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Série d’été (3) : Quand Esch fut Venise


Au début des années 2000, un ancien site industriel de l’ARBED est transformé en décor de cinéma à part entière.

Dans le cadre de notre série sur les lieux de tournage, nous vous emmenons dans les coulisses de l’incroyable décor de cinéma implanté aux Terres Rouges, la Venise d’Esch-sur-Alzette.

Il ne devait durer que le temps d’un tournage et finalement il est resté pendant plus de quatre ans. Véritable folie des producteurs de l’époque, le décor de Venise d’Esch-sur-Alzette est un lieu de tournage qui a marqué les esprits et le monde du cinéma.

Pour parler de cette histoire, il faut remonter au début des années 2000 et plus précisément en 2001. Delux Productions, une société de production luxembourgeoise, travaille à l’époque sur le film Secret Passage du cinéaste bosnien Ademir Kenovic. Ce long métrage raconte l’histoire d’une famille juive de Venise qui, en raison de sa religion, se retrouve pourchassée par l’Inquisition. Pour éviter la mort, elle doit trouver dans la cité des Doges un passage secret pour fuir.

Pour les besoins du film, Jimmy de Brabant, producteur de Delux Productions, doit trouver un lieu qui permettra d’accueillir ce tournage. Car, à Venise, il est quasiment impossible de tourner dans les ruelles et sur les ponts de la ville. «C’est très compliqué, car la cité des Doges donne la priorité absolue aux touristes», explique l’ancien producteur. Mais face à cette impasse, il trouve une solution : le Luxembourg. À l’époque, le pays accueille de nombreuses productions américaines et étrangères. Une loi permet, en effet, d’accorder des avantages fiscaux et financiers à ces équipes de tournage.

En quelques mois, plus de 300 ouvriers transforment une ancienne friche industrielle d’Esch-sur-Alzette aux Terres Rouges en une cité des Doges du XVe siècle. Un décor d’une surface de 22 500 mètres carrés sort alors de terre. Les ruelles vénitiennes typiques, les façades emblématiques, les canaux : tout est recréé.

«Au départ, notre idée était de creuser dans la terre pour faire les canaux. Nous n’avons pas pu le faire, car le terrain était pollué et on ne pouvait pas s’occuper de la dépollution», se souvient Jimmy de Brabant. Le producteur utilise alors les anciens bassins d’eau de rétention de l’ARBED pour les canaux. Et, comme à Venise, y flottent de vraies gondoles. «On avait fait venir de vrais gondoliers pour les filmer dans certaines scènes. Ils étaient impressionnés par le décor, eux qui n’avaient jamais quitté Venise de leur vie.»

Le décor de Venise occupait plus de 22 000 mètres carrés. Photo : archives editpress

«Les acteurs impressionnés»

Ce projet de longue haleine et coûteux accueillera, après le tournage de Secret Passage, de nouvelles productions prestigieuses. En 2003, la société de production luxembourgeoise coproduit le film Le Marchand de Venise. Adaptation de la pièce de théâtre éponyme de William Shakespeare, le long métrage narre l’histoire de quatre personnages. L’acteur américain Al Pacino y interprète notamment le rôle de Shylock, un vieil homme juif victime d’antisémitisme.

Si quelques scènes sont tournées à Venise, la plupart sont réalisées à Esch-sur-Alzette. Jean-Claude Schlim, alors directeur de production de Delux Productionsse souvient de l’effervescence de ce tournage. «C’était vraiment quelque chose d’incroyable. Un véritable quartier de Venise avait été recréé. Des acteurs comme Al Pacino étaient vraiment impressionnés par ce plateau de tournage aussi réaliste.»

De ce tournage mémorable, Jean-Claude Schlim a gardé des souvenirs très chaleureux, comme il le confie plus de vingt ans plus tard. «C’était pour moi une vraie fierté de produire ce film et de rencontrer ces acteurs de renom. Pour Al Pacino, je me souviens d’une personne très adorable, malgré son statut. Un jour, le Grand-Duc Henri devait venir visiter le lieu de tournage. Il m’a demandé comment on devait l’aborder. Je lui ai montré le geste de révérence que les gens faisaient à l’époque. La royauté était quelque chose qui impressionnait les Américains.»

L’acteur Al Pacino rencontre le Grand-Duc Henri à l’occasion du tournage du film Le Marchand de Venise. Photo : delux productions

Avant Le Marchand de Venise, une autre équipe de tournage américaine avait posé ses valises à Esch-sur-Alzette en 2002, celle de Girl with a Pearl Earring, La Jeune Fille à la perle en français, avec Scarlett Johansson. L’actrice américaine y interprète le rôle de la célèbre servante qui figure sur le portrait du peintre Vermeer. Jimmy de Brabant coproduisait pour Delux Productions ce film. «Contrairement à Al Pacino, quelqu’un de très concentré et peu abordable pendant le tournage, Scarlett Johansson n’avait pas besoin de beaucoup de préparation. Je me rappelle une scène où elle devait pleurer : à quelques secondes de la faire, elle riait aux éclats.»

Films, courts métrages ou spots publicitaires : le décor de Venise restera implanté à Esch pendant quatre ans et demi. Une exceptionnelle longévité pour un décor de cinéma qui très souvent ne dure que le temps d’un tournage. «Notre but premier n’était pas, au départ, de pérenniser la chose. Ça restait un décor avec du bois et des plaques solides, mais qui à cause des intempéries ne pouvait pas durer extrêmement longtemps. Et finalement, on l’a gardé pendant toutes ces années. C’est toujours incroyable aujourd’hui», raconte Jimmy de Brabant.

Cette «folie» des producteurs de l’époque prendra fin en 2007. Plusieurs mois seront nécessaires pour démonter l’immense structure et faire disparaître l’un des décors les plus ambitieux de l’histoire du cinéma luxembourgeois et européen.

Un commentaire

  1. Je trouve dommage d’avoir démonté un tel décor qui aurait pu trouver une utilité pour les locaux et les touristes.

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