Dans la foulée du succès historique en Bosnie, le président de la FLF, Paul Philipp, a ouvert mercredi la porte à un retour rapide de Gerson Rodrigues ainsi qu’à un dialogue avec Vincent Thill.
À l’échelle de l’histoire du foot luxembourgeois, où situez-vous la victoire de mardi en Bosnie?
Paul Philipp : C’est difficile de comparer ce qui n’est pratiquement pas comparable. Mais c’est une victoire marquante, parce qu’il y a aussi la manière. De mon temps, ça arrivait parfois qu’on gagne, mais c’était avec de la réussite ou sans la manière, ou face à un adversaire qui n’était pas à la hauteur, ce qui n’était certainement pas le cas de la Bosnie. On a gagné la bataille de l’entrejeu, c’était fondamental. Ils n’ont pas existé au milieu, ce qui a facilité la tâche de notre défense contre un Dzeko qui était assez esseulé. Nos deux centraux ont fait un match extraordinaire. On ne va pas citer des joueurs individuellement, mais ça part toujours de quelques leaders, comme « Kiki » Martins ou Leandro Barreiro, qui ont été impériaux. Bien sûr, il y a de la réussite avec les deux piquets (NDLR : les poteaux) et le penalty, mais ça se joue parfois à des détails. Ça reste une victoire à la régulière et c’est le plus important.
Vous attendiez-vous à voir les garçons sortir un match pareil?
Ils m’ont quand même surpris. Ils m’ont souvent étonné, mais là, encore plus, notamment par leur calme. Bien sûr, on marque après quatre minutes, mais derrière, j’ai été surpris par la façon dont ils ont géré ce match, en jouant au football.
Est-ce le genre de victoires où l’on se dit qu’on envoie un petit signal au reste de l’Europe?
Tout à fait. Mais le problème, c’est que le signal commence à arriver de l’autre côté! Quand on est allés en Slovaquie, où on a pris un bon point, mais pas fait un grand match, je ne dis pas que les Slovaques avaient peur, mais ils avaient un respect énorme. Depuis deux ou trois ans, les autres nations savent qu’il ne faut plus prendre le Luxembourg à la légère, et à juste titre. C’est une forme de reconnaissance.
L’Euro? Le seul fait de pouvoir en parler, c’est déjà un succès pour nous
Quand on est troisième après quatre journées, on s’autorise à rêver d’une qualification à l’Euro?
On s’en est donné le droit. On peut toujours rêver, même s’il faut garder les pieds sur terre. Maintenant, si on fait un résultat contre l’Islande en septembre, on sera tout à fait dans la course. Ce sera le match le plus important. La Slovaquie a fait un petit écart, mais le seul fait de pouvoir en parler, c’est déjà un succès pour nous.
Parvenez-vous à rester calme, ou êtes-vous tenté de dire à Luc Holtz : « Va me la chercher, cette qualif!“?
On reste calme. Enfin, on fait semblant (il rit) ! J’essaie de prendre du recul, mais on se rend bien compte que ça va de mieux en mieux. Je vais vous surprendre, mais même le match contre le Liechtenstein m’a rassuré. Dans le passé, on n’aurait pas gagné, le fil se serait cassé, on n’aurait pas eu la patience de jouer, jouer, jouer pour trouver la solution. Vous n’étiez pas là lors du match perdu 0-4 contre le Liechtenstein (le 13 octobre 2004, en éliminatoires du Mondial-2006, avant une défaite 3-0 au retour), et vous avez bien de la chance, mais de temps en temps, il faut savoir s’arrêter et regarder le chemin parcouru, même si eux étaient plus forts à l’époque.
Au sortir d’un enchaînement de trois matches où les productions ont été totalement différentes, et d’un rassemblement pollué par les départs de Gerson Rodrigues et Vincent Thill, quel est le sentiment qui prédomine?
