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Sclérose en plaques : «Les gens pensent que c’est une maladie honteuse»


Depuis 2017, Anne Leurs est la directrice de l’ASBL Multiple Sclérose Lëtzebuerg qui compte 1 300 membres, dont 450 personnes atteintes de la sclérose en plaques. (Photo : dr)

Entre clichés et méconnaissance, la sclérose en plaques, maladie inflammatoire du système nerveux, est une pathologie complexe selon Anne Leurs, directrice de l’ASBL Multiple Sclérose Lëtzebuerg.

Actuellement, la sclérose en plaques touche combien de personnes au Luxembourg ?

Anne Leurs : On estime qu’il y a entre 700 et 1 000 personnes concernées au Luxembourg. Malheureusement, on ne peut qu’extrapoler, en comparaison avec des chiffres de pays voisins car nous n’avons n’a pas de chiffre concret. En général, au Grand-Duché, on a un peu de mal avec tout ce qui est statistique pour la santé. Nous n’avons pas de registre, il n’y a pas de déclaration de la maladie. Justement, il y a une enquête qui est faite par la plateforme européenne de la sclérose en plaques dans 23 pays européens, dont le Luxembourg. On espère donc qu’il y aura beaucoup de participation afin d’avoir une idée un peu plus claire de la situation ici. Parce que moi, je pense que c’est plus. Je tends plutôt vers les 1 000 que vers les 700. Mais ce n’est que mon sentiment, pas une statistique.

Quelles sont les actions menées par votre ASBL au cours de l’année ?

D’abord on a un service d’information, de consultation et de rencontres qui s’adresse aux malades ainsi qu’à leurs proches. Ça peut être des consultations auprès d’une psychologue, d’une assistante sociale, d’une infirmière spécialisée ou d’une ergothérapeute. Il y a des consultations individuelles comme des conférences, des ateliers.

Puis on propose différentes activités, où l’on permet à des malades et des proches de se rencontrer via des groupes d’entraide ou des activités de loisirs. Le grand objectif, c’est vraiment de mettre les gens ensemble et de lutter contre un sentiment d’isolement ou d’incompréhension. On a aussi deux structures de logement : une résidence avec 16 appartements adaptés aux handicaps en plein centre d’Esch et une maison de vacances à Bill, avec cinq logements qu’on loue pour des périodes plus courtes. À Bill, on a aussi un service d’activité de jour où on accueille jusqu’à 16 personnes pour les occuper, les sortir de chez eux et soulager un peu l’aidant à domicile éventuel.

Les aidants ont besoin de temps pour se consacrer à la personne malade mais aussi de répit

Les aidants sont-ils assez reconnus à vos yeux ?

C’est une maladie qui affecte tout l’entourage du fait de son évolution, de son caractère incurable et des limites causées au quotidien. Maintenant, est-ce que les aidants sont suffisamment soutenus ou reconnus? Je pense qu’on est en train de se rendre compte que ces personnes ont aussi besoin d’un soutien. Les aidants ont besoin de temps pour se consacrer à la personne malade, mais aussi de répit. On dit toujours que la sclérose en plaques, c’est une maladie aux mille visages. L’apport des aidants varie pour chaque malade. Certains sont quasi autonomes et d’autres sont confinés sur une chaise roulante, ne savent plus se lever, sont incontinents ou affectés au niveau cognitif. Quand ce sont des prises en charge 24 heures sur 24, il faut absolument que les aidants se laissent aider. Il y a des réflexions là-dessus, au niveau de la législation sur le travail notamment. C’est une avancée qu’on se rende compte qu’il y a des personnes qui, à côté de leur travail, ont une responsabilité pour une personne malade dans leur ménage. C’est une avancée, même si on veut toujours plus.

Quelle est la représentation de la maladie dans l’espace public selon vous?

Elle est connue, mais il y a une représentation erronée. Les gens voient une chaise roulante quand ils en parlent. Pour eux, c’est forcément un handicap visible, alors que beaucoup en sont atteints mais on ne le sait pas. D’ailleurs, les personnes ont tendance à cacher la maladie à leur entourage tant que c’est possible. Les gens pensent que c’est une maladie honteuse. Il y a une peur de se révéler et d’être caractérisé comme une personne handicapée, à laquelle on ne fait plus confiance pour gérer son quotidien et faire son travail. Faut-il le dire à son employeur? C’est une question qu’on nous pose très souvent et c’est difficile de répondre. Mais en même temps, ça peut donner lieu à des incompréhensions. On peut être fatigué par la maladie, mais ça peut être perçu comme une baisse de motivation. Ce qui est vraiment important, c’est que la personne se fasse diagnostiquer et que même si on n’a pas beaucoup de symptômes, il faut entamer un traitement de fond assez rapidement pour éviter que la maladie évolue et qu’un handicap s’installe.

Y a-t-il des avancées dans la recherche d’un traitement?

Il y a beaucoup de recherches et des molécules font régulièrement parler d’elles. Mais déjà, on parle de dix ans entre la découverte d’un éventuel effet et la vente du médicament. Toutefois, c’est vrai que ces dernières années, il y a eu des avancées, avec des médicaments beaucoup moins difficiles à prendre. Avant, c’étaient des injections quotidiennes par exemple. On reste quand même toujours très prudent quand on parle de certaines molécules, car c’est très dur de jouer avec les espoirs des malades.