérapie – elle constate une amélioration : les poussées s’espacent enfin, lui permettant de souffler et de prendre du recul sur sa façon de vivre sa maladie. «J’ai réalisé que je ne pouvais pas continuer à avoir peur de ce qui allait peut-être m’arriver. Je me suis dit : tu peux encore marcher, tu peux encore voir! Tu as les ressources pour vivre avec enthousiasme, alors ne reste pas dans la négativité», raconte Susanna. «Ce qui n’empêche pas les moments difficiles, mais je suis bien plus qu’une personne avec la sclérose en plaques.»

Elle se sent à nouveau prête à travailler et se présente pour un poste de secrétaire dans une école. Elle ne cache rien de sa situation, au contraire, elle revendique son statut de personne handicapée : «Être transparente, c’est le seul moyen de faire avancer les choses, de briser les stéréotypes sur le handicap. J’ai décroché le job parce qu’ils n’ont eu aucun doute sur mes compétences», affirme-t-elle fièrement.

Un combat pour l’inclusion qui lui tient à cœur, si bien qu’après trois ans en poste à l’école, Susanna démarrera dès juillet prochain un nouvel emploi, en contact direct avec les personnes handicapées en recherche d’emploi.

Un essai clinique prometteur

Ces derniers mois, la recherche a beaucoup avancé : alors qu’un lien est désormais formellement établi entre la sclérose en plaques et le virus d’Epstein-Barr, ouvrant la voie à de nouveaux traitements, voire à un vaccin, c’est une autre découverte qui intéresse Susanna : un essai clinique, ouvert cette année, qui consiste à évaluer l’efficacité d’un antidiabétique, la metformine, sur les humains, tandis que des tests sur des rats ont démontré que cette molécule pouvait régénérer la myéline endommagée chez les patients atteints de sclérose en plaques.

«C’est mon grand espoir», confie la jeune femme, qui fait partie d’un groupe de travail international composé de patients impliqués dans la recherche médicale. «Contrairement aux traitements qui permettent de freiner ou d’espacer les poussées, et donc de ralentir la progression de la maladie, on parle ici de la soigner.» Les résultats de cet essai, qui va durer trois ans, pourraient ainsi avoir un impact considérable sur la qualité de vie des patients.

Entre 600 et 1 000 patients

La sclérose en plaques est une maladie auto-immune chronique qui atteint le système nerveux central. La gaine de myéline qui entoure les fins prolongements des neurones est attaquée par les cellules immunitaires, provoquant des lésions ou «plaques», dispersées dans le cerveau et la moelle épinière.

D’où une multitude de symptômes, le plus souvent invisibles, allant de la fatigue extrême aux troubles de la sensibilité, de l’équilibre, en passant par la spasticité, les troubles moteurs, de la vue, et bien d’autres.

La maladie est diagnostiquée le plus souvent entre 20 et 40 ans et touche deux à trois fois plus de femmes que d’hommes. Au Luxembourg, on estime ainsi que 600 à 1 000 personnes sont concernées. Et si des traitements permettent d’en freiner l’évolution, elle reste incurable à ce jour.

L’association Multiple Sclérose Lëtzebuerg (MSL) regroupe environ 450 patients et compte plus de 1 400 membres. Elle informe et accompagne les personnes atteintes et leurs proches, tout en sensibilisant le grand public aux défis de cette pathologie. Toute l’année, des activités sont organisées, notamment au centre de jour Um Bill qui offre un encadrement thérapeutique et professionnel, tandis que l’ASBL dispose aussi de logements adaptés.

Vice-présidente de l’ASBL MSL, Susanna s’engage pour sensibiliser le public à cette maladie souvent invisible. Source : extrait vidéo msl

Cette année, à l’occasion de la journée mondiale de la Sclérose en plaques célébrée ce 30 mai, l’ASBL a tourné une série de vidéos mettant en scène des patients du Luxembourg afin de lutter contre le sentiment d’isolement et d’incompréhension qui hante souvent les personnes atteintes. On peut d’ailleurs découvrir, dans l’une de ces séquences publiées sur la chaîne YouTube de MSL, le portrait de Susanna.

Enfin, le comité de la ligue se renouvelle : après onze ans en tant que présidente, Tilly Metz tire sa révérence et passe la main à Mandy Ragni, tandis que Susanna van Tonder assure désormais la vice-présidence, succédant à Jacques Steffen.

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