Sachant qu’il n’y aura rien pendant trois mois, c’est très bien de se quitter sur un résultat pareil. Avec un point en Bosnie, j’aurais déjà été plus que satisfait. Mon sentiment, c’est celui du devoir bien accompli, pas seulement pour le résultat, mais aussi pour la façon dont le groupe a fonctionné. On parle toujours de groupe, mais là, pour le coup, c’était vraiment un collectif. Sans ça, tu n’arrives pas à gagner 2-0 en Bosnie. Pour le reste, et je vous remercie de votre patience sur ces sujets, Gerson et Vincent sont deux cas très différents. Gerson a raté des entraînements et le coach a pris une décision. C’est peut-être un avertissement ou un signal du type : « Il y a un cadre avec des règles. Si tu t’y tiens, tu es le bienvenu ». Vincent, il faut voir. C’est à lui, peut-être, de donner quelques explications maintenant.
On a le sentiment qu’il sera plus facile pour Gerson que pour Vincent de réintégrer la sélection, en tout cas à court terme. C’est aussi votre sentiment?
Oui. On ne va pas le cacher, avec Gerson, il y a déjà eu quelques difficultés au niveau des horaires, et je pense qu’il faut avoir une discussion franche avec lui pour lui rappeler les règles. C’est dans son intérêt, et puis, il y a un respect à avoir pour les équipiers. Si l’entraînement commence à 10 h, tout le monde doit être là. C’est élémentaire. Donc je crois que pour Gerson, il n’y a rien d’irrémédiable, certainement pas. J’espère que c’est la même chose pour Vincent, mais je ne connais pas le fin fond de l’histoire. Est-ce la déception de ne pas avoir fait une bonne mi-temps? Ça arrive… si chacun part parce qu’il n’a pas bien joué, dans le temps, on n’aurait vite plus eu d’équipe! C’est peut-être à lui de digérer ça et de faire un pas vers l’entraîneur. Je n’ai pas encore parlé avec lui, l’entraîneur non plus, au contraire de Gerson, que l’entraîneur a eu 45 minutes au téléphone pour lui dire qu’il ne viendrait pas avec nous. Parce que lui (Gerson), il serait venu!
Vous nous aviez dit lundi que vous auriez trois mois, à partir de ce match, pour prendre des décisions au sujet des deux garçons. Qui doit les prendre, ces décisions, vous, ou Luc Holtz?
Concernant Gerson, il en a déjà pris une, c’était le match, et à présent, c’est au coach de parler avec lui, à moins bien sûr qu’il estime avoir besoin de nous pour ça. Vincent, il faut voir, avoir des explications. C’est un garçon assez discret, calme, introverti, ça lui fera peut-être du bien de discuter. J’espère aussi que son entourage va lui dire que ce n’était pas la réaction à avoir, ce serait aussi dans son intérêt. L’avenir nous le dira, mais nous, on ne va pas se réunir la semaine prochaine et dire : « lui, il va être suspendu ».
Je crois que le problème avec Olivier Thill est moins gros qu’il n’en a l’air
Dans votre rôle de président, pouvez-vous envisager de le convoquer pour discuter avec lui?
Bien sûr, mais jamais sans en avertir le coach. Comme entraîneur, j’ai aussi eu des caractères à gérer, mais s’il a envie de discuter, ma porte est bien sûr largement ouverte.
Est-il bien nécessaire, selon vous, de mener une enquête autour de l’éviction d’Olivier Thill, comme cela vous a été demandé par courrier par le joueur?
Je crois que ce problème est moins gros qu’il n’en a l’air. C’est peut-être un problème d’ego, de plusieurs parties, mais je vais aussi parler avec lui. Je l’ai d’ailleurs eu brièvement au téléphone. Mais ça se passera toujours dans la transparence avec le coach, car c’est lui, à la fin, qui doit prendre la responsabilité. Mais bien sûr qu’on va parler.
Sur l’ensemble du rassemblement, et au vu du contexte, comment avez-vous trouvé le groupe au quotidien?
Le groupe vit bien. Il a toujours bien vécu, y compris avec Gerson ou Vincent. Ce qu’ils voulaient surtout, ces deux derniers jours, c’était éviter les discussions pour se concentrer sur l’essentiel. Je ne crois pas qu’il aient gagné spécialement « pour Luc » mardi. Ils ont toujours voulu gagner pour lui. Mais si c’est ça la solution, il faut à chaque fois qu’un joueur arrête avant un match (il rit)!